Mots d'art & Scénarios Poésie, littérature, pensées, scripts d'art, oeuvres de Ginette Villeneuve |
| | Poètes de France | |
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Auteur | Message |
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Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 21 Juin - 10:52 | |
| merci Antigone... c'est gentil. Je pars en week-end... de vendredi à lundi. Je t'embrasse, Gi | |
| | | Antigone 100 messages
Nombre de messages : 722 Age : 67 Date d'inscription : 04/07/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Mer 20 Juin - 14:05 | |
| Victor Hugo (Elle avait pris ce pli…) (Novembre 1848, jour des morts – Les Contemplations, IV, 5)
Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin De venir dans ma chambre un peu chaque matin. Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère. Elle entrait, et disait : Bonjour, mon petit père, Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s’asseyait Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait, Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe. Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse, Mon œuvre interrompue, et, tout en écrivant, Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent Quelque arabesque folle et qu’elle avait tracée, Et maintes pages blanches entre ses mains froissées, Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux verts. Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts, Et c’était un esprit avant d’être une femme. Son regard reflétait la clarté de son âme, Elle me consultait sur tout à tous moments. Oh ! Que de soirs d’hiver radieux et charmants Passés à raisonner langue, histoire et grammaire, Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère Tout près, quelques amis causant au coin du feu ! J’appelais cette vie être content de peu ! Et dire qu’elle est morte ! Hélas ! Que Dieu m’assiste ! Je n’étais jamais gai quand je la sentais triste ; J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux Si j’avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Robert Davreu Lun 3 Juil - 19:44 | |
| Quelle aube s’agglutine aux cheveux noirs des dunes quand au tour de compas d’une peur dérisoire le cœur se rapetisse et, géomètre aveugle, cherche l’impasse d’une passe éteignant la passion du large ?
Serait-ce que l’heure n’est plus à rien, plus même à la secrète compassion d’une guerre muette et solitaire où chaque pas invente Une autre carte avant de s’effacer ?
Serait-ce que l’argile a fini de durcir et fini d’avoir soif comme ces centenaires aux paupières d’iguanes dans un masque recuit et prêt à s’écailler au moindre souffle reconnu ?
Serait-ce que la nuit est beaucoup trop précise qui donne à lire le cristal de l’estran, quand le jour fige et brouille les vignes et nomme réel le néant de ses garde-fous et balises ?
Robert Davreu
tiré de
http://www.jose-corti.fr/titresfrancais/au-passage-de-l-heure.html | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Ven 10 Mar - 1:42 | |
| merci beaucoup pour ce texte de Verlaine.. à bientôt Gi | |
| | | Stryx Messsager
Nombre de messages : 49 Localisation : Italie Date d'inscription : 22/06/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Lun 6 Mar - 11:06 | |
| Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore Paul Verlaine
Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore, Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore, Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien,
C'en est fait à présent des funestes pensées, C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait Surtout de l'ironie et des lèvres pincées Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait.
Arrière aussi les poings crispés et la colère A propos des méchants et des sots rencontrés; Arrière la rancune abominable ! arrière L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés !
Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière A dans ma nuit profonde émis cette clarté D'une amour à la fois immortelle et première, De par la grâce, le sourire et la bonté,
Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces, Par toi conduit, ô main où tremblera ma main, Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ;
Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie, Vers le but où le sort dirigera mes pas, Sans violence, sans remords et sans envie : Ce sera le devoir heureux et gais combats.
Et comme, pour bercer les lenteurs de la route, Je chanterai des,airs ingénus, je me dis Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ; Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Ven 23 Sep - 16:30 | |
| - naboko a écrit:
- L'HORLOGE Charles Baudelaire !
et merci. Gi | |
| | | naboko Nouveau
Nombre de messages : 2 Date d'inscription : 23/09/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Ven 23 Sep - 6:59 | |
| L'HORLOGE Charles Baudelaire
Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible Dont le doigt nous menace et nous dit "Souviens-toi! Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi Se planteront bientôt comme dans une cible ;
"Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon Ainsi qu'une sylphide au fond de sa coulisse ; Chaque instant te dévore un morceau du délice A chaque homme accordé‚ pour tout sa saison.
