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| | Victor HUGO (1802-1885) | |
| | Auteur | Message |
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didier meral 100 messages
Nombre de messages : 200 Age : 62 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
| Sujet: Victor HUGO (1802-1885) Lun 9 Mar - 20:03 | |
| (Recueil : Les chants du crépuscule)
Au bord de la mer
Vois, ce spectacle est beau. - Ce paysage immense Qui toujours devant nous finit et recommence ; Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ; Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ; L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes ; Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes, Montrant la double main empreinte en ses contours, Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ; Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ; Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ; Cette montagne, au front de nuages couvert, Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert, Comme un enfant des fleurs dans un pan de sa robe ; La ville que la brume à demi nous dérobe, Avec ses mille toits bourdonnants et pressés ; Ce bruit de pas sans nombre et de rameaux froissés, De voix et de chansons qui par moments s'élève ; Ces lames que la mer amincit sur la grève, Où les longs cheveux verts des sombres goëmons Tremblent dans l'eau moirée avec l'ombre des monts ; Cet oiseau qui voyage et cet oiseau qui joue ; Ici cette charrue, et là-bas cette proue, Traçant en même temps chacune leur sillon ; Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ; Et là-bas, par-delà les collines lointaines, Ces horizons remplis de formes incertaines ; Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent, Flottant dans les clartés, dans les ombres errant, Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire, Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre !
Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux ; Cet azur, qui ce soir sera l'ombre infinie ; Cet espace qu'emplit l'éternelle harmonie ; Ce merveilleux soleil, ce soleil radieux Si puissant à changer toute forme à nos yeux Que parfois, transformant en métaux les bruines, On ne voit plus dans l'air que splendides ruines, Entassements confus, amas étincelants De cuivres et d'airains l'un sur l'autre croulants, Cuirasses, boucliers, armures dénouées, Et caparaçons d'or aux croupes des nuées ; L'éther, cet océan si liquide et si bleu, Sans rivage et sans fond, sans borne et sans milieu, Que l'oscillation de toute haleine agite, Où tout ce qui respire, ou remue, ou gravite, A sa vague et son flot, à d'autres flots uni, Où passent à la fois, mêlés dans l'infini, Air tiède et vents glacés, aubes et crépuscules, Bises d'hiver, ardeur des chaudes canicules, Les parfums de la fleur et ceux de l'encensoir, Les astres scintillant sur la robe du soir, Et les brumes de gaze, et la douteuse étoile, Paillette qui se perd dans les plis noirs du voile, La clameur des soldats qu'enivre le tambour, Le froissement du nid qui tressaille d'amour, Les souffles, les échos, les brouillards, les fumées, Mille choses que l'homme encor n'a pas nommées, Les flots de la lumière et les ondes du bruit, Tout ce qu'on voit le jour, tout ce qu'on sent la nuit ; Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes, Ce fluide océan, ces régions sublimes Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons, Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons, Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes, Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes, Cet ensemble ineffable, immense, universel, Formidable et charmant, - contemple, c'est le ciel !
Oh oui ! la terre est belle et le ciel est superbe ; Mais quand ton sein palpite et quand ton oeil reluit, Quand ton pas gracieux court si léger sur l'herbe Que le bruit d'une lyre est moins doux que son bruit ;
Lorsque ton frais sourire, aurore de ton âme, Se lève rayonnant sur moi qu'il rajeunit, Et de ta bouche rose, où naît sa douce flamme, Monte jusqu'à ton front comme l'aube au zénith ;
Quand, parfois, sans te voir, ta jeune voix m'arrive, Disant des mots confus qui m'échappent souvent, Bruit d'une eau qui se perd sous l'ombre de sa rive Chanson d'oiseau caché qu'on écoute en rêvant ;
Lorsque ma poésie, insultée et proscrite, Sur ta tête un moment se repose en chemin ; Quand ma pensée en deuil sous la tienne s'abrite, Comme un flambeau de nuit sous une blanche main ;
Quand nous nous asseyons tous deux dans la vallée ; Quand ton âme, soudain apparue en tes yeux, Contemple avec les pleurs d'une soeur exilée, Quelque vertu sur terre ou quelque étoile aux cieux ;
Quand brille sous tes cils, comme un feu sous les branches, Ton beau regard, terni par de longues douleurs ; Quand sous les maux passés tout à coup tu te penches, Que tu veux me sourire et qu'il te vient des pleurs ;
Quand mon corps et ma vie à ton souffle résonnent, Comme un tremblant clavier qui vibre à tout moment ; Quand tes doigts, se posant sur mes doigts qui frissonnent, Font chanter dans mon coeur un céleste instrument ;
Lorsque je te contemple, ô mon charme suprême ! Quand ta noble nature, épanouie aux yeux, Comme l'ardent buisson qui contenait Dieu même, Ouvre toutes ses fleurs et jette tous ses feux ;
Ce qui sort à la fois de tant de douces choses, Ce qui de ta beauté s'exhale nuit et jour, Comme un parfum formé du souffle de cent roses, C'est bien plus que la terre et le ciel, - c'est l'amour !
