Mots d'art & Scénarios Poésie, littérature, pensées, scripts d'art, oeuvres de Ginette Villeneuve |
| | Poètes du Québec | |
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Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Poètes du Québec Dim 28 Aoû - 21:22 | |
| Jacques Labelle
les yeux et la mémoire
Guidé par les lignes de ta main Plus frêle que feuille d'automne Bien plus douce que la source de fin d'hiver Et plus mystérieuse encore que le secret des ans Le visage barbouillé de sourires Je chemine vers un pays Combien vaste de beauté Et de soleil Aux frontières jusqu'alors inconnues. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Poètes du Québec Mar 19 Juil - 0:52 | |
| Emile Coderre (1893-1970) dit Jean Narrache
Poète, pharmacien; auteur de nombreux textes pour la radio.
LE CREPUSCULE EST DOUX
Le crépuscule est doux comme un de tes sourires. Dans l'ombre qui bleuit lentement on dirait Qu'on entend le refrain d'amour et de délire D'un poète qui chante au loin dans la forêt.
Ce murmure léger, c'et la voix des bohèmes, De ces rêveurs, martyrs d'un idéal trop beau, Morts avant de connaître une âme qui les aime, Une âme où leur chanson eût trouvé un écho.
Toi, tu sais écouter mon humble cantilène, Tu comprends qu'un poète est un enfant toujours, Tu partages ma joie et pleures de ma peine Et tu me fais chanter en me berçant d'amour.
Viens au jardin plein d'ombre et de tendre mystère Où nous pourrons rêver doucement seul à seul, Tandis que dans la nuit, rêveuse et solitaire, L'âme des Nelligan pleure dans les tilleuls.
Et comprends maintenant le bonheur que je goûte Lorsque mon humble chant monte pour te charmer: Ce n'est pas seulement ¨le grand soir¨ qui l'écoute, Car tu daignes l'entendre et tu daignes m'aimer. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Poètes du Québec Lun 18 Juil - 19:17 | |
| regarde comme c'est joli ce court texte de Félix Leclerc.
Elle a huit ans.
Ses petits doigts maigres et longs s'enfoncent avex effort sur les notes du piano qui dormait dans la cave.
Et des petits airs jaillissent, remplissent la pièce, montent l'escalier.
Balbutiante, la musique trébuche, trottine, saute par la fenêtre et va jusqu'aux oreilles du vieil homme qui habite en face, qui avait décidé de mourir, mais s'attardera encore un peu.
Félix Leclerc | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Re: Poètes du Québec Sam 2 Juil - 3:02 | |
| Nelligan, Émile (1879-1941)
Ma pensée est couleur de lumières lointaines, Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs. Elle a l'éclat parfois des subtiles verdeurs D'un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir de fontaines, Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs; Ma pensée est couleur de lumières lointaines, Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines, Au pays angélique où montent ses ardeurs, Et, loin de la matière et des brutes laideurs, Elle rêve l'essor aux célestes Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d'or lointaines. | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Gaston Miron Mar 7 Juin - 16:34 | |
| Jeune fille
sur le site de Pier de Lune http://www.pierdelune.com/miron1.htm
Jeune fille plus belle que toutes nos légendes de retour à la maison que protègent les mères secrète et enjouée parmi les êtres de l'été elle aimait bien celui qui cache son visage
sur mon corps il ne reste que bruine d'amour au loin les songes se rassemblent à sa taille pour les bouquets d'eau de ses yeux trop beaux les yeux qu'elle a lui font trop mal à l'âme
jeune fille plus perdue que toute la neige les ans s'encordent sur mes longueurs de solitude et toujours à l'orée de ta distance lointaine tes mille essaims de sourires encore m'escortent
j'en parle à cause d'un village de montagnes d'où s'envolent des rubans de route fragiles toi et moi nous y fûmes plusieurs fois la vie avec les bonheurs qui d'habitude arrivent
je parle de ces choses qui nous furent volées mais les voudra la mort plus que l'ombre légère nous serons tous deux allongés comme un couple enfin heureux dans la mémoire de mes poèmes
***
Plus belle que les larmes
Jeune fille plus belle que les larmes qui ont coulé plus qu'averses d'avril beaux yeux aux ondes de martin-pêcheur où passaient les longs-courriers de mes désirs mémoire, ô colombe dans l'espace du coeur je me souviens de sa hanche de navire je me souviens de ses épis de frissons et sur mes fêtes et mes désastres je te salue toi la plus belle et je chante
***
La marche à l'amour
Tu as les yeux pers des champs de rosées tu as des yeux d'aventure et d'années-lumière la douceur du fond des brises au mois de mai dans les accompagnements de ma vie en friche avec cette chaleur d'oiseau à ton corps craintif moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches moi je fonce à vive allure et entêté d'avenir la tête en bas comme un bison dans son destin la blancheur des nénuphars s'élève jusqu'à ton cou pour la conjuration de mes manitous maléfiques moi qui ai des yeux où ciel et mer s'influencent pour la réverbération de ta mort lointaine avec cette tache errante de chevreuil que tu as
