Mots d'art & Scénarios Poésie, littérature, pensées, scripts d'art, oeuvres de Ginette Villeneuve |
| | Poètes de France | |
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Auteur | Message |
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Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 7 Juil - 19:14 | |
| VERLAINE : (1865)
Le Rossignol
Comme un vol criard d'oiseaux en émoi, Tous mes souvenirs s'abattent sur moi, S'abattent parmi le feuillage jaune De mon coeur mirant son tronc plié d'aune Au tain violet de l'eau des Regrets Qui mélancoliquement coule auprès, S'abattent, et puis la rumeur mauvaise Qu'une brise moite en montant apaise, S'éteint par degrés dans l'arbre, si bien Qu'au bout d'un instant on n'entend plus rien, Plus rien que la voix célébrant l'Absente, Plus rien que la voix - ô si languissante ! - De l'oiseau que fut mon Premier Amour, Et qui chante encor comme au premier jour ; Et dans la splendeur triste d'une lune Se levant blafarde et solennelle, une Nuit mélancolique et lourde d'été, Pleine de silence et d'obscurité, Berce sur l'azur qu'un vent doux effleure L'arbre qui frissonne et l'oiseau qui pleure. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Mer 22 Juin - 0:42 | |
| Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous. Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.
J'arrive tout couvert encore de rosée Que le vent du matin vient glacer à mon front. Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée Rêve des chers instants qui la délasseront.
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête Toute sonore encor de vos derniers baisers Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
Verlaine | |
| | | Phil Nouveau
Nombre de messages : 3 Localisation : Canada Date d'inscription : 03/01/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Sam 16 Avr - 22:18 | |
| Pierre de RONSARD (1524-1585) (Recueil : Premier livre des Amours)
Qui voudra voir comme un Dieu me surmonte Qui voudra voir comme un Dieu me surmonte, Comme il m'assaut, comme il se fait vainqueur, Comme il renflamme et renglace mon coeur, Comme il reçoit un honneur de ma honte,
Qui voudra voir une jeunesse prompte A suivre en vain l'objet de son malheur, Me vienne voir : il verra ma douleur, Et la rigueur de l'Archer qui me dompte.
Il connaîtra combien la raison peut Contre son arc, quand une fois il veut Que notre coeur son esclave demeure :
Et si verra que je suis trop, heureux, D'avoir au flanc l'aiguillon amoureux, Plein du venin dont il faut que je meure. | |
| | | Phil Nouveau
Nombre de messages : 3 Localisation : Canada Date d'inscription : 03/01/2005
| Sujet: Jean-François DUCIS (1733-1816) Sam 16 Avr - 22:15 | |
| Heureuse solitude Heureuse solitude, Seule béatitude, Que votre charme est doux ! De tous les biens du monde, Dans ma grotte profonde, Je ne veux plus que vous !
Qu'un vaste empire tombe, Qu'est-ce au loin pour ma tombe Qu'un vain bruit qui se perd ; Et les rois qui s'assemblent, Et leurs sceptres qui tremblent, Que les joncs du désert ?
Jean-François DUCIS (1733-1816)
Mon Dieu ! la croix que j'aime, En mourant à moi-même, Me fait vivre pour toi. Ta force est ma puissance, Ta grâce ma défense, Ta volonté ma loi.
Déchu de l'innocence, Mais par la pénitence Encor cher à tes yeux, Triomphant par tes armes, Baptisé par tes larmes, J'ai reconquis les cieux.
Souffrant octogénaire, Le jour pour ma paupière N'est qu'un brouillard confus. Dans l'ombre de mon être, Je cherche à reconnaître Ce qu'autrefois je fus.
Ô mon père ! ô mon guide ! Dans cette Thébaïde Toi qui fixas mes pas, Voici ma dernière heure ; Fais, mon Dieu, que je meure Couvert de ton trépas !
Paul, ton premier ermite, Dans ton sein qu'il habite, Exhala ses cent ans. Je suis prêt; frappe, immole. Et qu'enfin je m'envole Au séjour des vivants. | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Ven 8 Avr - 14:43 | |
| PLEIN CIEL
Au milieu d’un nuage, Au-dessus de la mer, Un visage de femme Regarde l’étendue, Et les oiseaux-poissons Fréquentant ces parages Portent l’écume aux nues.
(Je connais cette femme Où l’ai-je déjà vu.)