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| | | didier meral 100 messages
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| Sujet: Re: Victor HUGO (1802-1885) Lun 9 Mar - 20:05 | |
| (Recueil : Les orientales)
Clair de lune
La lune était sereine et jouait sur les flots. - La fenêtre enfin libre est ouverte à la brise, La sultane regarde, et la mer qui se brise, Là-bas, d'un flot d'argent brode les noirs îlots.
De ses doigts en vibrant s'échappe la guitare. Elle écoute... Un bruit sourd frappe les sourds échos. Est-ce un lourd vaisseau turc qui vient des eaux de Cos, Battant l'archipel grec de sa rame tartare ?
Sont-ce des cormorans qui plongent tour à tour, Et coupent l'eau, qui roule en perles sur leur aile ? Est-ce un djinn qui là-haut siffle d'une voix grêle, Et jette dans la mer les créneaux de la tour ?
Qui trouble ainsi les flots près du sérail des femmes ? - Ni le noir cormoran, sur la vague bercé, Ni les pierres du mur, ni le bruit cadencé Du lourd vaisseau, rampant sur l'onde avec des rames.
Ce sont des sacs pesants, d'où partent des sanglots. On verrait, en sondant la mer qui les promène, Se mouvoir dans leurs flancs comme une forme humaine... - La lune était sereine et jouait sur les flots. | |
| | | didier meral 100 messages
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| Sujet: Re: Victor HUGO (1802-1885) Lun 9 Mar - 20:36 | |
| Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : La légende des siècles)
Les paysans au bord de la mer
I
Les pauvres gens de la côte, L'hiver, quand la mer est haute Et qu'il fait nuit, Viennent où finit la terre Voir les flots pleins de mystère Et pleins de bruit.
Ils sondent la mer sans bornes ; Ils pensent aux écueils mornes Et triomphants ; L'orpheline pâle et seule Crie : ô mon père ! et l'aïeule Dit -. mes enfants !
La mère écoute et se penche ; La veuve à la coiffe blanche Pleure et s'en va. Ces coeurs qu'épouvante l'onde Tremblent dans ta main profonde, Ô Jéhovah.
Où sont-ils tous ceux qu'on aime ? Elles ont peur. La nuit blême Cache Vénus ; L'océan jette sa brume Dans leur âme et son écume Sur leurs pieds nus.
On guette, on doute, on ignore Ce que l'ombre et l'eau sonore Aux durs combats Et les rocs aux trous d'éponges, Pareils aux formes des songes, Disent tout bas.
L'une frémit, l'autre espère. Le vent semble une vipère. On pense à Dieu Par qui l'esquif vogue ou sombre Et qui change en gouffre d'ombre Le gouffre bleu !
II
La pluie inonde leurs tresses. Elles mêlent leurs détresses Et leurs espoirs. Toutes ces tremblantes femmes, Hélas ! font voler leurs âmes Sur les flots noirs.
Et, selon ses espérances, Chacun voit des apparences A l'horizon. Le troupeau des vagues saute Et blanchit toute la côte De sa toison.
Et le groupe inquiet pleure. Cet abîme obscur qu'effleure Le goëland Est comme une ombre vivante Où la brebis Epouvante Passe en bêlant.
Ah ! cette mer est méchante, Et l'affreux vent d'ouest qui chante En troublant l'eau, Tout en sonnant sa fanfare, Souffle souvent sur le phare De Saint-Malo.
III
Dans les mers il n'est pas rare Que la foudre au lieu de phare Brille dans l'air, Et que sur l'eau qui se dresse Le sloop-fantôme apparaisse Dans un éclair.
Alors tremblez. Car l'eau jappe Quand le vaisseau mort la frappe De l'aviron, Car le bois devient farouche Quand le chasseur spectre embouche Son noir clairon.
Malheur au chasse-marée Qui voit la nef abhorrée ! Ô nuit ! terreur ! Tout le navire frissonne, Et la cloche, à l'avant, sonne Avec horreur.
C'est le hollandais ! la barque Que le doigt flamboyant marque ! L'esquif puni ! C'est la voile scélérate ! C'est le sinistre pirate De l'infini !
Il était hier au pôle Et le voici ! Tombe et geôle, Il court sans fin. Judas songe, sans prière, Sur l'avant, et sur l'arrière Rêve Caïn.