tu viendras tout ensoleillée d'existence la bouche envahie par la fraîcheur des herbes le corps mûri par les jardins oubliés où tes seins sont devenus des envoûtements tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras où tu changes comme les saisons je te prendrai marcheur d'un pays d'haleine à bout de misères et à bout de démesures je veux te faire aimer la vie notre vie t'aimer fou de racines à feuilles et grave de jour en jour à travers nuits et gués de moellons nos vertus silencieuses je finirai bien par te rencontrer quelque part bon dieu! et contre tout ce qui me rend absent et douloureux par le mince regard qui me reste au fond du froid j'affirme ô mon amour que tu existes je corrige notre vie
nous n'irons plus mourir de langueur à des milles de distance dans nos rêves bourrasques des filets de sang dans la soif craquelée de nos lèvres les épaules baignées de vols de mouettes non j'irai te chercher nous vivrons sur la terre la détresse n'est pas incurable qui fait de moi une épave de dérision, un ballon d'indécence un pitre aux larmes d'étincelles et de lésions profondes frappe l'air et le feu de mes soifs coule-moi dans tes mains de ciel de soie la tête la première pour ne plus revenir si ce n'est pour remonter debout à ton flanc nouveau venu de l'amour du monde constelle-moi de ton corps de voie lactée même si j'ai fait de ma vie dans un plongeon une sorte de marais, une espèce de rage noire si je fus cabotin, concasseur de désespoir j'ai quand même idée farouche de t'aimer pour ta pureté de t'aimer pour une tendresse que je n'ai pas connue dans les giboulées d'étoiles de mon ciel l'éclair s'épanouit dans ma chair je passe les poings durs au vent j'ai un coeur de mille chevaux-vapeur j'ai un coeur comme la flamme d'une chandelle toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas la nuit de saule dans tes cheveux un visage enneigé de hasards et de fruits un regard entretenu de sources cachées et mille chants d'insectes dans tes veines et mille pluies de pétales dans tes caresses
tu es mon amour ma clameur mon bramement tu es mon amour ma ceinture fléchée d'univers ma danse carrée des quatre coins d'horizon le rouet des écheveaux de mon espoir tu es ma réconciliation batailleuse mon murmure de jours à mes cils d'abeille mon eau bleue de fenêtre dans les hauts vols de buildings mon amour de fontaines de haies de ronds-points de fleurs tu es ma chance ouverte et mon encerclement à cause de toi mon courage est un sapin toujours vert et j'ai du chiendent d'achigan plein l'âme tu es belle de tout l'avenir épargné d'une frêle beauté soleilleuse contre l'ombre ouvre-moi tes bras que j'entre au port et mon corps d'amoureux viendra rouler sur les talus du mont Royal orignal, quand tu brames orignal coule-moi dans ta plainte osseuse fais-moi passer tout cabré tout empanaché dans ton appel et ta détermination
Montréal est grand comme un désordre universel tu es assise quelque part avec l'ombre et ton coeur ton regard vient luire sur le sommeil des colombes fille dont le visage est ma route aux réverbères quand je plonge dans les nuits de sources si jamais je te rencontre fille après les femmes de la soif glacée je pleurerai te consolerai de tes jours sans pluies et sans quenouilles des circonstances de l'amour dénoué j'allumerai chez toi les phares de la douceur nous nous reposerons dans la lumière de toutes les mers en fleurs de manne puis je jetterai dans ton corps le vent de mon sang tu seras heureuse fille heureuse d'être la femme que tu es dans mes bras le monde entier sera changé en toi et moi
la marche à l'amour s'ébruite en un voilier de pas voletant par les lacs de portage mes absolus poings ah violence de délices et d'aval j'aime que j'aime que tu t'avances ma ravie frileuse aux pieds nus sur les frimas de l'aube par ce temps profus d'épilobes en beauté sur ces grèves où l'été pleuvent en longues flammèches les cris des pluviers harmonica du monde lorsque tu passes et cèdes ton corps tiède de pruche à mes bras pagayeurs lorsque nous gisons fleurant la lumière incendiée et qu'en tangage de moisson ourlée de brises je me déploie sur ta fraîche chaleur de cigale je roule en toi tous les saguenays d'eau noire de ma vie je fais naître en toi les frénésies de frayères au fond du coeur d'outaouais puis le cri de l'engoulevent vient s'abattre dans ta gorge terre meuble de l'amour ton corps se soulève en tiges pêle-mêle je suis au centre du monde tel qu'il gronde en moi avec la rumeur de mon âme dans tous les coins je vais jusqu'au bout des comètes de mon sang haletant harcelé de néant et dynamité de petites apocalypses les deux mains dans les furies dans les féeries ô mains ô poings comme des cogneurs de folles tendresses mais que tu m'aimes et si tu m'aimes s'exhalera le froid natal de mes poumons le sang tournera ô grand cirque je sais que tout mon amour sera retourné comme un jardin détruit qu'importe je serai toujours si je suis seul cet homme de lisière à bramer ton nom éperdument malheureux parmi les pluies de trèfles mon amour ô ma plainte de merle-chat dans la nuit buissonneuse ô fou feu froid de la neige beau sexe léger ô ma neige mon amour d'éclairs lapidée morte dans le froid des plus lointaines flammes
puis les années m'emportent sens dessus dessous je m'en vais en délabre au bout de mon rouleau des voix murmurent les récits de ton domaine à part moi je me parle que vais-je devenir dans ma force fracassée ma force noire du bout de mes montagnes pour te voir à jamais je déporte mon regard je me tiens aux écoutes des sirènes dans la longue nuit effilée du clocher de Saint-Jacques et parmi ces bouts de temps qui halètent me voici de nouveau campé dans ta légende tes grands yeux qui voient beaucoup de cortèges les chevaux de bois de tes rires tes yeux de paille et d'or seront toujours au fond de mon coeur et ils traverseront les siècles