Les chiens du ciel aboient Dans un lointain sans terres, Ce sont bêtes sans chair Qui ne connaissent pas Cette dame étrangère, Et donnent de la voix Avec leur âme austère.
(Elle a des yeux si noirs Que je les cherche en moi.)
Silence tout à coup. Visages dans les mains Vont les sphères célestes Qui retiennent leur souffle Pour que ce chant modeste Se fraye comme il faut Son chemin jusqu’en haut.
(Et voici qu’elle a pris Sa tête entre ses mains.)
Jules Supervielle dans Le forçat innocent, éditions Poésie / Gallimard, page 98. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Maupasssannt Mer 30 Mar - 2:06 | |
| Guy de MAUPASSANT (1850-1893)
Désirs Le rêve pour les uns serait d'avoir des ailes, De monter dans l'espace en poussant de grands cris, De prendre entre leurs doigts les souples hirondelles, Et de se perdre, au soir, dans les cieux assombris.
D'autres voudraient pouvoir écraser des poitrines En refermant dessus leurs deux bras écartés ; Et, sans ployer des reins, les prenant aux narines, Arrêter d'un seul coup les chevaux emportés.
Moi ; ce que j'aimerais, c'est la beauté charnelle : Je voudrais être beau comme les anciens dieux, Et qu'il restât aux coeurs une flamme éternelle Au lointain souvenir de mon corps radieux.
Je voudrais que pour moi nulle ne restât sage, Choisir l'une aujourd'hui, prendre l'autre demain ; Car j'aimerais cueillir l'amour sur mon passage, Comme on cueille des fruits en étendant la main.
Ils ont, en y mordant, des saveurs différentes ; Ces arômes divers nous les rendent plus doux. J'aimerais promener mes caresses errantes Des fronts en cheveux noirs aux fronts en cheveux roux.
J'adorerais surtout les rencontres des rues, Ces ardeurs de la chair que déchaîne un regard, Les conquêtes d'une heure aussitôt disparues, Les baisers échangés au seul gré du hasard.
Je voudrais au matin voir s'éveiller la brune Qui vous tient étranglé dans l'étau de ses bras ; Et, le soir, écouter le mot que dit tout bas La blonde dont le front s'argente au clair de lune.
Puis, sans un trouble au coeur, sans un regret mordant, Partir d'un pied léger vers une autre chimère. - Il faut dans ces fruits-là ne mettre que la dent : On trouverait au fond une saveur amère. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Rimbaud Ven 18 Mar - 1:33 | |
| "Roman" d'Arthur RIMBAUD
On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans. Un beau soir, loin des bocks et de la limonade, Des cafés tapageurs aux lustres éclatants! On va sous les tilleuls verts de la promenade.
Les tilleuls sentent bon dans les bons soirs de juin! L'air est parfois si doux, qu'on ferme la paupière; Le vent chargé de bruits, la ville n'est pas loin, A des parfums de vigne et des parfums de bière...
Voilà qu'on aperçoit un tout petit chiffon D'azur sombre, encadré d'une petite branche, Piqué d'une mauvaise étoile, qui se fond Avec de doux frissons, petite et toute blanche...
Nuit de juin! Dix-sept ans! On se laisse griser. La sève est du champagne et vous monte à la tête.. On divague, on se sent aux lèvres un baiser Qui palpite là, comme une petite bête...
Le coeur fou Robinsonne à travers les romans, Lorsque, dans la clarté d'un pâle réverbère, Passe une demoiselle aux petits airs charmants, Sous l'ombre du faux-col effrayant de son père...
Et, comme elle vous trouve immensément naïf Tout en faisant trotter ses petites bottines, Elle se tourne, alerte et d'un mouvement vif... Sur vos lèvres alors meurent les cavatines...
Vous êtes amoureux. Loué jusqu'au mois d'août. Vous êtes amoureux. Vos sonnets La font rire. Tous vos amis s'en vont, vous êtes mauvais goût. Puis l'adorée, un soir, a daigné vous écrire!...
Ce soir-là,... vous rentrez aux cafés éclatants, Vous demandez des bocks ou de la limonade... On n'est pas sérieux quand on dix-sept ans Et qu'on a des tilleuls verts sur la promenade | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 6 Fév - 4:40 | |
| LES COLCHIQUES
Le pré est vénéneux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s’empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là Violâtre comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s’empoisonne
Les enfants de l’école viennent avec fracas Vêtus de hoquetons et jouant de l’harmonica Ils cueillent les colchiques qui sont comme des mères Filles de leurs filles et sont couleur de tes paupières Qui battent comme les fleurs battent au vent dément Le gardien du troupeau chante tout doucement Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l’automne.
