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 POÈMES D'ENFANT de Sabine Sicaud

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Guy Rancourt
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Guy Rancourt


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POÈMES D'ENFANT de Sabine Sicaud - Page 2 Empty
MessageSujet: POÈMES D'ENFANT de Sabine Sicaud   POÈMES D'ENFANT de Sabine Sicaud - Page 2 EmptyJeu 16 Nov - 16:24

Poèmes d'enfant de Sabine Sicaud


En relisant "Poèmes d'enfant" de Sabine Sicaud, petit recueil de 29 poèmes, publié en 1926 aux Éditions Les Cahiers de France à Poitiers et préfacé par Anna de Noailles, je suis très impressionné par le regard lucide et pénétrant de Sabine, à peine âgée de 13 ans à l'époque, sur tout ce qui l'entoure (animaux, fleurs, plantes, arbres et arbustes, etc.). Regard déroutant et désarmant qui font de ces objets ou êtres familiers, des copies si semblables à nous, humains.
Laissez-moi vous présenter quelques-uns de mes poèmes préférés de ce recueil.


Matin d’automne


C’est un matin…non pas un matin de Corot
Avec des arbres et des nymphes sur la terre,
C’est un coin tout petit, entre des murs de pierres
Pas bien hauts…
C’est un matin dans le petit jardin du presbytère.

C’est un matin d’automne :
Vigne rouge, dahlias jaunes
Petits doigts tortillés de chrysanthèmes roux ;
Un tournesol montrant sa face de roi nègre
Sous un vieux diadème de plumes raides, un peu maigres…
Arrosoir vert, près du géranium en pot.
C’est un matin sans nymphes de Corot.

Le curé dort, la maison dort, le chemin dort
Pendant que, doucement, tombent des pièces d’or…

C’est un matin d’automne…
L’aube, qui s’est levée à pas de loup, d’abord frissonne
En peignoir rose…puis se met à rire dans le ciel
Et tout devient rose comme elle, et rit comme elle,
Et ce sont des clartés roses et blondes telles
Que le petit jardin doré semble irréel.
Réveillée en sursaut, dans le clocher, la cloche sonne :
Vite ! Vite ! Levez-vous, bonnes gens
C’est le matin ! C’est le matin d’automne !
Je sonne ! Il fait beau temps !
Entends, vieille servante au bonnet blanc, du presbytère.
C’est l’heure, lève-toi…Lève-toi, vieux curé
Vois les oiseaux, vois la lumière !
Prends ta soutane et ton bonnet carré
Ouvre ta porte et va…l’heure te presse !

L’allée a tous les tons fauves des vieux missels…
Va vite, ne t’attarde pas, sous le grand ciel
Au tout petit jardin plein d’allégresse…
Couleur de feu, couleur de fleurs, couleur de miel.
Il est trop beau ! Tu le prendrais pour un autel.
Tu manquerais la messe…


La chèvre

L’herbe est si fraîche, ce matin,
Que son velours tendre nous hante
Son velours neuf qui sent la menthe,
Le jeune fenouil et le thym.

La vache s’étire, gourmande,
Vers le champ de trèfle voisin.
Tous les verts bordent le chemin
Du vert acide au vert amande.

Mais c’est un velours trop soigné
Qui s’aligne entre les clôtures…
Dans les ronces, à l’aventure,
La chèvre aime s’égratigner.

Elle aime le vert des broussailles
Où l’ombre devient fauve un peu,
Et ce vert d’arbres presque bleus
Que tous les vents d’orage assaillent.

C’est bien au-delà des sillons
Et des vergers gorgés de sèves,
Que les clochettes de son rêve
Éparpillent leurs carillons…

Parfois, un glas les accompagne…
Mais il fait beau, c’est le matin!
Chevrette de Monsieur Seguin
Ne regardez pas la montagne…


La châtaigne


Peut-être un hérisson qui vient de naître?
Dans la mer, ce serait un oursin, pas bien gros…
Ici, la boule d’un chardon – peut-être
Ou le pompon sournois d’une bardane
Ou d’un cactus? Mais non, dans le bois qui se fane,
Dans le bois sans piquants, moussu, discret et clos,
Cette chose a roulé subitement, d’en-haut,
Comme un défi… parmi les feuilles qui se fanent.

Allez, j’ai bien compris. C’est la saison.
Les geais, à coups de bec, ont travaillé dans l’arbre.
Même les parcs où veillent, tout pensifs, les dieux de marbre,
Ont de ces chutes-là sur leurs gazons.