je marche à toi, je titube à toi, je meurs de toi lentement je m'affale de tout mon long dans l'âme je marche à toi, je titube à toi, je bois à la gourde vide du sens de la vie à ces pas semés dans les rues sans nord ni sud à ces taloches de vent sans queue et sans tête je n'ai plus de visage pour l'amour je n'ai plus de visage pour rien de rien parfois je m'assois par pitié de moi j'ouvre mes bras à la croix des sommeils mon corps est un dernier réseau de tics amoureux avec à mes doigts les ficelles des souvenirs perdus je n'attends pas à demain je t'attends je n'attends pas la fin du monde je t'attends dégagé de la fausse auréole de ma vie
***
Poème de séparation 1
Comme aujourd'hui quand me quitte cette fille chaque fois j'ai saigné dur à n'en pas tarir par les sources et les noeuds qui s'enchevêtrent je ne suis plus qu'un homme descendu à sa boue chagrins et pluies couronnent ma tête hagarde et tandis que l'oiseau s'émiette dans la pierre les fleurs avancées du monde agonisent de froid et le fleuve remonte seul debout dans ses vents
je me creusais un sillon aux larges épaules au bout son visage montait comme l'horizon maintenant je suis pioché d'un mal d'épieu christ pareil à tous les christs de par le monde couchés dans les rafales lucides de leur amour qui seul amour change la face de l'homme qui seul amour prend hauteur d'éternité sur la mort blanche des destins bien en cible
je t'aime et je n'ai plus que les lèvres pour te le dire dans mon ramas de ténèbres le reste est mon corps igné ma douleur cymbale nuit basalte de mon sang et mon coeur derrick je cahote dans mes veines de carcasse et de boucane
la souffrance a les yeux vides du fer-blanc elle rave en dessous feu de terre noire la souffrance la pas belle qui déforme est dans l'âme un essaim de la mort de l'âme
Ma Rose Stellaire Rose Bouée Rose Ma Rose Éternité ma caille de tendresse mon allant d'espérance mon premier amour aux seins de pommiers en fleurs dans la chaleur de midi violente ***
Poème de séparation 2
Tu fus quelques nuits d'amour en mes bras et beaucoup de vertige, beaucoup d'insurrection même après tant d'années de mer entre nous à chaque aube il est dur de ne plus t'aimer
parfois dans la foule surgit l'éclair d'un visage blanc comme fut naguère le tien dans ma tourmente autour de moi l'air est plein de trous bourdonnant peut-être qu'ailleurs passent sur ta chair désolée pareillement des éboulis de bruits vides et fleurissent les mêmes brûlures éblouissantes
si j'ai ma part d'incohérence, il n'empêche que par moments ton absence fait rage qu'à travers cette absence je me désoleille par mauvaise affliction et sale vue malade j'ai un corps en mottes de braise où griffe un mal fluide de glace vive en ma substance
ces temps difficiles malmènent nos consciences et le monde file un mauvais coton, et moi tel le bec du pivert sur l'écorce des arbres de déraison en désespoir mon coeur s'acharne et comme, mitraillette, il martèle ta lumière n'a pas fini de m'atteindre ce jour-là, ma nouvellement oubliée je reprendrai haut bord et destin de poursuivre en une femme aimée pour elle à cause de toi
Gaston Miron | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Claude Jasmin rend hommage à Gaston Miron Lun 4 Avr - 15:42 | |
| Claude Jasmin est très connu lui aussi au Québec. Il a écrit des romans, des téléromans pour la télé.
voici son hommage à Gaston Miron
TU ES PARTI, le poète? où vas-tu aller? Gaston Miron, où?
Ne nous quitte pas , ne va pas trop loin Gaston Miron.
Tu n'avais pas fini ta besogne, poète, reste parmi nous
J'entends encore ta voix de mâche-fer, Gaston Miron le poète
Au dessus de la ville, on voit encore tes marques, tes signaux
TU N'ES PAS PARTI, le poète, pas vraiment, je t'entends encore
Tes rires à pleine gorge, tes imprécations, ta poésie raide
Reste un peu, reste à veiller Gaston Miron
Ne me quitte pas, le poète, veille sur moi, veille sur nous tous
Hante la ville, épie nos campagnes, Gaston le poète
Toi, le grand rôdeur de nos angoisses
Reste un peu parmi nous, encore un peu, juste un peu ai.
TU ES PARTI trop vite, trop jeune, tu me manques Gaston Miron
Sois le bon fantôme de nos nuits, la lumière dans nos vies
Ta parole nous hante, tes mots nous cernent encore, le poète
Mon grand disparu trop tôt, fais moi signe Miron
Miron, ta trace est partout, dans mon cœur, sur nos visages
TU N ' ES PAS VRAIMENT PARTI, je me souviendrai de toi
Ta frustre silhouette dans nos rues et nos squares
Mon beau bonhomme de âge, mon monument d'humanité
Gaston Miron, tu restes mon image lumineuse, mon beau souvenir
Regarde, Gaston, nous restons debout dans ton pays magané
Regarde, nous lisons ta parole survoltée, ton langage d'amour
Baptèche, Miron. tu n'es pas mort le poète le bel original
C'EST VRAI, TU ES PARTI mais je tiens ton héritage de mots
Je tiens ton regard sombre, tes cris, tes saluts, tout ton visage
Tu es présent dans nos tourments, dans nos espérances
Ton âme rôde à n'en plus finir dans notre paysage amer
Ton courage, Miron, ta musique, Miron, tout nous est laissé!