Il suffirait, pour qu'une île Croulât dans l'onde infertile, Qu'il y passât, Il fuit dans la nuit damnée, La tempête est enchaînée A ce forçat.
Il change l'onde en hyène Et que veut-on que devienne Le matelot, Quand, brisant la lame en poudre, L'enfer vomit dans la foudre Ce noir brûlot ?
La lugubre goélette Jette à travers son squelette Un blanc rayon ; La lame devient hagarde, L'abîme effaré regarde La vision.
Les rocs qui gardent la terre Disent : Va-t'en, solitaire, Démon ! va-t'en ! L'homme entend de sa chaumière Aboyer les chiens de pierre Après Satan.
Et les femmes sur la grève Se parlent du vaisseau rêve En frémissant ; Il est plein de clameurs vagues ; Il traîne avec lui des vagues Pleines de sang.
IV
Et l'on se conte à voix basse Que le noir vaisseau qui passe Est en granit, Et qu'à son bord rien ne bouge ; Les agrès sont en fer rouge, Le mât hennit.
Et l'on se met en prières, pendant que joncs et bruyères Et bois touffus, Vents sans borne et flots sans nombre, Jettent dans toute cette ombre Des cris confus.
V
Et les écueils centenaires Rendent des bruits de tonnerres Dans l'ouragan ; Il semble en ces nuits d'automne Qu'un canon monstrueux tonne Sur l'océan.
L'ombre est pleine de furie. Ô chaos ! onde ahurie, Caps ruisselants, Vent que les mères implorent, Noir gouffre où s'entre-dévorent Les flots hurlants !
Comme un fou tirant sa chaîne, L'eau jette des cris de haine Aux durs récifs : Les rocs, sourds à ses huées, Mêlent aux blêmes nuées Leurs fronts pensifs.
La mer traîne en sa caverne L'esquif que le flot gouverne, Le mât détruit, Et la barre, et la voilure Que noue à sa chevelure L'horrible nuit.
Et sur les sombres falaises Les pêcheuses granvillaises Tremblent au vent, Pendant que tu ris sur l'onde, De l'autre côté du monde, Soleil levant !
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| | | didier meral 100 messages
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| Sujet: Re: Victor HUGO (1802-1885) Lun 9 Mar - 20:40 | |
| Victor HUGO (1802-1885) (Recueil : Les rayons et les ombres)
Oceano nox
Oh ! combien de marins, combien de capitaines Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines, Dans ce morne horizon se sont évanouis ! Combien ont disparu, dure et triste fortune ! Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune, Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !
Combien de patrons morts avec leurs équipages ! L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots ! Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée. Chaque vague en passant d'un butin s'est chargée ; L'une a saisi l'esquif, l'autre les matelots !
Nul ne sait votre sort, pauvres têtes perdues ! Vous roulez à travers les sombres étendues, Heurtant de vos fronts morts des écueils inconnus. Oh ! que de vieux parents, qui n'avaient plus qu'un rêve, Sont morts en attendant tous les jours sur la grève Ceux qui ne sont pas revenus !
On s'entretient de vous parfois dans les veillées. Maint joyeux cercle, assis sur des ancres rouillées, Mêle encor quelque temps vos noms d'ombre couverts Aux rires, aux refrains, aux récits d'aventures, Aux baisers qu'on dérobe à vos belles futures, Tandis que vous dormez dans les goémons verts !
On demande : - Où sont-ils ? sont-ils rois dans quelque île ? Nous ont-ils délaissés pour un bord plus fertile ? - Puis votre souvenir même est enseveli. Le corps se perd dans l'eau, le nom dans la mémoire. Le temps, qui sur toute ombre en verse une plus noire, Sur le sombre océan jette le sombre oubli.
Bientôt des yeux de tous votre ombre est disparue. L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ? Seules, durant ces nuits où l'orage est vainqueur, Vos veuves aux fronts blancs, lasses de vous attendre, Parlent encor de vous en remuant la cendre De leur foyer et de leur coeur !
Et quand la tombe enfin a fermé leur paupière, Rien ne sait plus vos noms, pas même une humble pierre Dans l'étroit cimetière où l'écho nous répond, Pas même un saule vert qui s'effeuille à l'automne, Pas même la chanson naïve et monotone Que chante un mendiant à l'angle d'un vieux pont !
Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ? O flots, que vous savez de lugubres histoires ! Flots profonds redoutés des mères à genoux ! Vous vous les racontez en montant les marées, Et c'est ce qui vous fait ces voix désespérées Que vous avez le soir quand vous venez vers nous!