Marron d’Inde là-bas, châtaigne ici. Châtaigne
Rude et sauvage, verte encore, détachée
Par force de la branche où les grands vents, déjà, l’atteignent
Le vent et les geais ricaneurs, et la nichée
Des écoliers armés de pierres et de gaules.

Comme il faut se défendre! Sur l’épaule
De la douce prairie en pente, l’on pouvait
Glisser un jour, à son heure, qui sait?
Et se blottir dans un coin tiède, pour l’hiver…
Ah! Pourquoi tant d’épines, tant d’aiguilles,
Tant de poignards dressés, pauvre peloton vert?
Une fente… Voici qu’un peu de satin brille
Et le cœur neuf est là, dessous, et rien ne sert
D’être châtaigne obscure, âpre au goût, si menue!
Fendue, on est une châtaigne presque nue…

Et le coup de sabot sur la tête viendra,
Et le couteau pointu, l’eau bouillante, le pot
Qui sue avec de petits rires, des sanglots
Dans les tisons trop rouges; tout sera
Comme il est dit en l’ordinaire histoire des châtaignes.

Et vous ne voudriez pas, quand me renseigne
Dans la ville brumeuse, un cri rauque :
« marrons tout chauds! »
Quand j’aperçois, joufflus, blêmes, sans peau,
Ou craquelés et durs avec des taches de panthère,
Les frères de ma sauvageonne, tous ses frères
Vous ne le voudriez pas, que j’évoque, là-bas,
Un vieil arbre perdant ses feuilles rousses,
Et me souvienne du choc sourd, lourd, lourd comme un glas,
De pauvres fruits tués qui tombent sur la mousse?


Le cytise

Non, pas une glycine. Au lieu de grappes mauves,
Ce sont des grappes d’or…
On dirait des pendants d’oreilles de jadis, en bel or fauve…
Ou des pastilles d’ambre, ou les confetti d’or
Qui joncheraient, pour un grand mariage,
Le tout petit sentier… C’est le décor
Où des torches s’allument. Vois flamber le paysage!

Survient le vent.
Et c’est une cascade lumineuse de topazes,
Un long feu d’artifice, un jet d’eau qui s’embrase,
Un quatorze Juillet de mai! Vois, dans le vent,
La joie ardente du printemps!

Pas de canons, d’ailleurs, ni de Bastilles prises.
C’est la fête rustique du Cytise.

En cheveux de soleil,
-Papillotes. Jeune perruque ébouriffée-
Le Cytise s’éveille. Il est pareil
À quelque page blond sortant d’un magique sommeil.

Il fut un arbre mort et le voici pareil
Au Printemps même, secouant sa tête ébouriffée…
Lancés par la main d’un Génie, ou par les fées,
C’est l’éparpillement de petits sabots jaunes, si légers,
Si menus et vernis, qu’ils émerveillent
Le vieux cyprès bourru, chaussé de brun. Et les abeilles
Vont et viennent, avec ce bruit que l’on entend dans les vergers.
Et moi, comme toi, vieux cyprès, je m’émerveille
Longtemps, devant cela, que nul ne semble voir,
-Sauf nous deux - le jeune cytise en fleurs, au bord du soir.


FAFOU


Chimère, dromadaire, Kangourou?
Non. Rien que cette ombre chinoise,
Fafou, sur la fenêtre, à contre-jour, Fafou,
Toute seule et pensive… Un fuchsia pavoise
L’écran vert derrière elle, et j’entends, à deux pas,
Des oiseaux qui l’ont vue et s’égosillent.

Fafou se pose en gargouille. Un œil las
Semble à peine s’ouvrir dans son profil où brille,
Cependant, quelque chose, on ne sait quoi d’aigu…
Par là, se cache un nid d’oisillons nus
Pour qui la mère tremble – Fafou songe.

Un tout petit pétale rouge, qui s’allonge,
Marque d’un trait sa gueule fine… Un bâillement.
Puis un autre… Fafou dormait innocemment.
Fafou dormait, vous dis-je! Elle s’étire,
La queue en yatagan,
Puis en cierge; le dos bombé, puis creux. Le pire,
C’est qu’elle n’a pas l’air de voir, s’égosillant,
La mère-oiseau dans l’if si proche…

Une patte en fusil, assise, la voilà
Qui se brosse, candide, et sa robe a l’éclat
D’un beau satin de vieille dame où se raccroche
La lumière du soir.
Une dame? Ou quelque vieux diable en habit noir?

