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 Chroniques du Houtland - 13 avril 2005

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AuteurMessage
Pascal9
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Pascal9


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MessageSujet: Chroniques du Houtland - 13 avril 2005   Chroniques du Houtland  - 13 avril 2005 EmptyMer 13 Avr - 15:20

Chroniques du Houtland.



13 avril 2005.

« René Fallet est un piéton des villes. Il passe beaucoup de temps dans
les rues. Fallet est un homme de la rue. Tout l’indique : sa démarche et ses godasses ; sa musette de vagabond qui fait partie de sa silhouette ; ses vêtements et sa casquette, prévus pour les intempéries. Il s’habille de façon très pratique comme tous ceux qui déambulent. Cet accoutrement lui tient lieu de capote. Fallet est un piéton décapotable. »
Jean Carmet


C’était un temps joyeux. L’époque brouillonne et débridée où s’ébattaient mes vingt ans. Ce temps là l’est bien souvent… Même à notre époque, ne comptez pas sur moi pour jouer les vieux c… nostalgiques, ce n’est pas un rôle de composition et j’y arrive très bien sans public…
En cette année 1980, je vivais plus ou moins en communauté, là où se posait mon sac. Il avait la bougeotte ce sac, perpétuellement en cavale…
Un an plus tard, François Mitterrand deviendrait Président de La République, plongeant notre jeunesse folle dans une fête immense et les petits commerçants dans une Terreur abjecte… Des hordes de barbus-chevelus, le pétard aux lèvres, allait envahir les crémeries, pillant sans vergogne les petits suisses, se gorgeant de Juliénas à bas prix et mettant à sac les rayons de mimolette… Le fantasme de 93 résonnait aux oreilles boutiquières craignant pour la petite rente et la sauvegarde des bonnes mœurs Judéo-chrétiennes…
Je partageais (on ne disait pas encore « squatter ») le pavillon de banlieue d’un ami singulier aux amours chaotiques. Une espèce de Pierrot lunaire mâtiné d’ours brun… Le mélange hasardeux d’un électricien surdoué, d’un lecteur assidu et d’un fan de Jacques Higelin, photographe talentueux… Vivant la plupart du temps dans sa cuisine, un énorme matou sur l’épaule, mitonnant notre éternel ordinaire du moment, des spaghettis à l’ail… Plat roboratif à l’haleine ensoleillée. En ces mois de cale sèche, stoppé entre deux étapes, nous avions la sérénité libanaise ou jamaïcaine (suivant la production de la saison…) et la clairvoyance insolente de notre jeunesse.
Un soir de Beaujolais nouveau (vous savez, le goût de banane…) le « Frisé » me lança au travers de la toile cirée un bouquin fatigué d’être feuilleté.
-« Tiens ! Tu devrais lire ce mec… »
A ma grande honte, je ne connaissais pas encore René Fallet… « La soupe aux choux » fut une révélation…
« La soupe aux choux, mon Blaise, çà parfume jusqu’au trognon, çà fait du bien partout ou qu’elle se ballade dans les boyaux. Çà tient au corps et çà vous fait même des gentillesses dans la tête. Tu veux que je t’y dise, çà rend meilleur. Quand on s’est envoyé un bol de soupe en plein dans le ventre, on a les arpions qui s’étirent dans les sabots ». René Fallet Comme l’on dit certain, lire un écrivain est la meilleure manière de le fréquenter. Je me suis donc embarqué dans l’œuvre de René et, en trois mois, j’avais « partagé » l’existence de cet éternel jeune homme assoiffé de lectures et de tendresse…
De Jaligny à la vallée de la Bresbe, de Villeneuve Saint-Georges à Thionne où tu te promenais, René, enfant lisant dans les chemins accompagné d’un canard apprivoisé…
Nous vivons dans nos existences des rencontres troublantes et intéressantes, celle-ci fut immense… Des points communs, des vies semblables parce qu’ordinaires… Banlieusard passionné de vélo et de pêche, des parallèles simples qui me troublent encore au jour d’aujourd’hui… Tu ne pouvais que me plaire… Ce n’était même pas de l’identification, c’était un fait du destin… La veine beaujolais et la veine whisky retournaient à la mer, mais faisaient quelques émules en chemin… J’étais fait pour cet univers où finalement j’étais né et où j’évoluais, simplement mon paysage et mes étangs étaient plus au Nord…
