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 Nuit d'angoisse sur la Gaville

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2 participants
AuteurMessage
Pascal9
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Pascal9


Nombre de messages : 251
Age : 64
Localisation : Flandre
Date d'inscription : 20/12/2004

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MessageSujet: Nuit d'angoisse sur la Gaville   Nuit d'angoisse sur la Gaville EmptyMer 9 Fév - 15:01

Nuit d’angoisse sur la Gaville.



- « Dépêche-toi, dit Darrieux, active ! Voilà le garde… »
C’est la pluie qui nous dissimule. Il est bien trois heures, pour sûr. Pas d’autres moyens que de nous vautrer dans la terre fangeuse. Je vois que tout fonctionne dans une sérénité totale, sauf l’angoisse que doit inspirer la pêche aux engins pour tout braconnier qui se respecte.
Se planquer dans un bosquet, c’est l’enfance de l’art, c’est même assez marrant et mystérieux dans un beau buisson touffu et sombre. Mais cette boue collante n’est pas vraiment le tapis rêvé. Très noire par l’apport de tourbe, elle se plaque goulûment sur nos faces blafardes. A moins de nous faire piétiner enfin, de crier, éternuer, bouger, nous sommes invisibles aux yeux des autorités. Les pas sonnent déjà sur le chemin de hallage qui borde la Gaville. Je reconnais la silhouette fluette de « Quinze Grammes » : le garde à la corpulence et au charme gracile d’un petit rat de l’opéra !
Il y en a pour un moment. On s’enrhume ici ! De la boue plein nos poches. On se liquéfie, on s’incorpore à la glèbe. Je pense à l’arrestation, mais quelle aubaine pour « Quinze Grammes ». Voilà Darrieux qui bouge, Oh là ! Cesse donc ! A chaque seconde, les pas se rapprochent.
Pas moyen d’y couper, on y a droit. Ciel pur, pas de lune. A ne sortir ainsi que par des nuits sans lune, je ne la connais plus, triste existence d’un braconnier professionnel. Si les collègues savaient seulement où l’on pêche, çà leur donnerait des vapeurs. Peut-être que s’ils connaissaient nos coups, la Jacquerie en enverrait quelques uns pour nous piquer la place.
Bon ! Voilà Darrieux qui gigote de nouveau, il refuse les bains de boue, pauvres rhumatismes…
Quinze Grammes » ne marche plus sur le chemin ; je le soupçonne de se planquer, histoire de voir venir, sale engeance !
Darrieux fait de durs efforts pour calmer sa danse de Saint-guy, au moins pour la contrôler, de concert avec les branchages agités par le vent.
Si on se fait ferrer aux pattes ici par le mariole, les présentations seront vite faites, on nous conduira promptement au tribunal des grimaces et zoup ! En avant la musique ! Et voilà la brume vent qui se met de la partie. Déjà quinze minutes de passées, mais voilà que me prend une terrible envie de rire. C’est le bouquet, un agité et un comique, vous parlez d’un western !
Le garde pêche réapparaît et finalement s’éloigne, tranquillement… Nous attendons encore cinq minutes et nous nous extirpons de cet infâme cloaque, boueux, crachant, gluant de tourbe et de feuilles mortes. Nous sommes tout content de nous retrouver debout, le regard joyeux dans nos figures crasseuses.
Darrieux s’ébroue, avance sur le chemin et guette dans le silence. Le « Quinze Grammes » s’est évanoui dans la nuit. Darrieux suppose qu’il va revenir. Le moment est mal choisi pour récupérer les filets, m… des filets neufs. Tant pis ! Faut y aller !
Penchés vers la rive, nous attrapons les filins, et tranquillement, comme un dimanche, nous tirons les engins à nous.
Notre association fonctionne à merveille, Darrieux est une pointure, nous voici à pied d’œuvre et… Rien dans les mailles… Dans notre précipitation, le filet s’est ouvert, triste nuit…
Je me relève, m’étire un peu, planque le fourbi dans un taillis voisin.
- « Tu parles d’une équipée, saleté de garde, il ne dort donc jamais. On peut dire qu’on n’a pas le pot… Il veut nous chopper la hyène… »
- « Bien, bien, c’est parfait, la Jacquerie va se foutre de nous demain, et elle aura raison. Notre réputation va en prendre un sale coup. »
On se sent un brin penauds, après un coup de déveine de cette espèce, il ne reste plus que nos yeux à essuyer, poisseux qu’ils sont…
Pourtant, on a parfois l’impression que certains génies malicieux nous inspirent. Darrieux s’exclame :
-« La Tonne, la Tonne de purin, dans le champ à Frémaux. Si on allait la déverser sur son clair logis à cette arsouille ! »
Nouveau parcours en catimini, plongés dans l’obscurité. Heureusement, le chemin est en pente, et le tombereau pas trop rouillé. Arrivés derrière la maison, nous jetons discrètement un regard. En face, près de la façade, j’avise la gouttière de la cuisine. Arrêt Buffet ! Il faut se boucher les narines et fermer les mâchoires, çà pue, c’est autre chose, l’âpreté du fumier a quelque chose de diabolique… Bien tassée dans la gouttière et aux alentours, l’ondulante puanteur se déverse dans le jardin de la maisonnée de notre tourmenteur.
A nous les honneurs… Belle opération de commandos… Victoire… « Quinze Grammes » va en crever !
D’un seul coup, l’horreur… un chien, grand, furieux, maigre comme une bicyclette détale après nous. Le garde n’a jamais eu de cador, on réfléchit plus, on court…
Passés de l’autre côté de La Gaville, Brr… Elle est pas chaude… on entend plus rien, on s’arrête, le molosse a renoncé. En s’ébrouant, Darrieux se fout à rigoler…
- Camarade ! On s’est trompé de gouttière et de jardin, le chien, c’est celui du curé ! »
Vers l’horizon blanchâtre, le soleil rouge est monté, dans le matin naissant, à l’aube d’une journée claire, deux grands pendards rient à gorge déployée…


Loos, le 9 février 2005
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Romane
100 messages
Romane


Nombre de messages : 294
Localisation : Pyrénées Atlantiques - France
Date d'inscription : 19/12/2004

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MessageSujet: Re: Nuit d'angoisse sur la Gaville   Nuit d'angoisse sur la Gaville EmptyJeu 24 Fév - 19:42

Bonsoir, Pascal
J'ai re lu et re ri....
En encore fait le lien avec Giono !

Donc...

Bises affectueuses
Romane
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