Mots d'art & Scénarios
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 C'était "LÀ"

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késaco
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késaco


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Date d'inscription : 23/08/2006

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MessageSujet: C'était "LÀ"   C'était "LÀ" EmptyLun 15 Oct - 4:06

C’était « LÀ » !

3028… Une nacellogare comme une autre… Lundredi… .Quelque part, ailleurs... 48ème soleil du mois… Couloir 1. Celui du nord. Juimai…
Virgilelle attendait.

« L’amour est passé près de vous…
Un soir, dans la rue, n’importe où
Mais vous n’avez pas su le voir en chemin,
L’amour est un, Dieu si malin… »


Toujours cette antienne des temps anciens, inlassablement, martelait ses rêves…
Ô combien de sabliers, combien !...

« Choisissez votre nacelle pour la destination de vos rêves » lui rappelait l’affiche qu’elle connaissait bien.
Elle n’en était pas à son premier voyage, Virgilelle !
Elle avait déjà emprunté toutes les nacelles. Elle en avait passé des sabliers et des sabliers dans ces couloirs et ce hall d’attente.
Attente de quoi ?
Nulle part, jamais, ne serait-ce qu’un moment, elle n’avait trouvé l’amour…

Aujourd’hui, Lundredi 48 juimai de l’an 3028 elle allait tenter le tout pour le tout. Dernier voyage, dernière chance. Pour NULEPAR.
« Ce sera ma dernière destination. »
C’était d’ailleurs la seule qui restait à atteindre. Ses dernières vacances de professeur de géographie moderne.
Virgilelle attendait en feuilletant machinalement, pour la énième fois, le dépliant déplié sur les girons de son jean, un de ces vieux pantalons revenu à la mode de ce siècle.
AYEUR, JAMÉ, TOUGEOUR, UNMOMAN, TOUZAZIMUT, elle avait tout vu, tout parcouru, tout connu … » Tout, enfin, presque… »


« … Prenez bien garde une autre fois :
Ne soyez pas si maladroit
Sachez le comprendre et le garder toujours,
Si vous voyez passer l’amour… »


Virgilui attendait.

Couloir 10. Celui du sud … Et cette chanson, qui hantait ses sens !
Ô, il ne savait pas, le dénommé Brassens, ce vieux poète des siècles d’antan, bien avant l’avant, combien de sabliers ! Combien…
Il avait le choix, Virgilui. Il pouvait rêver tous azimuts. Trouver l’amour qu’il attendait … Peut-être, enfin… Qui sait ? C’est toujours ce qu’il se disait.

« Un nouvel AYEUR vous attend ».

L’affiche l’intriguait encore, même quelques semaines après le vendrimanche où il avait enfin décidé de partir à l’aventure. C’était une fin de semaine de nouveau retraité de l’enseignement de l’Histoire moderne, que Virgilui avait « tuée » à voyager en rêve, en regardant décoller les nacelles. Il s’était décidé pour Ayeur. Il aimait la nouveauté. Et peut-être que…


« Les passagers sont priés de se présenter au compostage dans quatre sabliers trois-quarts ».

Le haut-parleur résonna comme le coup de semonce d’une grande bouche ouverte. C’était celle du long couloir menant au grand hall d’embarquement. Virgilelle, prise tout à coup de fébrilité, tâta ses poches une à une. La dernière fut la bonne : celle que l’on dit « revolver », c’est ce qu’elle avait récemment appris dans un livre d’Histoire ancienne.
Elle avait bien cru avoir perdu ce sacré billet et ne pouvoir entreprendre son dernier voyage. Ouf, il était là, soigneusement plié, sur sa fesse droite. Elle le déplia une dernière fois, pour vérifier :

ALLER SIMPLE. Destination : NULEPAR
Départ : Lundredi 48 juimai 3028
834ème sablier précis. Nacelle 74
Compostage : File 113


Elle connaissait bien les embarquements immédiats, mais le long couloir menant à l’immense hall l’angoissait toujours au moment du départ.
Tous les guichets étaient maintenant fermés. Le sablier de la vente des billets était dépassé. Plus de retour en arrière possible. Tous les voyageurs devaient se retrouver dans le hall.
Le couloir était vide, ce qui augmentait le léger malaise de Virgilelle. Et s’ils étaient déjà en partance ?... Elle allait presser le pas comme à l’accoutumée. Une petite musique avertissait les voyageurs à l’écoulement de chaque sablier. Il restait à Virgilelle, en fait, largement le temps d’arriver jusqu’au hall, de contempler, comme elle aimait le faire, les voyageurs dans leur file pour nacelle. Mais elle avait, comme chaque fois, le même pincement au cœur au moment de partir.