"Trois mille six cent fois par heure, la Seconde Chuchote: Souviens-toi ! - Rapide, avec sa voix D'insecte, Maintenant dit : Je suis Autrefois, Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde !
"Remember ! Souviens-toi, prodigue Esto memor ! (Mon gosier de métal parle toutes les langues.) Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or !
"Souviens-toi que le temps est un joueur avide Qui gagne sans tricher, à tout coup ! c'est la loi. Le jour décroit ; la nuit augmente, souviens-toi! Le gouffre a toujours soif: la clepsydre se vide.
"Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard, Où l'auguste Vertu, ton épouse encore vierge, Où le repentir même (oh ! la dernière auberge !), Où tout te dira : Meurs, vieux lâche ! il est trop tard ! | |
| | | Antigone 100 messages
Nombre de messages : 722 Age : 67 Date d'inscription : 04/07/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 18 Sep - 4:04 | |
| TRANSFORMATIONS (Jacqueline Held)
L'enchanteur Merlin se changea en chien. Le petit garçon ne dit rien.
L'enchanteur Merlin se changea en chat. Le petit garçon bâilla.
L'enchanteur Merlin se changea en chinchila. Le petit garçon rebâilla.
L'enchanteur Merlin se changea en souri. Le petit garçon s'endormit.
MORALITE :
Il n'y a plus d'enfants ! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Sam 3 Sep - 0:34 | |
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| | | rotko Ange
Nombre de messages : 58 Date d'inscription : 20/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Ven 2 Sep - 15:17 | |
| Voic un autre poeme de Rabah Belamri, pour Jean Sénac, poete franco algerien assassiné en Algerie en 1973
à la mémoire de Jean Sénac
dehors la gaieté claque comme un étendart au vent mais dans l'alcôve du coeur rien que l'echo de l'attente
tu ne peux sortir de ton port de solitude la vague est étroite l'eau du voyage une jarre de sel
in "pierres d'équilibre" le dé bleu/le noroit.1993. | |
| | | rotko Ange
Nombre de messages : 58 Date d'inscription : 20/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Ven 2 Sep - 15:14 | |
| Rabah Belamri, poete et romancier franco algerien,
dans les asphodèles le jour courbe sa flamme
la ville des hautes pierres a perdu ses clés - les légions du Nord ont fui leslegions du Sud ont choisi la route de la plaine - sur ses frontons morts les oiseaux saignent encore
sous les remparts la flûte de l'enfant nomade apporte aux chèvres immobiles une légende d'arc et de poussière
amère l'eau de la mémoire in "pierres d'équilibre" le dé bleu/le noroit.1993. | |
| | | Stryx Messsager
Nombre de messages : 49 Localisation : Italie Date d'inscription : 22/06/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Lun 29 Aoû - 10:25 | |
| - Gi a écrit:
- Merci Stryx pour la variété que tu ajoutes à ce fil...
de rien Gi ------------------------ Je suis comme je suis Jacques PrévertJe suis comme je suis Je suis faite comme ça Quand j'ai envie de rire Oui je ris aux éclats J'aime celui qui m'aime Est-ce ma faute à moi Si ce n'est pas le même Que j'aime chaque fois Je suis comme je suis Je suis faite comme ça Que voulez-vous de plus Que voulez-vous de moi Je suis faite pour plaire Et n'y puis rien changer Mes talons sont trop hauts Ma taille trop cambrée Mes seins beaucoup trop durs Et mes yeux trop cernés Et puis après Qu'est-ce que ça peut vous faire Je suis comme je suis Je plais à qui je plais Qu'st-ce que ça peut vous faire Ce qui m'est arrivé Oui j'ai aimé quelqu'un Oui quelqu'un m'a aimée Comme les enfants qui s'aiment Simplement savent aimer Aimer aimer... Pourquoi me questionner Je suis là pour vous plaire Et n'y puis rien changer. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 28 Aoû - 20:47 | |
| Merci Stryx pour la variété que tu ajoutes à ce fil...
