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 Le chant du Neker (3)

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Pascal9
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Pascal9


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Le chant du Neker (3) Empty
MessageSujet: Le chant du Neker (3)   Le chant du Neker (3) EmptyMer 21 Juin - 3:36

Résumé : La disparition d’Erwan ainsi que de nombreux habitants de Bergues plonge la population dans la crainte et la perplexité…

Le Chant du Neker (3).


Pflumm a vidé sa bourse et à chaque porte de la cité, sur chaque rempart, dans le plus petit village environnant, nous rencontrons des hommes sombres et inquisiteurs qui fouillent, questionnent, inquiètent encore davantage ; il espère ainsi étouffer les méfaits de la « bête »...
Nous le laissons déraisonner, et comme quelques mois ont passé dans le calme, nous sommes enclins à penser que l’initiative n’est pas si stupide, aussi le moindre vagabond est-il suspecté maintenant sans la moindre commisération…
Malheureusement ! Nous devions dramatiquement nous leurrer. La journée avait été si lourde, les nuages si menaçants, que la nuit était accourue à nos portes furtivement. Je sortais de la maison pour poster une lettre à l’officine des Postes – car, depuis la soirée horrible, nous recevions des missives de tous les coins du pays - et même quelques « témoignages » de l’étranger où des faits similaires s’étaient déjà produits, enfin le prétendait-on…… La place du Beffroi était précocement nimbée de la teinte jaune et flétrie de nos vieux réverbères, les ruelles et les cours avoisinantes restaient dans l’ombre – quand j’entendis des gargouillis vers la poterne de la porte de Cassel.
L’obscurité n’était pas encore parvenue au plus sombre de son voyage. La poterne, flanquée d’un pont étroit et frêle sur une douve bourbeuse, se trouvait à quelques mètres de la cour de l’Estaminet. Je m’avançai crânement et me cognai pratiquement aux deux silhouettes accroupies près de la berge, Pieter et Pflumm sidérés… D’un geste, ils me firent signe de faire silence en me désignant la rive opposée.
Je me baissai à leurs côtés, partageant leur mutisme et leur surveillance. C’est alors que j’entendis un son confus de la surface glauque, comme si des siphons gigantesques faisaient exalter leurs digestions de machineries repues.
- Professeur Haegeman, se lamenta Pieter.
L’éructation monstrueuse monta d’un cran nous précipitant terrifiés sous le préau voisin : un terrible hurlement d’horreur retentit, et qui ne venait pas de la douve verdâtre à côté de nous, mais du parapet de la muraille, d’en haut, sur l’ancien chemin de ronde.
A la même seconde, nous l’entendîmes chanter, de cette voix humide et suave à la fois… Déjà Pflumm et Pieter se sauvaient vers le café.
- Allons-y, criai-je fermement.
Nous n’avions pas fait dix mètres qu’un nouveau hurlement de souffrance résonna, cette fois, dans le boyau sombre au bas de l’enceinte.
- Aidez-moi ! Quelqu’un… De grâce ! Aidez-moi…
Uyttebroek ! Le bourgmestre…Nous étions entourés de tumultes et de fureur, de cris… Le vacarme d’une eau que l’on fouette sauvagement, et ce chant étrange, envoûtant et maléfique par-dessus tout… Les cris, bientôt baissèrent d’intensité…
- Non… on… on … De plus en plus faiblement…
Pieter avait emporté le fanal de la grange. A mi-chemin du fossé nous vîmes la surface onduler lentement… La boue du fond collée sur les rives… Dans l’atmosphère électrisée régnait une odeur de marée corrompue…
Le maire Uyttebroek s’était volatilisé…
*