Virgilui sursauta.

D’où venait donc cette voix, pas très amène, il faut le dire ?
Il saisit son billet dans une main après qu’il eut vérifié les renseignements. C’est qu’il ne voulait pas se perdre, là-bas, dans le grand hall duquel il n’était jamais parti !... Et si des fois ?...

ALLER ET RETOUR. Destination : AYEUR
Départ : Lundredi 48 juimai 3028
834ème sablier précis. Nacelle 73
Compostage : File 114


Il s’engouffra sans hésiter, mais avec une petite appréhension néanmoins, dans la bouche sud du long couloir.

« C’est quoi cette musique ? se demanda-t-il. « Ah, oui, j’oubliais, le sablier ! Purée, les grains coulent vite !»

Virgilui pressa le pas, ne sachant plus très bien combien de grains justement il lui restait avant le fameux embarquement.


Le tintamarre des files ajouta encore au plaisir impatient de Virgilelle.

Musique.

Elle regarda son sablioscope : « J’ai le temps de flâner un peu, se dit-elle... bon, voyons... file 114... là bas ! »
Elle se parlait comme s’il s’agissait de son premier voyage. Des portillons étaient fermés par leur barrières rayées rouge et banc. Seules possédaient leur cube allumé, les destinations de ce 48 juimai de 3028.

File 28 : TOUZAZIMUT (Dernier voyage historico-collectif de juimai)

On y embarquait pour la mer, la montagne ou la campagne. Il y avait même un itinéraire spécial et une charter-nacelle pour les tours du monde. Virgilelle se souvint de la montagne de fer au cœur des ruines de Lutécéparis, vestige d’une ancienne tour, paraît-il, qui se serait écroulée lors du cataclysme de 2314, de celle de Pisa-bella, dont on ne voyait plus que le sommet et où étaient organisés toutes les quatre révolutions de Platurne, le championnat interplanétaire de plongeon et celle que l’on appelle encore de Londres. Virgilelle en garde le souvenir présent et amusé : un gros cadran avec des sortes de balanciers, planté là, dans le sable de la dune. Les livres d’Histoire ancienne que l’on distribue dans la nacelle, disent que les gens qui y vivaient s’en servaient pour mesurer le temps.
Il n’y avait qu’un seul passager. Il portait une boite de bois sous le bras droite, un pinceau et une palette dans la main gauche.

File 99 : JAMÉ.

Avant d’opter pour Nulepar, Virgilelle avait hésité. Elle aurait bien revu Jamé, malgré son prix un peu trop élevé pour sa bourse d’enseignante en géographie moderne. Finalement, la raison l’avait emporté, pour une fois. Et puis elle s’était dit que sa nacelle en traverserait une bonne partie ? Ce sera toujours ça de Jamais...
Une dame élégante y attendait. Un homme aussi élégant qu’elle, vint la rejoindre devant le portillon. Il portait un chapeau bizarre, du genre des couvre-chefs à la mode au XXVIIIème siècle. Personne n’y faisait attention. La dame essayait de calmer son compagnon de route, une petite créature verte, charmante de minois, et dont ce qui ressemblait à une ancienne laisse, qui avait dû lui coûter une fortune, pendait jusqu’aux souliers en peau de jupitérien de son mari « oui, c’est sans doute son mari », pensa-t-elle »
Le monsieur au chapeau 28ème caressa le museau verdâtre et sourit à la dame. Il se regardaient amoureusement. Virgilelle pensa derechef…

File 110 : TOUGEOUR.