L'ÂME DU VIN
Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles : "Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité, Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles, Un chant plein de lumière et de fraternité !
Je sais combien il faut, sur la colline en flamme, De peine, de sueur et de soleil cuisant Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ; Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,
Car j'éprouve une joie immense quand je tombe Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux, Et sa chaude poitrine est une douce tombe Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.
Entends-tu retentir les refrains des dimanches Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ? Les coudes sur la table et retroussant tes manches, Tu me glorifieras et tu seras content ;
J'allumerai les yeux de ta femme ravie ; A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs Et je serai pour ce frêle athlète de la vie L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.
En toi je tomberai, végétale ambroisie, Grain précieux jeté par l'éternel Semeur, Pour que de notre amour naisse la poésie Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur !"
Les Fleurs du Mal, 1857 Charles BAUDELAIRE (1821-1867) | |
| | | Stryx Messsager
Nombre de messages : 49 Localisation : Italie Date d'inscription : 22/06/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 25 Aoû - 5:29 | |
| Renouveau Stephane Mallarmé
Le printemps maladif a chassé tristement L'hiver, saison de l'art serein, l'hiver lucide, Et, dans mon être à qui le sang morne préside L'impuissance s'étire en un long bâillement.
Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne Qu'un cercle de fer serre ainsi qu'un vieux tombeau Et triste, j'erre après un rêve vague et beau, Par les champs où la sève immense se pavane
Puis je tombe énervé de parfums d'arbres, las, Et creusant de ma face une fosse à mon rêve, Mordant la terre chaude où poussent les lilas,
J'attends, en m'abîmant que mon ennui s'élève... Cependant l'Azur rit sur la haie et l'éveil De tant d'oiseaux en fleur gazouillant au soleil. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 25 Aoû - 3:58 | |
| Alfred de MUSSET (1810-1857) (Recueil : Poésies nouvelles)
Tristesse J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie.
Quand j'ai connu la Vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai comprise et sentie, J'en étais déjà dégoûté.
Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré.
Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré. | |
| | | Stryx Messsager
Nombre de messages : 49 Localisation : Italie Date d'inscription : 22/06/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Mer 24 Aoû - 6:00 | |
| L'homme et la Mer Charles Baudelaire
Homme libre, toujours tu chériras la mer! La mer est ton miroir; tu contemples ton âme dans le déroulement infini de sa lame, et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer.
Tu te plais à plonger au sein de ton image; tu l'embrasses des yeux et des bras, et ton coeur se distrait quelquefois de sa propre rumeur au bruit de cette plainte indomptable et sauvage.
Vous êtes tous les deux ténébreux et discrets: homme, nul n'a sondé le fond de tes abîmes; o mer, nul ne connaît tes richesses intimes, tant vous êtes jaloux de garder vos secrets!
Et cependant voilà des siècles innombrables que vous vous combattez sans pitié ni remord, Tellement vous aimez le carnage et la mort, o lutteurs éternels, ô frères impacables! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 18 Aoû - 5:49 | |
| Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les contemplations)
Demain, dès l'aube... Demain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends. J'irai par la forêt, j'irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées, Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe, Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.
Dernière édition par le Jeu 25 Aoû - 3:57, édité 1 fois | |
| | | Stryx Messsager
Nombre de messages : 49 Localisation : Italie Date d'inscription : 22/06/2005
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 18 Aoû - 4:42 | |
| La Maline Arthur Rimbaud
Dans la salle à manger brune, que parfumait Une odeur de vernis et de fruits, à mon aise Je ramassais un plat de je ne sais quel met Belge, et je m'épatais dans mon immense chaise.