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| | | didier meral 100 messages
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| Sujet: Re: Victor HUGO (1802-1885) Mar 10 Mar - 4:08 | |
| (Recueil : Les quatre vents de l'esprit)
Promenades dans les rochers (I)
PREMIERE PROMENADE
Un tourbillon d'écume, au centre de la baie Formé par de secrets et profonds entonnoirs, Se berce mollement sur ronde qu'il égaie, Vasque immense d'albâtre au milieu des flots noirs.
Seigneur ! que faites-vous de cette urne de neige ? Qu'y versez-vous dès l'aube et qu'en sort-il la nuit ? La mer lui jette en vain sa vague qui l'assiège, Le nuage sa brume et l'ouragan son bruit.
L'orage avec son bruit, le flot avec sa fange, Passent ; le tourbillon, vénéré du pêcheur, Reparaît, conservant, dans l'abîme où tout change, Toujours la même place et la même blancheur.
Le pêcheur dit : - C'est là, qu'en une onde bénie, Les petits enfants morts, chaque nuit de Noël, Viennent blanchir leur aile au souffle humain ternie, Avant de s'envoler pour être anges au ciel. -
Moi je dis : - Dieu mit là cette coupe si pure, Blanche en dépit des flots et des rochers penchants, Pour être, dans le sein de la grande nature, La figure du juste au milieu des méchants.
Promenades dans les rochers (II)
DEUXIEME PROMENADE
La mer donne l'écume et la terre le sable. L'or se mêle à l'argent dans les plis du flot vert. J'entends le bruit que fait l'éther infranchissable, Bruit immense et lointain, de silence couvert.
Un enfant chante auprès de la mer qui murmure. Rien n'est grand, ni petit. Vous avez mis, mon Dieu, Sur la création et sur la créature Les mêmes astres d'or et le même ciel bleu.
Notre sort est chétif ; nos visions sont belles. L'esprit saisit le corps et l'enlève au grand jour. L'homme est un point qui vole avec deux grandes ailes, Dont l'une est la pensée et dont l'autre est l'amour.
Sérénité de tout ! majesté ! force et grâce ! La voile rentre au port et les oiseaux aux nids. Tout va se reposer, et j'entends dans l'espace Palpiter vaguement des baisers infinis.
Le vent courbe les joncs sur le rocher superbe, Et de l'enfant qui chante il emporte la voix. O vent ! que vous courbez à la fois de brins d'herbe ! Et que vous emportez de chansons à la fois !
Qu'importe ! Ici tout berce, et rassure, et caresse. Plus d'ombre dans le coeur ! plus de soucis amers ! Une ineffable paix monte et descend sans cesse Du bleu profond de l'âme au bleu profond des mers.
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| | | didier meral 100 messages
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| Sujet: Re: Victor HUGO (1802-1885) Mar 10 Mar - 4:15 | |
| (Recueil : Les voix intérieures)
Une nuit qu'on entendait la mer sans la voir
Quels sont ces bruits sourds ? Ecoutez vers l'onde Cette voix profonde Qui pleure toujours Et qui toujours gronde, Quoiqu'un son plus clair Parfois l'interrompe... - Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Comme il pleut ce soir ! N'est-ce pas, mon hôte ? Là-bas, à la côte, Le ciel est bien noir, La mer est bien haute ! On dirait l'hiver ; Parfois on s'y trompe... - Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Oh ! marins perdus ! Au loin, dans cette ombre Sur la nef qui sombre, Que de bras tendus Vers la terre sombre ! Pas d'ancre de fer Que le flot ne rompe. - Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
Nochers imprudents ! Le vent dans la voile Déchire la toile Comme avec les dents ! Là-haut pas d'étoile ! L'un lutte avec l'air, L'autre est à la pompe. - Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
C'est toi, c'est ton feu Que le nocher rêve, Quand le flot s'élève, Chandelier que Dieu Pose sur la grève, Phare au rouge éclair Que la brume estompe ! - Le vent de la mer Souffle dans sa trompe.
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| | | didier meral 100 messages
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| Sujet: Les pauvres gens Mar 10 Mar - 6:03 | |
| (Recueil : La légende des siècles) Les pauvres gens Il est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close. Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur. Des filets de pêcheur sont accrochés au mur. Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle Aux planches d'un bahut vaguement étincelle, On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants. Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs, Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent La haute cheminée où quelques flammes veillent Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit, Une femme à genoux prie, et songe, et pâlit. C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume, Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit, à la brume, Le sinistre océan jette son noir sanglot.