Guillaume Apollinaire dans 128 poèmes composés en langue française de Guillaume Apollinaire à 1968, anthologie présentée par Jacques Roubaud, éditions Gallimard, page 17 | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 6 Fév - 4:40 | |
| J'ai tant rêvé de toi
J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant Et de baiser sur cette bouche la naissance De la voix qui m'est chère? J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués En étreignant ton ombre A se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas Au contour de ton corps, peut-être. Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante Et me gouverne depuis des jours et des années, Je deviendrais une ombre sans doute. O balances sentimentales. J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps Sans doute que je m'éveille. Je dors debout, le corps exposé A toutes les apparences de la vie Et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, Je pourrais moins toucher ton front Et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu. J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, Couché avec ton fantôme Qu'il ne me reste plus peut-être, Et pourtant, qu'a être fantôme Parmi les fantômes et plus ombre Cent fois que l'ombre qui se promène Et se promènera allègrement Sur le cadran solaire de ta vie.
Robert Desnos, "Corps et biens". | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Jules Renard Dim 6 Fév - 3:00 | |
| Jules Renard,
le Chat (extrait)
Le mien ne mange pas les souris ; il n'aime pas ça. Il n'en attrape que pour jouer avec . Quand il a bien joué, il lui fait grâce de la vie, et il va rêver ailleurs, l'innocent, assis dans la boucle de sa queue, la tête bien fermée comme un point. Mais, à cause de ses griffes, la souris est morte. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 6 Fév - 2:57 | |
| - Cécile a écrit:
- Merci Gi pour Paul Eluard... Il a aussi fait partie pendant un temps du groupe des surréalistes. Il a eu pour femme et muse Gala, la femme qui deviendra ensuite celle du peintre Dali.
je suis ravie d'apprendre tout cela. Merci. Gi | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 6 Fév - 2:55 | |
| Poésie du 19ième...
Toute la lyre
Vénus Ciel ! un fourmillement emplit l'espace noir, On entend l'invisible errer et se mouvoir ; Près de l'homme endormi tout vit dans les ténèbres. Le crépuscule, plein de figures funèbres, Soupire ; au fond des bois le daim passe en rêvant ; A quelque être ignoré qui flotte dans le vent La pervenche murmure à voix basse : je t'aime ! La clochette bourdonne auprès du chrysanthème Et lui dit : paysan, qu'as-tu donc à dormir ? Toute la plaine semble adorer et frémir ; L'élégant peuplier vers le saule difforme S'incline ; le buisson caresse l'antre ; l'orme Au sarment frissonnant tend ses bras convulsifs ; Les nymphaeas, pour plaire aux nénuphars pensifs, Dressent hors du flot noir leurs blanches silhouettes ; Et voici que partout, pêle-mêle, muettes, S'éveillent, au milieu des joncs et des roseaux, Regardant leur front pâle au bleu miroir des eaux, Courbant leur tige, ouvrant leurs yeux, penchant leurs urnes, Les roses des étangs, ces coquettes nocturnes ; Des fleurs déesses font des lueurs dans la nuit, Et, dans les prés, dans l'herbe où rampe un faible bruit, Dans l'eau, dans la ruine informe et décrépite, Tout un monde charmant et sinistre palpite. C'est que là-haut, au fond du ciel mystérieux, Dans le soir, vaguement splendide et glorieux, Vénus rayonne, pure, ineffable et sacrée, Et, vision, remplit d'amour l'ombre effarée.
Victor Hugo | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Sam 5 Fév - 4:38 | |
| Merci Gi pour Paul Eluard... Il a aussi fait partie pendant un temps du groupe des surréalistes. Il a eu pour femme et muse Gala, la femme qui deviendra ensuite celle du peintre Dali.