En mangeant, j'écoutais l'horloge, - heureux et coi. La cuisine s'ouvrit avec une bouffée, -Et la servante vint, je ne sais pas pourquoi, Fichu moitié défait, malinement coiffée
Et, tout en promenant son petit doigt tremblant Sur sa joue, un velours de pêche rose et blanc, En faisant, de sa lèvre enfantine, une moue,
Elle arrangeait les plats, près de moi, pour m' aider; - Puis, comme ça, - bien sûr, pour avoir un baiser, - Tout bas: "Sens donc, j'ai pris un froid sur la joue..." | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Dim 24 Juil - 4:11 | |
| Les Yeux d'Elsa
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire J'ai vu tous les soleils y venir se mirer S'y jeter à mourir tous les désespérés Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent L'été taille la nue au tablier des anges Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée Sept glaives ont percé le prisme des couleurs Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche Par où se reproduit le miracle des Rois Lorsque le coeur battant ils virent tous les trois Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des mots Pour toutes les chansons et pour tous les hélas Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images Écarquille les siens moins démesurément Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où Des insectes défont leurs amours violentes Je suis pris au filet des étoiles filantes Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu Ô paradis cent fois retrouvé reperdu Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent Moi je voyais briller au-dessus de la mer Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
Louis Aragon Extrait de "Les Yeux d'Elsa" édition Séghers. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 21 Juil - 1:34 | |
| LA FAUVETTE DE L’ATELIER
A Marie
C’est pour ta grâce et ta gaîté
Ton doux rire, hiver comme été,
Compatissant aux pauvres hommes,
Tes yeux malins et ton cœur d’or,
Que je t’aime, innocent trésor,
Si rare au pays où nous sommes !
*
Je t’écoute, quand l’atelier
Vibre comme au bruit régulier
D’une forge où l’on bat l’enclume ;
Et j’écris, bercé par ta voix…
Alors, au lieu d’encre, je vois
Une larme au bout de ma plume,
*
Dieu, qui pour tes folles chansons,
Te donna la voix des pinsons,
Omit de te donner leurs ailes.
C’est un oubli, ça se conçoit :
On est troublé, pour Dieu qu’on soit,
Devant vous, ô mes demoiselles !
*
Non, ce tendre et soyeux duvet,
Robe légère, qui revêt
L’ oiseau des bosquets comme l’ange,
Le bon Dieu, qui t’aime et te bénit,
L’a gardé pour t’en faire un nid…
Choisis donc ta branche, Ô mésange !
*
Mais laisse, aux jours de l ‘avenir,
Laisse encore, en ton souvenir,
L’atelier et son bruit de forge,
Toi qui portes, reflet des cieux,
Tout le firmament dans tes yeux,
Et tout le printemps dans ta gorge.
1898 Minstrel Le Colon Oranais | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Poètes de France Lun 18 Juil - 18:54 | |
| THÉOPHILE GAUTIER
Oui, l'oeuvre sort plus belle D'une forme au travail Rebelle, Vers, marbre, onyx, émail.
Point de contraintes fausses ! Mais que pour marcher droit Tu chausses, Muse, un cothurne étroit.
Fi du rhythme commode, Comme un soulier trop grand, Du mode Que tout pied quitte et prend !
Statuaire, repousse L'argile que pétrit Le pouce Quand flotte ailleurs l'esprit :
Lutte avec le carrare, Avec le paros dur Et rare, Gardiens du contour pur ;
Emprunte à Syracuse Son bronze où fermement S'accuse Le trait fier et charmant ;
D'une main délicate Poursuis dans un filon D'agate Le profil d'Apollon.
Peintre, fuis l'aquarelle, Et fixe la couleur Trop frêle Au four de l'émailleur.