Fafou, je n’aime pas ces yeux d’un autre monde,
Ces yeux de revenant… Tout à l’heure croissants,
Maintenant lunes rondes,
Pourquoi ces trous phosphorescents
Dans cette face obscure? Sur la toile
Qui se fonce, elle aussi – la toile du jardin
Où les pendants des fuchsias sont des étoiles
La robe d’un noir vif s’éteint…

Elle n’est plus qu’un badigeon d’encre ou de suie,
Un pelage sinistre! Où l’as-tu pris
Ce noir d’enseigne de chat noir lavé de pluie?

Chat noir ou lion noir? Chauve-souris,
Chouette, quoi? Je ne sais plus. Sur la fenêtre,
Une tête où l’oreille plate disparaît…
Lézard, couleuvre ou tortue? Ah! Si près,
L’oiseau même ne sait qui redouter, quel être
Fantastique et changeant va ramper cette nuit
Dans le jardin au noir mystère de caverne!

Du noir, du noir… Un point luit,
Deux points… deux vers luisants, vertes lanternes…
Fafou, je ne veux pas!
D’où reviens-tu, démon, de quel sabbat,
De quelle grotte de sorcière,
Lorsque tes yeux me font cette peur, tout à coup?

C’est l’heure des gouttières,
De la jungle! Foulant, d’un piétinement doux,
Une vendange imaginaire, sur la pierre,
Quelle arme aiguises-tu? Je ne veux pas, Fafou!
Viens sous la lampe! Un ruban rose au cou,
Un beau ruban rose de jeune fille, rose pâle,
Je te veux, comme en haut d’une carte postale,

Une petite chatte noire, voilà tout…



La bruyère

Ô bruyère, bruyère,
Je croyais te connaître et je ne savais rien
De cette odeur mêlée à la rumeur légère
Qui vient du fond des pignadas, qui vient
Des longs pays qui sont les tiens, bruyère…

Je connaissais ta petite âme de chez nous,
Ta petite âme éparse au pied de chênes roux
Et de sorbiers déjà couleur d’automne…

Mais ce rose éclatant, ces violets pourprés,
Ces épis de corail aux grains serrés,
Cette lumière en fins grelots qui sonnent,
Les trouve-t-on chez nous, même l’automne?

Ici, les pins tendent si haut leurs parasols
Que les vents de la dune se prélassent
Et que le soleil joue à pile ou face,
Librement, sur tes chauds tapis couvrant le sol…

Et c’est comme une flamme au ras des sables,
Un couchant rouge et mauve interminable
Sous les hauts parasols,
Quand tu fleuris, bruyère…

Tes fleurs…tes fleurs sont le tapis
D’un temple ouvert, bourdonnant de prières…
Entre les piliers bruns, des parfums assoupis
D’encens et de résine,
Des parfums d’immortelle et de mousse marine
Accompagnent le tien, bercé dans l’air…

Et ton âme d’ici, je la découvre
De ce wagon-joujou courant près de la mer,
Au seuil de ces pays roses et verts
Qui s’ouvrent
Sur le vert et le rose argentés de la mer…



Le tamaris

Tout l’hiver, le laurier t’a bravé. Tout l’hiver,
Les deux ifs, s’éventant de leurs franges épaisses,
Tout dit : « N’aimes-tu pas cette fraîcheur de l’air? »

Et le cèdre était vert, le cyprès était vert,
Et les bambous avaient des gestes d’allégresse,
Et le palmier jouait à l’oasis…

Et le lierre en habit vert bouteille, et la mousse
En laine vert grenouille, et l’herbe vert maïs,
Te narguaient, en couvrant le sol brun d’une housse,
Où le givre cousait des boutons de cristal…

Et le magnolia de faïence vernie,
Le fusain compassé, le yucca de métal,
Regardaient avec ironie
Tes rameaux grelottants…Le buis même, le buis
Des bons vieux jardinets de presbytère,
Semblait fat et repu sur un morceau de terre
Large comme la main et l’ « artichaut des puits »
Encadrait le bassin de roses agressives…

Et tous disaient : « Voyez, grâce à nos feuilles vives,
Ce n’est jamais l’hiver, jamais l’hiver! »

Et devant toi, si découvert,
Si nu, si maigre, avec de petits doigts si frêles,
Je m’arrêtais, ne sachant plus…

Mon arbrisseau léger, dont le front chevelu
Frisé par la brise de mer aux tièdes ailes,
Prenait là-bas, dans le soleil, un vert si doux,
Un vert qui se teintait de rose à tous les bouts
Dès que le temps des fleurs ouvrait sa boîte à poudre
Et son étui de rouge parfumé
Faudrait-il se résoudre
À ne plus voir ton fin visage ranimé?