II
L'homme est en mer. Depuis l'enfance matelot, Il livre au hasard sombre une rude bataille. Pluie ou bourrasque, il faut qu'il sorte, il faut qu'il aille, Car les petits enfants ont faim. Il part le soir Quand l'eau profonde monte aux marches du musoir. Il gouverne à lui seul sa barque à quatre voiles. La femme est au logis, cousant les vieilles toiles, Remmaillant les filets, préparant l'hameçon, Surveillant l'âtre où bout la soupe de poisson, Puis priant Dieu sitôt que les cinq enfants dorment. Lui, seul, battu des flots qui toujours se reforment, l s'en va dans l'abîme et s'en va dans la nuit. Dur labeur ! tout est noir, tout est froid ; rien ne luit. Dans les brisants, parmi les lames en démence, L'endroit bon à la pêche, et, sur la mer immense, Le lieu mobile, obscur, capricieux, changeant, Où se plaît le poisson aux nageoires d'argent, Ce n'est qu'un point ; c'est grand deux fois comme la chambre. Or, la nuit, dans l'ondée et la brume, en décembre, Pour rencontrer ce point sur le désert mouvant, Comme il faut calculer la marée et le vent ! Comme il faut combiner sûrement les manoeuvres ! Les flots le long du bord glissent, vertes couleuvres ; Le gouffre roule et tord ses plis démesurés, Et fait râler d'horreur les agrès effarés. Lui, songe à sa Jeannie au sein des mers glacées, Et Jeannie en pleurant l'appelle ; et leurs pensées Se croisent dans la nuit, divins oiseaux du coeur.
III
Elle prie, et la mauve au cri rauque et moqueur L'importune, et, parmi les écueils en décombres, L'océan l'épouvante, et toutes sortes d'ombres Passent dans son esprit : la mer, les matelots Emportés à travers la colère des flots ; Et dans sa gaine, ainsi que le sang dans l'artère, La froide horloge bat, jetant dans le mystère, Goutte à goutte, le temps, saisons, printemps, hivers ; Et chaque battement, dans l'énorme univers, Ouvre aux âmes, essaims d'autours et de colombes, D'un côté les berceaux et de l'autre les tombes.
Elle songe, elle rêve. - Et tant de pauvreté ! Ses petits vont pieds nus l'hiver comme l'été. Pas de pain de froment. On mange du pain d'orge. - Ô Dieu ! le vent rugit comme un soufflet de forge, La côte fait le bruit d'une enclume, on croit voir Les constellations fuir dans l'ouragan noir Comme les tourbillons d'étincelles de l'âtre. C'est l'heure où, gai danseur, minuit rit et folâtre Sous le loup de satin qu'illuminent ses yeux, Et c'est l'heure où minuit, brigand mystérieux, Voilé d'ombre et de pluie et le front dans la bise, Prend un pauvre marin frissonnant, et le brise Aux rochers monstrueux apparus brusquement. Horreur ! l'homme, dont l'onde éteint le hurlement, Sent fondre et s'enfoncer le bâtiment qui plonge ; Il sent s'ouvrir sous lui l'ombre et l'abîme, et songe Au vieil anneau de fer du quai plein de soleil !
Ces mornes visions troublent son coeur, pareil A la nuit. Elle tremble et pleure.
IV Ô pauvres femmes De pêcheurs ! c'est affreux de se dire : - Mes âmes, Père, amant, frère, fils, tout ce que j'ai de cher, C'est là, dans ce chaos ! mon coeur, mon sang, ma chair ! - Ciel ! être en proie aux flots, c'est être en proie aux bêtes. Oh ! songer que l'eau joue avec toutes ces têtes, Depuis le mousse enfant jusqu'au mari patron, Et que le vent hagard, soufflant dans son clairon, Dénoue au-dessus d'eux sa longue et folle tresse, Et que peut-être ils sont à cette heure en détresse, Et qu'on ne sait jamais au juste ce qu'ils font, Et que, pour tenir tête à cette mer sans fond, A tous ces gouffres d'ombre où ne luit nulle étoile, Es n'ont qu'un bout de planche avec un bout de toile ! Souci lugubre ! on court à travers les galets, Le flot monte, on lui parle, on crie : Oh ! rends-nous-les ! Mais, hélas ! que veut-on que dise à la pensée Toujours sombre, la mer toujours bouleversée !
Jeannie est bien plus triste encor. Son homme est seul ! Seul dans cette âpre nuit ! seul sous ce noir linceul ! Pas d'aide. Ses enfants sont trop petits. - Ô mère ! Tu dis : "S'ils étaient grands ! - leur père est seul !" Chimère ! Plus tard, quand ils seront près du père et partis, Tu diras en pleurant : "Oh! s'ils étaient petits !"