TU ES PARTI, le poète, j'ouvre ton baluchon, il y a la vie
Ton esprit plane au dessus de tout, ses grognements, ses soupirs
Ton harmonica ne rouillera jamais, flèche d'or dans nos veillées
Ta chanson d'amitié et d'amour, Gaston, je l'entends toujours
Ta complainte m'enveloppe, Gaston, me tiraille, me trouble
TU N'ES PAS PARTI, le poète, on nous a menti au cimetière
Sainte-Agathe dort mais toi , Gaston, tu es ma vigie
Tu es mon phare de poésie, tu es la mer et le fleuve d'ici
Tu es un bateau ivre de mots, un vaisseau d'or luisant
Tu restes parmi nous, tes pauvres tricots desserrés
Tu mords encore dans tes phrases de toute beauté
TU ES VRAIMENT PARTI avec ton gros dos, tes larmes sucrées
La bouche ridée, les dents serrées, les mots ouverts
Miron, je revois tes mains en ailes battantes
J'entends toujours ton rire, tes éclats, Gaston Miron
Nous écoutons tes pas dans un jardin de dentelles de frimas
TU AS FAIT SEMBLANT DE T ' EN ALLER, tu écris, debout, face aux vents
Pas un matin, pas un soir ne vient sans que je te vois
Les jambes écartées, la bouche ouverte, le cœur ouvert
Reste un peu encore, la nuit nous fait peur, Gaston
Reste avec nous encore un peu, répète ton hymne aux rapaillés
Redis-nous ta confiance, poivre-nous de paroles d'argent
NE PARS PAS, ne pars jamais, je te serai fidèle Miron, je t'aime
J'ouvrirai ton livre comme l'abbé un bréviaire sur sa galerie
Je te lirai encore demain et dans l'éternité
Le Saint-Laurent se sauve sans cesse, Miron, reste avec nous
Les Laurentides verdissent et puis s'enneigent, toi, reste ici
Gaston Miron, décembre '96, m'a fait mal
T'EN VA PAS, le poète, ne nous oublie pas, l'enfirouapé
Je t'entends gueuler dans la tourmente Gaston Miron
Nous t'écoutons toujours, tu ris, tu pleures, tu fais l'ange
Tu te déguises, troubadour gercé au Carré Saint-Louis
Tu fais le clown et tu fais le sage, tu résistes et tu cognes
T'EN VA PAS, Gaston Miron, le temps de la poésie s'incruste
Donne nous la main dans le noir et gigue encore
Tes sourires sont une si belle folie dans nos poudreries
Gaston Miron, il y a des oriflammes rouges sur ta poésie
Il y a du vent, des processions, il y a ton toupet au vent
Voici du point dans ta mort, voici des bras et des plumes
Tu nous as ensemencés avec tes libertés, tes sonorités
TU T'EN ES ALLÉ pour regarder mieux tes horizons du pays québécois
Je le sais, Gaston ,je le sais, arpenteur de nos âmes
Tu es sorti du monde et tu entres dans l'univers du souvenir
Nous apprendrons longtemps tes itinéraires de beau saltimbanque
Nous marcherons dans tes plantations de mots sacrés
TU PEUX T'EN ALLER, c'est un mirage, l'illusion de la mort
Tu es vivant en Gaspésie et en Abitibi, tu bouges un peu partout
Tu restes le gigoteur, le flambeur, le bruyant marcheur
Tes semelles de neige, ton pas de boue, tes allures de grand vent
Tout nous rappelle tes grands coups de gueule dans le pays
VA-T-EN, Gaston Miron, vas-y, vase d'argile, glaise cuite, poème
Va où tu veux, ne te retourne même pas, nous te suivons
Partout, nous écrirons ton nom, dans tous les cahiers de l'espoirs
Va, le poète, l'éternité n'est rien, l'amour est tout
Et tu nous aimais, tu nous a aimés, faibles, médusés, inquiets
VA, VA, VA Gaston Miron, tu es libre désormais, tu as tout gagné! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Clémence DesRochers Mar 22 Mar - 2:30 | |
| Une Québecoise : Clémence Desrochers Tomber dans l'anonymat
J'veux tomber dans l'anonymat Comme une obèse dans l'chocolat, Comme un sniffeux dans un pot d'colle Je veux pas faire la fine ni la folle J'ai pus l'goût d'écrire des chansons, Le monde aime mieux Luc Plamondon, J'veux juste tourner des commerciaux. C'pas fatigant pis ça paye gros.
J'veux tomber dans l'anonymat Comme Jean Lapointe dans les AA. Comme un ivrogne dans son gros gin, me perdre dans la foule anonyme, Comme Guy Boucher en Jésus-Christ, Ginette Reno dans les biscuits, J'en ai assez d'la vie d'artisse : J'aimerais mieux être dans les coulisses !
Clémence DesRochers mis en musique par Jean-Marie Benoit tiré de J'haïs écrire page 83 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Clémence DésRochers Dim 13 Mar - 18:47 | |
| C'est triste à pleurer (et je pleure) mais j'ai envie de te le faire lire C'est du Clémence DésRochers, un auteur québécois. Ce texte a été mis en musique par Denis Larochelle tiré de J'haï écrire page 27
On ne pleure pas pour une chatte Qui a brisé sa patte, On ne pleure pas pour une chatte Qui a perdu sa queue.
Je ne pleure pas, je vois encore Sa tête sur ma main Le long du chemin Qui l'a menée au silence. Je ne pleure pas, j'y pense. Son poil sentait la fougère, Elle dormait dehors en hiver, Revenait vers nous le matin. Timide comme un orphelin Sous le fauteuil du salon. La forêt la changeait en lion. Petit paquet de vie Ton dernier long cri Me glace...