La lecture de ses carnets de jeunesse me parle encore et toujours d’un ouvrier de chantier, ce n’est pas Rastignac parti à la conquête de Paris. C’est l’histoire d’une bataille : celle du petit, de l’humble, de l’artisan qui a décidé d’avoir son nom sur une enseigne. Sans mot de recommandation, sans facilités financières, et comme le dit également Yvan Audouard sans autre capital que ses rêves d’enfance… Fils de communiste, amoureux de la poésie, Fallet était peut-être fou d’humanité… C’est un pari si difficile… Moi, qui à 45 ans ne fréquente guère le monde, peut-être pour ces mêmes raisons… Se méfier des hommes parce que trop avide de compassion ou de générosité. Pas à mon égard…. Non… A l’égard de ce que nous sommes toutes et tous, un grand cœur qui bat souvent trop vite… Etrange paradoxe… Aimer l’homme et le fuir, pour mieux se protéger… Lui rêvait de « cœurs posés l’un sur l’autre », il attend celle à qui il pourra faire « un pont de fleurs sur une rivière de baisers ». Une écriture faite de « mots petits riens » de « tendres balivernes ».
Ces carnets de jeunesse que je pourrai, que nous pourrions pour certaines et certains reprendre à notre compte… Le génial Didier Deaninckx reprend la phrase ultime laissée par Henri Caler « Ne me secouez pas, je suis plein de larmes » Nous sommes pleins de : larmes, et souvent, nous en avons honte… Jacques Brel disait à Jacques Chancel lors de « Radioscopie » « Un artiste, c’est quelqu’un qui a mal aux autres ». Malgré les années passées, je sais que de cela, nous ne guérissons pas…
Des passages de Fallet, je pourrai en citer des pages entières ; celui qui aimait tant les gens qu’il en venait à les détester… Tant et tant de si belles pages de tendresse :
« Quatre mains emmêlées sur des genoux jouaient à la tendresse et se faisaient, en se pressant les unes contre les autres, des réussites. »
« Sentimentalement, j’étais un train de nuit qui regardait passer les vaches. Les chats siamois et leurs yeux bleus. Les monstres. Mes monstres. Les poivrots éperdus. Les seins des jeunes filles l’été. Les vagues. Les truites, du haut d’un pont. Les étoiles descendues en flamme par les bazookas de l’aurore. Et je me regardais passer aussi… »
René Fallet était un poète qui s’en défendait, il faut lire son « chant funèbre à un bredin ». Le bredin de Jaligny, une personnification de la naïveté de l’artiste face au monde aux angles aigus.
Autre parallèle troublant… J’ai pendant longtemps, lors de week-ends à la campagne, partagé mes jeux d’enfant avec un garçon simple… Les autres mômes du village lui faisaient une vie d’enfer… Epoque rude où ne se pratiquait pas encore la dialectique pompeuse de la discrimination positive… Les vies se répètent, se reflètent dans l’eau des étangs, la pêche au petit matin, dans la brume laiteuse…
Nous sommes maintenant arrivés après nos années d’illusion (c’est si beau l’illusion) dans l’époque des « précieux ridicules de l’ère du nylon ».
Anar, je reste, même si c’est folklorique et délicieusement anachronique.
Moins de deux ans après son copain Georges Brassens, Fallet a tiré sa révérence… On ne refait pas du Brassens, du Brel ou du Fallet… Non… D’ailleurs, il ne faut pas… Il nous faut simplement continuer à porter la musette du promeneur, dans cette vie, si belle quand même…
Les années 80 annonçaient la grisaille. Mon père, Brassens, Fallet… Ma jeunesse s’en allait dormir sous la terre…
Il était temps pour moi de reprendre mon sac et de retourner parcourir le monde. La poussière des chemins allait sécher mes larmes… Ne me secouez pas trop…


« Nous vivons des temps désolés où l’homme se démode, s’inscrit au passif décoloré, automatise ses sens, laisse la société anonyme s’en emparer, où l’homme perd toute figure humaine, se dilue dans la masse, honteux d’être un individu, de ne pas être à lui tout seul le rassurant pluriel. » René Fallet
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