V
Elle prend sa lanterne et sa cape. - C'est l'heure D'aller voir s'il revient, si la mer est meilleure, S'il fait jour, si la flamme est au mât du signal. Allons ! - Et la voilà qui part. L'air matinal Ne souffle pas encor. Rien. Pas de ligne blanche Dans l'espace où le flot des ténèbres s'épanche. Il pleut. Rien n'est plus noir que la pluie au matin ; On dirait que le jour tremble et doute, incertain, Et qu'ainsi que l'enfant, l'aube pleure de naître. Elle va. L'on ne voit luire aucune fenêtre.
Tout à coup, a ses yeux qui cherchent le chemin, Avec je ne sais quoi de lugubre et d'humain Une sombre masure apparaît, décrépite ; Ni lumière, ni feu ; la porte au vent palpite ; Sur les murs vermoulus branle un toit hasardeux ; La bise sur ce toit tord des chaumes hideux, Jaunes, sales, pareils aux grosses eaux d'un fleuve.
"Tiens ! je ne pensais plus à cette pauvre veuve, Dit-elle ; mon mari, l'autre jour, la trouva Malade et seule ; il faut voit comment elle va."
Elle frappe à la porte, elle écoute ; personne Ne répond. Et Jeannie au vent de mer frissonne. "Malade ! Et ses enfants ! comme c'est mal nourri ! Elle n'en a que deux, mais elle est sans mari." Puis, elle frappe encore. "Hé ! voisine !" Elle appelle. Et la maison se tait toujours. "Ah ! Dieu ! dit-elle, Comme elle dort, qu'il faut l'appeler si longtemps!" La porte, cette fois, comme si, par instants, Les objets étaient pris d'une pitié suprême, Morne, tourna dans l'ombre et s'ouvrit d'elle-même.
VI
Elle entra. Sa lanterne éclaira le dedans Du noir logis muet au bord des flots grondants. L'eau tombait du plafond comme des trous d'un crible.
Au fond était couchée une forme terrible ; Une femme immobile et renversée, ayant Les pieds nus, le regard obscur, l'air effrayant ; Un cadavre ; - autrefois, mère joyeuse et forte ; - Le spectre échevelé de la misère morte ; Ce qui reste du pauvre après un long combat. Elle laissait, parmi la paille du grabat, Son bras livide et froid et sa main déjà verte Pendre, et l'horreur sortait de cette bouche ouverte D'où l'âme en s'enfuyant, sinistre, avait jeté Ce grand cri de la mort qu'entend l'éternité !
Près du lit où gisait la mère de famille, Deux tout petits enfants, le garçon et la fille, Dans le même berceau souriaient endormis.
La mère, se sentant mourir, leur avait mis Sa mante sur les pieds et sur le corps sa robe, Afin que, dans cette ombre où la mort nous dérobe, Ils ne sentissent pas la tiédeur qui décroît, Et pour qu'ils eussent chaud pendant qu'elle aurait froid.
VII
Comme ils dorment tous deux dans le berceau qui tremble ! Leur haleine est paisible et leur front calme. Il semble Que rien n'éveillerait ces orphelins dormant, Pas même le clairon du dernier jugement ; Car, étant innocents, ils n'ont pas peur du juge.
Et la pluie au dehors gronde comme un déluge. Du vieux toit crevassé, d'où la rafale sort, Une goutte parfois tombe sur ce front mort, Glisse sur cette joue et devient une larme. La vague sonne ainsi qu'une cloche d'alarme. La morte écoute l'ombre avec stupidité. Car le corps, quand l'esprit radieux l'a quitté, A l'air de chercher l'âme et de rappeler l'ange ; Il semble qu'on entend ce dialogue étrange Entre la bouche pâle et l'oeil triste et hagard : - Qu'as-tu fait de ton souffle ? - Et toi, de ton regard ?
Hélas! aimez, vivez, cueillez les primevères, Dansez, riez, brûlez vos coeurs, videz vos verres. Comme au sombre océan arrive tout ruisseau, Le sort donne pour but au festin, au berceau, Aux mères adorant l'enfance épanouie, Aux baisers de la chair dont l'âme est éblouie, Aux chansons, au sourire, à l'amour frais et beau, Le refroidissement lugubre du tombeau !
VIII
Qu'est-ce donc que Jeannie a fait chez cette morte ? Sous sa cape aux longs plis qu'est-ce donc qu'elle emporte ? Qu'est-ce donc que Jeannie emporte en s'en allant ? Pourquoi son coeur bat-il ? Pourquoi son pas tremblant Se hâte-t-il ainsi ? D'où vient qu'en la ruelle Elle court, sans oser regarder derrière elle ? Qu'est-ce donc qu'elle cache avec un air troublé Dans l'ombre, sur son lit ? Qu'a-t-elle donc volé ?