Tu ne prends plus ta place Sur le vieux chandail de mon père, Parti lui aussi cet hiver Comme toi, comme l'amie Lise. Cet hiver me brise, J'ai mal à ma vie, Je ne pleure pas : je crie ! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Gaston Miron Dim 13 Mar - 2:30 | |
| Jeune fille
Jeune fille plus belle que toutes nos légendes de retour à la maison que protègent les mères secrète et enjouée parmi les êtres de l'été elle aimait bien celui qui cache son visage
sur mon corps il ne reste que bruine d'amour au loin les songes se rassemblent à sa taille pour les bouquets d'eau de ses yeux trop beaux les yeux qu'elle a lui font trop mal à l'âme
jeune fille plus perdue que toute la neige les ans s'encordent sur mes longueurs de solitude et toujours à l'orée de ta distance lointaine tes mille essaims de sourires encore m'escortent
j'en parle à cause d'un village de montagnes d'où s'envolent des rubans de route fragiles toi et moi nous y fûmes plusieurs fois la vie avec les bonheurs qui d'habitude arrivent
je parle de ces choses qui nous furent volées mais les voudra la mort plus que l'ombre légère nous serons tous deux allongés comme un couple enfin heureux dans la mémoire de mes poèmes
Gaston Miron http://www.pierdelune.com/miron1.htm | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: ( Jovette Bernier ) Dim 13 Mar - 2:28 | |
| Mon âme était pareil...
Autrefois, je croyais. Mon âme était pareille Au bateau neuf qui dans les rades appareille.
Je me laissais bercer par le flot; je rêvais Des grandes mers que mon silage étonnerait.
Je voyais au lointain m'attendre les escales; Ma fois n'avait alors que ma fierté d'égale.
Nimbé d'orgueil, il est parti vers l'inconnu Le navire que nul effroi n'eût retenu.
Il a vieilli trop tôt, maintenant c'est un sage Qui ne sursaute plus en pensant au naufrage:
Qui peut, sans s'affoler, partir par un gros temps Ou par un matin clair, sans être plus content.
Un voyage pour lui n'est qu'un ancien voyage; La mer: il a connu ses multiples visages.
De tout ce qu'il vécut de vrai, Rien ne ressemble moins au rêve qu'il a fait.
Mon âme est ce navire aux anciennes prouesses, Dans le port où rêva sa première jeunesse.
Navire qui revient sans émoi, qui repart Sans regret, impassible et prêt à tout hasard.
Mon âme résignée à toutes les partances Qui voit d'un oeil pareil la joie ou la navrance.
http://www.membres.lycos.fr/delaro/Quebecoise.html
( Jovette Bernier ) | |
| | | Gi Rang: Administrateur
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| Sujet: Gaston Miron Dim 13 Mar - 2:27 | |
| Guy Je le connais mais trop peu il est bien vrai...
voici un texte que j'ai trouvé sur ce site. http://lapoesiequejaime.net/miron_I.htm#sequences
LE DAMNED CANUCK
la vie se consume dans la fatigue sans issue la vie en sourdine et qui aime sa complainte aux yeux d'angoisse travestie de confiance naïve à la rétine d'eau pure dans la montagne natale la vie toujours à l'orée de l'air toujours à la ligne de flottaison de la conscience au monde la poignée de porte arrachée
ah sonnez crevez sonnailles de vos entrailles riez et sabrez à la coupe de vos privilèges grands hommes, classe écran, qui avez fait de moi le sous-homme, la grimace souffrance du cro-magnon l'homme du cheap way, l'homme du cheap work le damned Canuck
seulement les genoux seulement le ressaut pour dire
SÉQUENCES
Parmi les hommes dépareillés de ces temps je marche à grands coups de tête à fusée chercheuse avec de pleins moulins de bras sémaphore du vide de tambour dans les jambes et le corps emmanché d'un mal de démanche reçois-moi orphelin bel amour de quelqu'un monde miroir de l'inconnu qui m'habite je traverse des jours de miettes de pain la nuit couleur de vin dans les caves je traverse le cercle de l'ennui perroquet dans la ville il fait les yeux des chiens malades
La batèche ma mère c'est notre vie de vie de vie batèche au cœur fier à tout rompre batèche à la main inusable batèche à la tête de braconnage dans nos montagnes batèche de mon grand-père dans le noir analphabète batèche de mon père rongé de veilles batèche de moi dans mes yeux d'enfant
Les bulles du délire les couleurs débraillées le mutisme des bêtes dans les nœuds du bois du chiendent d'histoire depuis deux siècles et me voici sortant des craques des fendes des soupiraux ma face de suaire quitte ses traits inertes je me dresse dans l'appel d'une mémoire osseuse j'ai mal à la mémoire car je n'ai pas de mémoire dans la pâleur de vivre et la moire des neiges je radote à l'envers je chambranle dans les portes je fais peur avec ma voix les moignons de ma voix
Damned Canuck de damned Canuck de pea soup sainte bénite de sainte bénite de batèche sainte bénite de vie maganée de batèche belle grégousse de vieille réguine de batèche
Suis-je ici ou ailleurs ou autrefois dans mon village je marche sur des étendues de pays voilés m'écrit Olivier Marchand alors que moi d'une brunante à l'autre je farouche de bord en bord je barouette et fardoche et barouche je vais plus loin que loin que mon haleine soudain j'apparais dans une rue au nom d'apôtre je ne veux pas me laisser enfermer dans les gagnages du poème, piégé fou raide