En ce terrible instant, je dois convenir du courage exemplaire de notre cher Hubert Félix Pflumm.
- Nous ne pouvons plus rien pour lui, hélas, dit-il, faisant cesser ainsi une hébétude indicible. Descendons dans la tour…
Il brandissait l’antique pétoire de Paulus et ce n’était nullement cocasse ; on sentait que malgré son inexpérience des armes à feu et, particulièrement des antiquités, il n’hésiterait pas à s’en servir… A ses risques et périls, je dois bien l’avouer, car ce tromblon archaïque représentait plus de danger pour le tireur que pour sa cible…
Nous le suivîmes, conquis par sa détermination.
La tour ouest donnant sur le bief était une porte d’eau. Elle était illuminée d’une lueur fantomatique comme irradiée par la lumière rousse et malsaine que lui donnait la lune dont le reflet blafard, tel un œil sanglant, tremblotait à la surface du canal.
Une énorme poivrière la coiffait comme un heaume des temps anciens, et deux salles obscures en « cul de four » parachevaient l’ouvrage guerrier et rébarbatif. Dans la salle du bas, un brasero de fer rouillé rougeoyait au centre de la pièce, projetant des étincelles pourpres comme des larmes de sang. Dans chaque coin, par terre, un anneau de bronze colossal portait des chaînes monumentales. Sur le rebord de la fenêtre des traces humides semblaient scintiller d’un éclat anormal. Nous nous arrêtâmes déconcertés, mais c’est en vain que nous trouvâmes trace de l’infortuné bourgmestre.
- Eh ! cria soudain Pieter d’une voix affolée, voyez donc. Il est ici. Il est pendu à la fenêtre.
D’un élan commun, nous nous approchâmes, Pieter se pencha sur la pierre glissante, inerte Uyttebroek, était accroché là.
Pflumm s’approcha, puis recula en arrière avec une expression épouvantable.
- Mon dieu, ne regardez pas ! Surtout ne regardez pas ! Ses yeux…. Ah… Ses yeux…
Je considérai un instant Pieter, prêt à défaillir, transpirant et fébrile, lorsque la voix de Pflumm nous ramena à notre bon sens.
- Ne restons pas ici une minute de plus, nous sommes en grand danger, je le sens, c’est dans l’air méphitique que nous respirons.
Nous nous serrions les uns contre les autres, nous sentant abandonnés comme des enfants. Soudain quelque chose changea dans la pièce et nous vîmes avec stupeur que le brasero venait de s’éteindre brusquement.
- Dépêchons-nous ! Hurla Pflumm, descendons rapidement !... Oh…
Ecoutez … Ecoutez, cela vient ! cela arrive !
A ce même moment le brasero fusa… laissant s’échapper une vapeur intense, l’air de la pièce s’emplit d’une puanteur atroce, mélange de varech pourri et de poisson crevé…
Hubert Félix Plumm restait impassible, mais ses yeux parcouraient la salle ronde avec une colère sourde, que je ne lui avais jamais vu auparavant..
Le falot de fraudeur fut soufflé, seule la clarté maladive de la lune continuait à répandre sa lueur démoniaque par l’ogive béante. J’observai que Pflumm ne la quittait pas des yeux. A cette seconde, le vieux fusil claqua, et dans une épaisse fumée, je vis Hubert Félix épauler une seconde fois, il ricanait sardoniquement.
- Allez descendez, vite ! Plus vite ! Hurla-t-il… Ha ! Démon ! Je te tiens… Allez, vous dis-je !
Nous vîmes alors la fenêtre s’obscurcir entièrement, comme si la nuit redoublait d’opacité, l’odeur était épouvantable… Le chant étrange et maléfique retentit partout dans la tour… Le tromblon de Pflumm lui fut arraché des mains…
L’intuition miraculeuse et futée qui nous fit échapper à la mort cette nuit-là, vint de Pieter.
Il poussa du pied Pflumm, et ramassant la lanterne, il parvint à la rallumer, battant le briquet frénétiquement. Héroïquement, il s’avança vers la fenêtre en levant le bras. Le chant se transforma en plainte aigue, comme une plainte humaine, l’écho d’un désespoir profond… Quelque chose d’énorme et de massif plongea dans les eaux sombres des douves, l’atmosphère viciée devint plus respirable, et le brasero, comme par un enchantement se remit à rougeoyer…
- Il en a pris, dit Pflumm…
Sur la berge plus loin, vers Hondschoote, un chant lugubre s’éleva…



A suivre, mercredi…/…
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