« Toujours le même engouement, se dit Virgilelle, en souriant. Tougeour avait toujours eu beaucoup de succès. C’était le traditionnel voyage de noces. Aujourd’hui aussi des couples attendaient de pouvoir pénétrer dans le couloir aux murs tout blancs. Certaines épousées avaient gardé leurs tenues toujours dentelées et blanches. Deux amoureux s’y embrassaient goulûment sans faire attention aux autres. Virgilelle pensa…

File 112 : UNMOMAN.

C’était le trajet le plus court. « Combien de fois m’y suis-je promenée, se rememora-t-elle, dommage que là-bas les habitants soient toujours pressés et que les sabliers y sont réglés à moitié-temps. Jamais un grain à perdre ! »
Le seul passager au départ regardait sans arrêt son sablioscope. Virgilelle, en pensant, lui promettait un bref mais beau voyage... Et peut-être, qui sait, un moment…

Suivaient les files pour les planètes. Elle les avait toutes visitées. Le voyage ne durait que quelques sabliers et le prix était abordable. Seules les files pour Mernus et pour la Lune étaient éclairées.
Un vieux monsieur et sa compagne, apparemment plus jeune que lui, « beaucoup plus jeune que lui », balançant amoureusement leur main dans leur main, se chuchotaient leurs mots à l’oreille en souriant. « Étaient-ils déjà au bout de leur voyage ? » Virgilelle pensa…
« La lune, songea-t-elle, il y a encore des passagers que la lune intéresse ! J’y suis allée quatre-vingt mille fois, j’y ai tout vu : la Tranquillité, la Sérénité, les Crises, les Pluies...Ça en fait des lunes ! Il n’y a plus que les rêveurs qui font le voyage et pourtant, je n’y ai jamais trouvé mon Pierrot ! ».
Les cinq partants devaient être des habitués, car ils avaient leur provision de stylos et de parchemins... Il faut bien que rêve se passe !... C’est bien ce qu’elle fit, Virgilelle, rêver…

Dans la file pour Mernus, une troupe de joyeux drilles attendait bruyamment que le portillon s’ouvrît. Des filles en jean, comme elle, mais avec quelques trous, des garçons aux tee-shirts bariolés. Les uns s’enlaçaient, les autres s’embrassaient, d’autres se regardaient dans les yeux. Virgilelle pensa…
Le haut-parleur annonça leur départ et ils disparurent en chœur, dans le couloir aux murs rosâtres, en se frottant les mains et les cœurs, visiblement fébriles de partir,.
Virgilelle sourit… et repensa…

File 113 : NULEPAR

Virgilelle fut surprise par l’agitation qui régnait devant le couloir aux murs noirs. Il n’y avait pas trop de monde, contrairement à ce qu’elle craignait, mais les voyageurs gesticulaient. Il ne restait plus que quelques sabliers pour le départ. Combien, elle ne savait pas au juste. Mais elle était là ! C’était le principal en somme. Elle tâta sa poche revolver. Il était aussi là, le fameux dernier billet !

- C’est bien ma veine, lui dit Paul un des voyageurs, d’une certain âge et qui avait rebroussé chemin, Nulepar ne part pas. Il faut attendre l’autre marsadi ou vendrimanche. Ça dépend du numéro du billet. Mais rien n’est moins sûr. Sait-on jamais. Il paraît que là-bas, poursuivit l’homme d’un ton mi-coléreux mi-narquois, les aiguilleuses, piquées au vif, manifestent vivement et tous azimuts ! »…

Virgilelle glissa la main droite sur sa fesse gauche et montra son billet à son interlocuteur.

- Vous c’est pair. Donc c’est pour le marsadi.

Trois mots majuscules, qu’elle n’avait pas remarqués dans sa précipitation, griffonnés à la hâte, barraient le panneau d’entrée du couloir 113 : « DÉPART NULEPAR ANNULÉ ».
Virgilelle, dépitée, rempocha son billet. Elle irait à la tour de contrôle pour l’enregistrer au marsadi…
Sa dernière chance était encore une fois passée… Elle pensa…

"Choisissez votre nacelle pour la destination de vos rêves… Tu parles", murmura-t-elle.

« …L’amour est un, Dieu si malin… »… Avait-elle envie de pleurer ?...

Machinalement elle tourna son regard embué vers la dernière file du jour, celle des voyageurs en partance pour AYEUR.