mais que le poème soit le chemin des hommes
et du peu qu'il nous reste d'être fiers laissez-moi donner la main à l'homme de peine et amironner
Les lointains soleils carillonneurs du Haut-Abitibi s'éloignent emmêles d'érosions avec un ciel de ouananiche et de fin d'automne ô loups des forêts de Grand-Remous votre ronde pareille à ma folie parmi les tendres bouleaux que la lune dénonce dans la nuit semée de montagnes en éclats de sol tracté d'éloignement j'erre sous la pluie soudaine et qui voyage la vie tiraillée qui grince dans les girouettes homme croa-croa toujours à renaître de ses clameurs découragées sur cette maigre terre qui s'espace les familles se désâment et dans la douleur de nos dépossessions temps bêcheur temps tellurique j'en appelle aux arquebuses de l'aube de toute ma force en bois debout
Cré bataclan des misères batèche cré maudit raque de destine batèche raque des amanchures des parlures et des sacrures moi le raqué de partout batèche nous les raqués de l'histoire batèche
Vous pouvez me bâillonner, m'enfermer je crache sur votre argent en chien de fusil sur vos polices et vos lois d'exception je vous réponds non je vous réponds, je recommence je vous garroche mes volées de copeaux de haine de désirs homicides je vous magane, je vous use, je vous rends fous je vous fais honte vous ne m'aurez pas vous devrez m'abattre avec ma tête de tocson, de nœud de bois, de souche ma tête de semailles nouvelles j'ai endurance, j'ai couenne et peu de barbiche mon grand sexe claque je me désinvestis de vous, je vous échappe les sommeils bougent, ma poitrine résonne
j'ai retrouvé l'avenir | |
| | | Guy Rancourt 100 messages
Nombre de messages : 750 Age : 76 Localisation : Le Bic (Québec) Date d'inscription : 28/12/2004
| Sujet: Gaston Miron (1928-1996) Sam 12 Mar - 16:24 | |
| Salut Ginette! Pour moi, Gaston Miron (1928-1996) reste et restera l'un des poètes québécois les plus importants de la seconde moitié du XX ème siècle. "L'homme rapaillé" est un sommet dans nos lettres d'ici... En voici un échantillon :
Compagnon des Amériques
Compagnon des Amériques Québec ma terre amère ma terre amande ma patrie d'haleine dans la touffe des vents j'ai de toi la difficile et poignante présence avec une large blessure d'espace au front dans une vivante agonie de roseaux au visage
je parle avec les mots noueux de nos endurances nous avons soif de toutes les eaux du monde nous avons faim de toutes les terres du monde dans la liberté criée de débris d'embâcle nos feux de position s'allument vers le large l'aïeule prière à nos doigts défaillante la pauvreté luisant comme des fers à nos chevilles
mais cargue-moi en toi pays, cargue-moi et marche au rompt le coeur de tes écorces tendres marche à l'arête de tes dures plaies d'érosion marche à tes pas réveillés des sommeils d'ornières et marche à ta force épissure des bras à ton sol
mais chante plus haut que l'amour en moi, chante je me ferai passion de ta face je me ferai porteur de ton espérance veilleur, guetteur, coureur, haleur de ton avènement un homme de ton réquisitoire un homme de ta patience raboteuse et varlopeuse un homme de ta commisération infinie l'homme artériel de tes gigues dans le poitrail effervescent de tes poudreries dans la grande artillerie de tes couleurs d'automne dans tes hanches de montagnes dans l'accord comète de tes plaines dans l'artésienne vigueur de tes villes devant toutes les litanies de chats-huants qui huent dans la lune devant toutes les compromissions en peaux de vison devant les héros de la bonne conscience les émancipés malingres les insectes des belles manières devant tous les commandeurs de ton exploitation de ta chair à pavé de ta sueur à gages
mais donne la main à toutes les rencontres, pays toi qui apparais par tous les chemins défoncés de ton histoire aux hommes debout dans l'horizon de la justice qui te saluent salut à toi territoire de ma poésie salut les hommes et les femmes des pères et mères de l'aventure
-------------------------------------------------------------------------------- MIRON, Gaston, L'Homme rapaillé, Montréal, l'Hexagone, 1994 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes du Québec Mar 1 Mar - 17:08 | |
| La mer http://pages.infinit.net/jovie/lamer.htm
Loin des grands rochers noirs que baise la marée,
La mer calme, la mer au murmure endormeur,
Au large, tout là-bas, lente s'est retirée.
Et son sanglot d'amour dans l'air du soir se meurt.
La mer fauve, la mer vierge, la mer sauvage,
Au profond de son lit de nacre inviolé
Redescend, pour dormir, loin, bien loin du rivage,
Sous le seul regard pur du doux ciel étoilé.
La mer aime le ciel : c'est pour mieux lui redire,
À l'écart, en secret, son immense tourment,
Que la fauve amoureuse, au large se retire,
Dans son lit de corail, d'ambre et de diamant.
E la brise n'apporte à la terre jalouse,
Qu'un souffle chuchoteur, vague, délicieux :
L'âme des océans frémit comme une épouse
Sous le chaste baiser des impassibles cieux.