Ah! Qu’ils m’importent peu, les autres, les tenaces,
Les toujours verts, si tu dois rester nu!
Comprendront-ils jamais ce qu’il y a de grâce,
De charme délicat dans tes bourgeons menus
Lorsque tu ressuscites,
Mon tamaris, pour qui l’hiver est bien l’hiver…

D’avoir tremblé pour toi, comme on se penche vite
Sur ce premier duvet imperceptible hier,
Et comme on t’aime pour ce vert, ce tendre vert
Si miraculeusement neuf, d’après l’hiver…


DIEGO


Son nom est de là-bas, comme sa race.
L’œil vif, le pas dansant, les cheveux noirs,
C’est un petit cheval des sierras, qui, le soir,
Longtemps, regarde vers le sud, humant l’espace.

Il livre toute sa crinière au vent qui passe
Et, près de son oreille, on cherche le pompon
D’un œillet rouge. Sur son front,
Ses poils frisent, pareils à de la laine.

Rien en lui de ces chevaux minces qui s’entraînent
Le long d’un champ jalonné de poteaux;
Ni rien du lourd cheval né dans les plaines,
Ces plaines grasses et luisantes de canaux
Où des chalands s’en vont avec un bruit de chaînes.

Il ignore le turf, et les charrois et les labours,
Celui dont le pied sûr comme celui des chèvres,
Suivit là-haut les sentiers bleus, dans les genièvres.

Sur ses naseaux, larges ouverts, un frisson court.
Avec d’autres poulains échevelés, il vint, un jour,
De la montagne aux herbes odorantes.
Poussé par des bergers en capes de brigands
Il vint, petit cheval hirsute à crinière flottante…

Il a gardé ses yeux surpris, des yeux d’enfant
Qui fixent loin, comme à travers les choses…
Et parfois on y voit luire un éclair, sans cause.
On dit alors : « Vient-il de Corse? » Mais il a
D’autres regards aussi, pleins de tendresse.
La jument du vieux cheik a de ces regards-là
Pour le maître en burnous qu’elle aime. « Une caresse
Fait l’antilope et le cheval de la maison. »

Pas un tournant d’allée, un morceau de gazon,
Une porte d’ici qu’il ne connaisse…

Et les portes peuvent s’ouvrir imprudemment
Le petit cheval noir y secoue, un moment,
Sa tête qui dit : « Non, pourquoi fuirais-je ? »
Il hennit comme on rit, à mi-voix, en arpège;
Et sa queue, ainsi qu’un éventail,
S’agite avec le bruit de feuillages qu’on traîne.

Il connaît chaque route au-delà du portail,
Et peut-être sait-il où chaque route mène.

Se prêtant au harnais, par jeu, derrière lui
Il a tiré parfois cette chose qui bouge –
Une voiture – et fait tinter le collier rouge
Dont les grelots ont le son de clarines la nuit.

Parfois, comme pris de folie,
On le voit bondissant pour rien, pour un peu d’eau,
Un jet de l’arroseur ou trois gouttes de pluie
Un papier tournoyant, et ses petits sabots
Allument le pavé. Parfois, dans le pré, libre,
Il se met à ruer d’un air farouche, exprès!
Il galope en zigzags, ou, pliant les jarrets,
Se tient debout, nous défiant, en équilibre…

Quand on le mène boire, il saisit, par un coin,
Nos tabliers, nos manches, ce qu’il peut, et nous dirige,
Lui, le petit cheval sans bride. Un brin de foin
Pend de sa lèvre brune – ou quelque tige
Arrachée au vieux mur – et son œil songe, au loin…

Voici longtemps, longtemps, bien des années,
Qu’il est de la maison, le petit cheval noir
Dont le poil, fil à fil, en bouclettes fanées,
S’argente sur le front. Il se plaît à nous voir,
À nous porter, à nous conduire. Il nous appelle
Et nous taquine et reste jeune et reste gai…
Pourtant, quand le vent vient du sud, battant des ailes
Comme un aigle de la Sierra, quand le printemps
A ce parfum de romarin qui nous étonne,
Et tous les soirs, et tous les soirs d’été, d’automne,
Qu’attend-il, mon petit cheval aux yeux d’enfant,
De quoi se souvient-il qui nous étonne,
Quand le vent vient du sud?
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