IX
Quand elle fut rentrée au logis, la falaise Blanchissait; près du lit elle prit une chaise Et s'assit toute pâle ; on eût dit qu'elle avait Un remords, et son front tomba sur le chevet, Et, par instants, à mots entrecoupés, sa bouche Parlait pendant qu'au loin grondait la mer farouche.
"Mon pauvre homme ! ah ! mon Dieu ! que va-t-il dire ? Il a Déjà tant de souci ! Qu'est-ce que j'ai fait là ? Cinq enfants sur les bras ! ce père qui travaille ! Il n'avait pas assez de peine ; il faut que j'aille Lui donner celle-là de plus. - C'est lui ? - Non. Rien. - J'ai mal fait. - S'il me bat, je dirai : Tu fais bien. - Est-ce lui ? - Non. - Tant mieux. - La porte bouge comme Si l'on entrait. - Mais non. - Voilà-t-il pas, pauvre homme, Que j'ai peur de le voir rentrer, moi, maintenant !" Puis elle demeura pensive et frissonnant, S'enfonçant par degrés dans son angoisse intime, Perdue en son souci comme dans un abîme, N'entendant même plus les bruits extérieurs, Les cormorans qui vont comme de noirs crieurs, Et l'onde et la marée et le vent en colère.
La porte tout à coup s'ouvrit, bruyante et claire, Et fit dans la cabane entrer un rayon blanc ; Et le pêcheur, traînant son filet ruisselant, Joyeux, parut au seuil, et dit : C'est la marine !
X
"C'est toi !" cria Jeannie, et, contre sa poitrine, Elle prit son mari comme on prend un amant, Et lui baisa sa veste avec emportement Tandis que le marin disait : "Me voici, femme !" Et montrait sur son front qu'éclairait l'âtre en flamme Son coeur bon et content que Jeannie éclairait, "Je suis volé, dit-il ; la mer c'est la forêt. - Quel temps a-t-il fait ? - Dur. - Et la pêche ? - Mauvaise. Mais, vois-tu, je t 1 embrasse, et me voilà bien aise. Je n'ai rien pris du tout. J'ai troué mon filet. Le diable était caché dans le vent qui soufflait. Quelle nuit ! Un moment, dans tout ce tintamarre, J'ai cru que le bateau se couchait, et l'amarre A cassé. Qu'as-tu fait, toi, pendant ce temps-là ?" Jeannie eut un frisson dans l'ombre et se troubla. "Moi ? dit-elle. Ah ! mon Dieu ! rien, comme à l'ordinaire, J'ai cousu. J'écoutais la mer comme un tonnerre, J'avais peur. - Oui, l'hiver est dur, mais c'est égal." Alors, tremblante ainsi que ceux qui font le mal, Elle dit : "A propos, notre voisine est morte. C'est hier qu'elle a dû mourir, enfin, n'importe, Dans la soirée, après que vous fûtes partis. Elle laisse ses deux enfants, qui sont petits. L'un s'appelle Guillaume et l'autre Madeleine ; L'un qui ne marche pas, l'autre qui parle à peine. La pauvre bonne femme était dans le besoin."
L'homme prit un air grave, et, jetant dans un coin Son bonnet de forçat mouillé par la tempête : "Diable ! diable ! dit-il, en se grattant la tête, Nous avions cinq enfants, cela va faire sept. Déjà, dans la saison mauvaise, on se passait De souper quelquefois. Comment allons-nous faire ? Bah ! tant pis ! ce n'est pas ma faute, C'est l'affaire Du bon Dieu. Ce sont là des accidents profonds. Pourquoi donc a-t-il pris leur mère à ces chiffons ? C'est gros comme le poing. Ces choses-là sont rudes. Il faut pour les comprendre avoir fait ses études. Si petits ! on ne peut leur dire : Travaillez. Femme, va les chercher. S'ils se sont réveillés, Ils doivent avoir peur tout seuls avec la morte. C'est la mère, vois-tu, qui frappe à notre porte ; Ouvrons aux deux enfants. Nous les mêlerons tous, Cela nous grimpera le soir sur les genoux. Ils vivront, ils seront frère et soeur des cinq autres. Quand il verra qu'il faut nourrir avec les nôtres Cette petite fille et ce petit garçon, Le bon Dieu nous fera prendre plus de poisson. Moi, je boirai de l'eau, je ferai double tâche, C'est dit. Va les chercher. Mais qu'as-tu ? Ça te fâche ? D'ordinaire, tu cours plus vite que cela.
- Tiens, dit-elle en ouvrant les rideaux, lès voilà!"