Nérée Beauchemin Poète québécois (1850-1931) | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Poètes du Québec Dim 27 Fév - 14:17 | |
| Ce poète de ma province m'était inconnu. Merci. Gi | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Philippe Haeck Sam 26 Fév - 4:43 | |
| Nous aimons [...]
la nappe rose et blanche de la cuisine repose nulle part les calèches dessinées pour de froides amours mais notre amour est le frémissement des feuilles à notre fenêtre
le vent que le vent emporte cette nappe dépliée que ces calèches conduisent vers une forêt d'aube là où nos corps pourront s'enrouler et que le ciel n'ait rien de plus pressé que le vol de ces amants nulle part
la nappe à carreaux roses et blancs au centre de la cuisine dessus un livre rouge et de la même teinte quatre fruits qui attendent nos lèvres de grandes armoires abritent nos amours au fond des assiettes bleutées
notre texte est plein d'inconnu combien de temps cette nappe ces trois roses rouges qui dormira dans notre maison avec nos lèvres et nos livres notre corps est vif
HAECK, Philippe, Polyphonie, Roman d'apprentissage (poèmes 1971-1977), VLB Éditeur, 1978, 316 p.
Une biographie sur : http://www.litterature.org/notice.asp?numero=244 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Jacques Labelle Sam 26 Fév - 2:22 | |
| Un peu de pluie D'une ondée passagère Grignotera tes yeux L'espace d'un nuage
N'en garde pas mémoire Plus d'un sourire meurtri La fraîcheur de ton visage Ne supporte pas l'ennui
À l'orage mal venu Ferme tes volets Et ta porte aussi Passera son triste refrain
Alors peut-être aurai-je du soleil À poignées fragiles mais pleines Qui laisseront de mon passage La promesse d'un printemps.
Jacques Labelle Québec
tiré de Les yeux et la mémoire page 11 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Emile Coderre (1893-1970) dit Jean Narrache Sam 12 Fév - 21:51 | |
| Emile Coderre (1893-1970) dit Jean Narrache
Poète, pharmacien; auteur de nombreux textes pour la radio.
LE CREPUSCULE EST DOUX
Le crépuscule est doux comme un de tes sourires. Dans l'ombre qui bleuit lentement on dirait Qu'on entend le refrain d'amour et de délire D'un poète qui chante au loin dans la forêt.
Ce murmure léger, c'et la voix des bohèmes, De ces rêveurs, martyrs d'un idéal trop beau, Morts avant de connaître une âme qui les aime, Une âme où leur chanson eût trouvé un écho.
Toi, tu sais écouter mon humble cantilène, Tu comprends qu'un poète est un enfant toujours, Tu partages ma joie et pleures de ma peine Et tu me fais chanter en me berçant d'amour.
Viens au jardin plein d'ombre et de tendre mystère Où nous pourrons rêver doucement seul à seul, Tandis que dans la nuit, rêveuse et solitaire, L'âme des Nelligan pleure dans les tilleuls.
Et comprends maintenant le bonheur que je goûte Lorsque mon humble chant monte pour te charmer: Ce n'est pas seulement ¨le grand soir¨ qui l'écoute, Car tu daignes l'entendre et tu daignes m'aimer. | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Atala Dim 30 Jan - 5:20 | |
| (Léonise Valois) née à Vaudreuil en 1868, elle fait ses débuts littéraires dans divers journaux. En 1910 paraît Fleurs sauvages, en 1934 paraît Fleurs tombées. Elle décède en 1936.
NOS PETITS SOUVENIRS
Ils sont là, tout vivant, mes plus chers souvenirs, Ils sont là relégués au fond de leur demeure, Coffret aux vieux chiffons de regrets, de plaisirs, Qui font qu’en les voyant, l’on sourit ou l’on pleure.
Reliques ! doux trésors ! que dites-vous tout bas A la femme qui songe et près de vous soupire ? Des mots mystérieux qui ne s’exprime pas, Mais provoquent toujours une larme, un sourire.
Vous dites qu’ici bas, tout se change en douleur, Que le plus beau rêve est une pure folie, Un mirage trompeur, et que de notre cœur Tombe l’illusion, même la plus chérie.
Vous êtes là vivants, mes tendres souvenirs, Je veux vous contempler, pieux débris que j’aime, Vieux chiffons tout remplis de regrets, de plaisirs, En chacun, je retrouve une part de moi-même !
Extrait de Fleurs sauvage (1910), Anthologie de la poésie des femmes au Québec, éditions du remue-ménage, page 52 | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Émile Nelligan Dim 30 Jan - 1:53 | |
| Emile NELLIGAN (1879-1941)
La romance du vin Tout se mêle en un vif éclat de gaieté verte O le beau soir de mai ! Tous les oiseaux en choeur, Ainsi que les espoirs naguère à mon coeur, Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.
O le beau soir de mai ! le joyeux soir de mai ! Un orgue au loin éclate en froides mélopées; Et les rayons, ainsi que de pourpres épées, Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé.
Je suis gai! je suis gai ! Dans le cristal qui chante, Verse, verse le vin ! verse encore et toujours, Que je puisse oublier la tristesse des jours, Dans le dédain que j'ai de la foule méchante !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le vin et l'Art !... J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres, Des vers qui gémiront les musiques funèbres Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard.
C'est le règne du rire amer et de la rage De se savoir poète et objet du mépris, De se savoir un coeur et de n'être compris Que par le clair de lune et les grands soirs d'orage !
Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin Ou l'Idéal m'appelle en ouvrant ses bras roses; Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main !
Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire, Et qu'un rythme s'entonne au renouveau doré, Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré, Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire !
Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai ! Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !... Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre; Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé ?