La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d’alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d’indulgence A la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert L’aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solitaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
Paul Eluard dans … Bleue comme une orange, éditions Alternatives, page 28 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Paul Éluard Sam 5 Fév - 0:57 | |
| JE TE L'AI DIT
Je te l'ai dit pour les nuages Je te l'ai dit pour l'arbre de la mer Pour chaque vague pour les oiseaux dans les feuilles Pour les cailloux du bruit Pour les mains familières Pour l’oeil qui devient visage ou paysage Et le sommeil lui rend le ciel de sa couleur Pour toute la nuit bue Pour la grille des routes Pour la fenêtre ouverte pour un front découvert Je te l'ai dit pour tes pensées pour tes paroles Toute caresse toute confiance se survivent. Paul Éluard Retour à l'accueil de La Poésie que j'aime ... http://lapoesiequejaime.net/peluard_III.htm | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Rimbaud ~ Sensation Lun 24 Jan - 2:38 | |
| Sensation Rimbaud
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers, Picoté par les blés, fouler l'herbe menue, Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds. Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien : Mais l'amour infini me montera dans l'âme, Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien, Par la nature, heureux comme avec une femme.
mars 1870 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Rimbaud ~ Rêvé pour l’Hiver Lun 24 Jan - 2:36 | |
| L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose Avec des coussins bleus. Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l’œil, pour ne point voir, par la glace, Grimacer les ombres des soirs, Ces monstruosités hargneuses, populace De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée… Un petit baiser, comme une folle araignée, Te courra par le cou…
Et tu me diras : "Cherche !", en inclinant la tête, - Et nous prendrons du temps à trouver cette bête - Qui voyage beaucoup...
Poésies. En wagon, le 7 octobre 1870. | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 23 Jan - 17:13 | |
| Le feu perce en plusieurs points le côté sourd du ciel, le côté que je n’avais jamais vu. Le ciel qui se brise un peu au dessus de la terre. Le front noir. Je ne sais pas si je suis ici ou là, dans l’air ou dans l’ornière. Ce sont des morceaux d’air que je foule comme des mottes. Ma vie s’arrête avec le mur ou se met en marche là où le mur s’arrête, au ciel éclaté. Je ne cesse pas. André Du Bouchet dans La chaleur vacante, éditions Gallimard, page 61 Un site consacré à Du Bouchet : http://supervielle.univers.free.fr/Andre%20Du%20Bouchet.htm Un article par J.M Maulpoix : http://www.maulpoix.net/bouchet.html | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Mer 19 Jan - 14:53 | |
| s’il y a des visages dessous plus guère personne pour voir
un mouvement d’ombres comme de feuilles
peu à peu une mousse ou du lierre dans la tête
on distingue mal
les noms lèvent seuls les figures les dunes les coins de rues les ciels par vagues et puis retombent sans plus de bruit dans l’œil
vie sans vie qui reste Antoine Emaz, Os, Tarabuste, 2004, p. 50.
Antoine Emaz est né en 1955. Il vit à Angers. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Poètes de France Mar 18 Jan - 16:51 | |
| CHARLES BAUDELAIRE
LE CRÉPUSCULE DU SOIR
Voici le soir charmant, ami du criminel ; Il vient comme un complice, à pas de loup ; le ciel Se ferme lentement comme une grande alcôve, Et l'homme impatient se change en bête fauve.
Ô soir, aimable soir, désiré par celui Dont les bras, sans mentir, peuvent dire : Aujourd'hui Nous avons travaillé ! - C'est le soir qui soulage Les esprits que dévore une douleur sauvage, Le savant obstiné dont le front s'alourdit, Et l'ouvrier courbé qui regagne son lit. Cependant des démons malsains dans l'atmosphère S'éveillent lourdement, comme des gens d'affaire, Et cognent en volant les volets et l'auvent. A travers les lueurs que tourmente le vent La Prostitution s'allume dans les rues ; Comme une fourmilière elle ouvre ses issues ; Partout elle se fraye un occulte chemin, Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main ; Elle remue au sein de la cité de fange Comme un ver qui dérobe à l'homme ce qu'il mange. On entend çà et là les cuisines siffler, Les théâtres glapir, les orchestres ronfler ; Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices, S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices, Et les voleurs, qui n'ont ni trêve ni merci, Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi, Et forcer doucement les portes et les caisses Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.
Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment, Et ferme ton oreille à ce rugissement. C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent ! La sombre Nuit les prend à la gorge ; ils finisssent Leur destinée et vont vers le gouffre commun ; L'hôpital se remplit de leurs soupirs. - Plus d'un Ne viendra plus chercher la soupe parfumée, Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.
Encore la plupart n'ont-ils jamais connu La douceur du foyer et n'ont jamais vécu ! | |
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