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| | | didier meral 100 messages
Nombre de messages : 200 Age : 62 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
| Sujet: Sur la falaise Mar 10 Mar - 6:12 | |
| (Recueil : Les quatre vents de l'esprit)
Sur la falaise Tu souris dans l'invisible. O douce âme inaccessible, Seul, morne, amer, Je sens ta robe qui flotte Tandis qu'à mes pieds sanglote La sombre mer.
La nuit à mes chants assiste. Je chante mon refrain triste A l'horizon. Ange frissonnant, tu mêles Le battement de tes ailes A ma chanson.
je songe à ces pauvres êtres, Nés sous tous ces toits champêtres, Dont le feu luit, Barbe grise, tête blonde, Qu'emporta cette eau profonde Dans l'âpre nuit.
Je pleure les morts des autres. Hélas ! leurs deuils et les nôtres Ne sont qu'un deuil. Nous sommes, dans l'étendue, La même barque perdue Au même écueil.
II
Tous ces patrons, tous ces mousses, Qu'appelaient tant de voix douces Et tant de voeux, Ils sont mêlés à l'espace, Et le poisson d'argent passe Dans leurs cheveux.
Au fond des vagues sans nombre, On voit, sous l'épaisseur sombre Du flot bruni, Leur bouche ouverte et terrible Qui boit la stupeur horrible De l'infini.
Ils errent, blêmes fantômes. Ils ne verront plus les chaumes Au pignon noir, Les bois aux fraîches ramées, Les prés, les fleurs, les fumées Dans l'or du soir.
Dans leurs yeux l'onde insensée, Qui fuit sans cesse, poussée Du vent hagard, Remplace, sombre passante, La terre, à jamais absente De leur regard.
Ils sont l'ombre et le cadavre ; Ceux qui vont de havre en havre Dans les reflux, Qui ne verront plus l'aurore, Et que l'aube au chant sonore Ne verra plus.
III
Et cependant sur les côtes On songe encore à ces hôtes De l'inconnu, Partis, dans l'eau qui frissonne, Pour cette ombre dont personne N'est revenu.
C'était l'enfant ! c'était l'homme ! On les appelle, on les nomme Dans les maisons, Le soir, quand brille le phare, Et quand la flamme s'effare Sur les tisons.
L'un dit : - En août, j'espère, Ils reviendront tous, Jean, Pierre, Jacques, Louis ; Quand la vigne sera mûre ; ... - Et le vent des nuits murmure : Évanouis !
L'autre dit : - Dans les tempêtes Regardez bien, et leurs têtes Apparaîtront. On les voit quand le soir tombe. Toute vague est une tombe D'où sort un front. -
IV
C'est dans cette onde effrénée Que leur âme au ciel est née, Divin oiseau. Toute vague est une tombe ; Toute vague, ô ma colombe, Est un berceau.
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| | | didier meral 100 messages
Nombre de messages : 200 Age : 62 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
| Sujet: Chanson de pirates Mar 10 Mar - 6:15 | |
| (Recueil : Les orientales)
Chanson de pirates Nous emmenions en esclavage Cent chrétiens, pêcheurs de corail ; Nous recrutions pour le sérail Dans tous les moûtiers du rivage. En mer, les hardis écumeurs ! Nous allions de Fez à Catane... Dans la galère capitane Nous étions quatre-vingts rameurs.
On signale un couvent à terre. Nous jetons l'ancre près du bord. A nos yeux s'offre tout d'abord Une fille du monastère. Prés des flots, sourde à leurs rumeurs, Elle dormait sous un platane... Dans la galère capitane Nous étions quatre-vingts rameurs.
- La belle fille, il faut vous taire, Il faut nous suivre. Il fait bon vent. Ce n'est que changer de couvent. Le harem vaut le monastère. Sa hautesse aime les primeurs, Nous vous ferons mahométane... Dans la galère capitane Nous étions quatre-vingts rameurs.
Elle veut fuir vers sa chapelle. - Osez-vous bien, fils de Satan ? - Nous osons, dit le capitan. Elle pleure, supplie, appelle. Malgré sa plainte et ses clameurs, On l'emporta dans la tartane... Dans la galère capitane Nous étions quatre-vingts rameurs.
Plus belle encor dans sa tristesse, Ses yeux étaient deux talismans. Elle valait mille tomans ; On la vendit à sa hautesse. Elle eut beau dire : Je me meurs ! De nonne elle devint sultane... Dans la galère capitane Nous étions quatre-vingts rameurs.
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| Sujet: Re: Victor HUGO (1802-1885) | |
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| | | | Victor HUGO (1802-1885) | |
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