Les cloches ont chanté; le vent du soir odore... Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots, Je suis gai, si gai, dans mon rire sonore, Oh ! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots ! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Émile Nelligan Le Vaisseau d'Or Mar 25 Jan - 23:45 | |
| Du Émile Nelligan
Le Vaisseau d'or
Ce fut un grand Vaisseau taillé dans l'or massif: Ses mâts touchaient l'azur, sur des mers inconnues; La Cyprine d'amour, cheveux épars, chairs nues, S'étalait à sa proue, au soleil excessif.
Mais il vint une nuit frapper le grand écueil Dans l'Océan trompeur où chantait la Sirène, Et le naufrage horrible inclina sa carène Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.
Ce fut un Vaisseau d'Or, dont les flancs diaphanes Révélaient des trésors que les marins profanes, Dégoût, Haine et Névrose, entre eux ont disputés.
Que reste-t-il de lui dans la tempête brève? Qu'est devenu mon coeur, navire déserté? Hélas! Il a sombré dans l'abîme du Rêve! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Nelligan vu et corrigé Lun 17 Jan - 22:20 | |
| - Guy Rancourt a écrit:
- Ginette, l'an dernier, j'ai donné ma version corrigée du célèbre "SOIR D'HIVER" d'Émile Nelligan que je trouvais trop triste. Ça donne ce poème en duo : l'un triste (Nelligan) et l'autre gai (Rancourt)
Oiseaux de février (Poème à deux voix) Guy je préfère ton poème à saveur positive. Je m'aperçois que cela me ressemble tellement plus. Tout ce qu'on peut faire avec les mots alors. Bisous, Gi | |
| | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
| Sujet: Re: Poètes du Québec Dim 16 Jan - 4:34 | |
| Superbe Guy ! Et ça fait un excellent exercice de style !! | |
| | | Guy Rancourt 100 messages
Nombre de messages : 750 Age : 76 Localisation : Le Bic (Québec) Date d'inscription : 28/12/2004
| Sujet: Nelligan vu et corrigé Sam 15 Jan - 22:43 | |
| Ginette, l'an dernier, j'ai donné ma version corrigée du célèbre "SOIR D'HIVER" d'Émile Nelligan que je trouvais trop triste. Ça donne ce poème en duo : l'un triste (Nelligan) et l'autre gai (Rancourt)
Oiseaux de février (Poème à deux voix)
Ah! comme l’aurore a flambé! Ma vie est un bouquet de grives. Ah! comme l’aurore a flambé! Qu’est-ce que l’orgasme de vivre Au bonheur que j’ai, que j’ai! (Guy Rancourt)
Ah! comme la neige a neigé! Ma vie est un jardin de givre. Ah! comme la neige a neigé! Qu’est-ce que le spasme de vivre À la douleur que j’ai, que j’ai! (Émile Nelligan)
Tous les océans se sont déchaînés Mon âme est blanche : Où vis-je? Où vais-je? Tous ses volcans se sont déchaînés : Je suis la nébuleuse d’Andromède D’où les brillantes étoiles se sont envolées. (Guy Rancourt)
Tous les étangs gisent gelés, Mon âme est noire : Où vis-je? Où vais-je? Tous ses espoirs gisent gelés : Je suis la nouvelle Norvège D’où les blonds ciels s’en sont allés. (Émile Nelligan)
Riez, oiseaux de février, Aux lubriques passions des choses, Riez, oiseaux de février, Riez mes rires, riez mes gloses, Aux rameaux du noisetier. (Guy Rancourt)
Pleurez, oiseaux de février, Au sinistre frisson des choses, Pleurez, oiseaux de février, Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses, Aux branches du genévrier. (Émile Nelligan)
Ah! comme l’aurore a flambé! Ma fenêtre est un bouquet de grives. Ah! comme l’aurore a flambé! Qu’est-ce que l’orgasme de vivre À tous les plaisirs que j’ai, que j’ai! (Guy Rancourt)
Ah! comme la neige a neigé! Ma vitre est un jardin de givre. Ah! comme la neige a neigé! Qu’est-ce que le spasme de vivre À tout l’ennui que j’ai, que j’ai! (Émile Nelligan) | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: (Émile Nelligan) Sam 8 Jan - 1:31 | |
| Soir d'hiver (Émile Nelligan)
Ah ! comme la neige a neigé ! Ma vitre est un jardin de givre. Ah ! comme la neige a neigé ! Qu'est-ce que le spasme de vivre À la douleur que j'ai, que j'ai !
Tous les étangs gisent gelés, Mon âme est noire : Où vis-je ? où vais-je ? Tous ses espoirs gisent gelés : Je suis la nouvelle Norvège D'où les blonds ciels s'en sont allés.
Pleurez, oiseaux de février, Au sinistre frisson des choses, Pleurez, oiseaux de février, Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses, Aux branches du genévrier.
Ah ! comme la neige a neigé ! Ma vitre est un jardin de givre. Ah ! comme la neige a neigé ! Qu'est-ce que le spasme de vivre À tout l'ennui que j'ai, que j'ai !... ... | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14617 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Émile Nelligan Lun 3 Jan - 16:57 | |
| Émile Nelligan
Ma pensée est couleur de lumières lointaines, Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs. Elle a l'éclat parfois des subtiles verdeurs D'un golfe où le soleil abaisse ses antennes.
En un jardin sonore, au soupir de fontaines, Elle a vécu dans les soirs doux, dans les odeurs; Ma pensée est couleur de lumières lointaines, Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle court à jamais les blanches prétentaines, Au pays angélique où montent ses ardeurs, Et, loin de la matière et des brutes laideurs, Elle rêve l'essor aux célestes Athènes.
Ma pensée est couleur de lunes d'or lointaines.
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