Fais les sirènes bleues, Tordant de cent façons Leurs queues, Les monstres des blasons ;
Dans son nimbe trilobe La Vierge et son Jésus, Le globe Avec la croix dessus.
Tout passe. - L'art robuste Seul a l'éternité. Le buste Survit à la cité.
Et la médaille austère Que trouve un laboureur Sous terre Révèle un empereur.
Les dieux eux-mêmes meurent, Mais les vers souverains Demeurent Plus forts que les airains.
Sculpte, lime, cisèle ; Que ton rêve flottant Se scelle Dans le bloc résistant ! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 7 Juil - 19:43 | |
| posté par Émilie
LE SEMEUR C'est au moment crepusculaire J'admire, assis sous un portail Ce reste de jour dont s'eclaire La dernière heure de travail.
Dans les terres, de nuit baignées Je contemple, ému les haillons D'un vieillard qui jette à poignées La moisson future aux sillons.
Sa haute silhouette noire Domine les profonds labours On sent à quel point il doit croire A la fuite utile des jours.
Il marche dans la plaine immense Va, vient, lance la graine au loin, Rouvre sa main et recommence Et je médite, obscur temoin ;
Pendant que, déployant ces voiles L'ombre, ou se mèle une rumeur, Semble élargir jusqu'aux étoiles, Le geste auguste du semeur.
VICTOR HUGO _________________ n'entendre que les silences, n'écouter que les mots, ne donner que le beau, ta vie aura un sens et José Chanly lui a répondu... Bonsoir Emilie,
C'est un poème qu'il fallait réciter devant ses condisciples : "C'est au moment crépusculaire..." Divin Hugo!
José Clair de lune
La lune était sereine et jouait sur les flots. - La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise, La sultane regarde, et la mer qui se brise, Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare. Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos. Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos, Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour, Et coupent l'eau, qui roule en perles sur leur aile ? Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle, Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? Ni le noir cormoran, sur la vague bercé, Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé Du lourd vaisseau, rampant sur l'onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots. On verrait, en sondant la mer qui les promène, Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... La lune était sereine et jouait sur les flots.
Victor Hugo (1802-1885) | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 7 Juil - 19:40 | |
| CLAIR DE LUNE
PAUL VERLAINE
Fêtes galantes « 1869 »
Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques, Jouant du luth, et dansant, et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques.
Tout en chantant sous le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune, Ils n'ont pâs l'air de croire à leur bonheur Et leur chason se mêle au clair de lune,
Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rever les oiseaux dans les arbres Et sangloter d'extase les jets d'eau, Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 7 Juil - 19:38 | |
| Robert Denos (1900-1945)
L'arbre...La vie
Il était une feuille avec ses lignes Ligne de vie Ligne de chance Ligne de cœur Il était une branche au bout de la feuille Ligne fourchue, signe de vie Signe de chance Signe de cœur Il était un arbre au bout de la branche Un arbre digne de vie Digne de chance Digne de cœur Cœur gravé, percé, transpercé Un arbre que nul jamais ne vit Il était des racines au bout de l'arbre Racines vignes de vie Vignes de chance Vignes de coeur Au bout des racines il était la terre La terre tout court La terre toute ronde La terre toute seule au travers du ciel La terre
http://perso.wanadoo.fr/universimmedia/arbres/poesie/arbrevie.htm | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes de France Jeu 7 Juil - 19:16 | |
| Ma Bohème (Arthur Rimbaud) Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ; Mon paletot aussi devenait idéal ; J'allais sous le ciel, Muse ! Et j'étais ton féal ; Oh ! là ! là ! Que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou. - Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse. - Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou.
Et je les écoutais, assis au bord des routes, Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ; Où, rimant au milieu des ombres fantastiques, Comme des lyres, je tirais les élastiques, De mes souliers blessés, un pied contre mon coeur ! posté par Antigone | |
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