À la dernière place de la file, un homme venait d’arriver presque en courant, vu sa respiration en saccades.
Tempes grises, sportivement vêtu, mais « bien mis tout de même », comme on disait autrefois. Virgilelle ne porta pas d’emblée une attention particulière à ce voyageur du dernier sablier, qui hésita un instant sous le 114ème cube au néon phosphorescent.
Il déchiffonna son billet pour vérifier encore une fois. « Un voyageur pour Ayeur comme un autre, en quelque sorte, peut-être un prof de Géo de l’U.A.M. qui sait ? »
Virgilelle connaissait bien Ayeur pour y être allé faire plusieurs stages, justement lorsqu’elle était étudiante en géographie à l’U.A.M., l’Université des Autres Mondes. On y enseigne encore aujourd’hui, en 3028, l’ailleurs et comment se sont formées les planètes que les nacelles en partance visitent. Ce souvenir apaisa quelque peu sa déception.

L’homme aperçut Virgilelle. Il esquissa un sourire timide. Il semblait hésiter en regardant les sabliers du gousset de son gilet à franges.
Virgilelle jeta instinctivement un coup d’œil sur son sablio. Il restait encore quelques grains à couler avant le non départ vers Nulepar. Elle avait donc tout le temps…
Elle osa faire un pas vers la file 114.
L’homme la regardait maintenant, comme étonné. « Est-ce mon nouveau jean ? » pensa-t-elle, en tâtant sa poche revolver, et la boule de billet devenu inutile.

Virgilui ne quittait pas les yeux bruns de Virgilelle de la profondeur insondable de son regard, brun également. Il sentait monter en lui, en un seul moment, un émoi jamais ressenti, une incompressible attirance née d’ailleurs, un élan venu de nulle part… Pourra-t-il parler, avec ce nœud dans la gorge, cette suave douleur dans la poitrine ?

Du tréfonds de Virgilelle apparut comme un soleil levant de juimai, vivifiant, doux, irrésistiblement chaud. Son ventre se rétractait, son cou se gonflait, ses cuisses étaient parcourues d’un frémissement surprenant, sa respiration suivait les battements des cils de cet homme, là, figé sous le cube de néon et qui faisait plus que la regarder, bien plus, qui lui donnait son âme…
Elle ne pensa plus, elle était comme ailleurs au bord d’une planète inconnue. Pourra-t-elle parler dans cet état incroyablement sensuel ?

Virgilelle et Virgilui sans un mot, les yeux dans les yeux, s’avancèrent l’un vers l’autre…
Le billet pour Ayeur tomba. La main qui le tenait effleura celle de Virgilelle. « Contact céleste et planétaire », pensèrent-ils en chœur et en silence.
Leurs doigts muets s’emmêlèrent…

Ainsi commença le premier départ pour lui vers le véritable ailleurs et le dernier voyage pour elle, vers le réel nulle part.

Coup favorable du sort de Mernus.
Coup de foudre de Jupicure.
Un regard.
Il ne suffisait que d’un regard…

Au bord de nulle part, ils ont trouvé leur LÀ ! À l’unisson, ils ont pris, Virgilui et Virgilelle, la nacelle d’ici, celle qui ne s’en va pas.

L’amour est éternel dit-on, de sabliers en sabliers, de juimais en juimais, de lundredis en lundredis depuis des siècles…

« Sachez le comprendre et le garder toujours
Si vous voyez passer l’amour »…


Késaco
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Canou
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Nombre de messages : 165
Localisation : Île de Montréal (QC), Canada
Date d'inscription : 29/03/2007

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MessageSujet: Re: C'était "LÀ"   C'était "LÀ" EmptyMer 17 Oct - 7:47

SUPERBE ! à la fois si "présent" et si "science fiction" ! Et on a envie de courir contre les sabliers pour arriver plus vite à la fin.

Puisqu'il est encore tôt le matin... peut-être n'ai-je pas tout compris. Était-ce volontaire le changement de la poche droite à celle de gauche? Et la file 113 à la 114 ? Il est bien possible que ça fasse partie du jeu comme tous les autres mots mis au "goût du jour" de 3028.

Que tous trouvent leur "LÀ"bisettes
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