Extrait du roman Les carnets de l’étranger de Gilles Jodoin

… C’est alors que la mère revient du couloir. Dès qu’elle constate la mort de son fils, sa seule raison de vivre, elle court ouvrir la fenêtre. Nous croyons tous qu’elle veut s’y jeter, mais ce n’est que pour faciliter ce qu’elle croit être le premier envol d’un papillon. Elle gesticule, souriante, pour nous annoncer de bonnes nouvelles un peu bizarres :

Il a rampé sa vie. La chenille s’est transformée en papillon. Voyez-le dans l’ciel! Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme en quelque chose d’autre. Il est déjà plus léger. Regardez-le, y est plus léger pis y a des plus belles couleurs aux joues! Une âme, c’est lourd à porter, surtout quand on est malheureux. À c’t’heure la mort est en nous-autres, elle est plus en Charles. Sa vie est partie d’notre regard, c’est tout. Il est là, inerte pis inutile, pourtant son vol est noble et cherche la lumière. Ses amis du Carré Saint-Louis, partis les premiers, Marie-Ève et toutes ses connaissances mortes du Sida s’écrieront avec joie : « -Le voilà! » en l’apercevant à l’horizon. Je ne peux pas dire c’est quoi une âme, mais je sais que c’est une des réalités de la vie. Il a des personnes qui en ont pas, pis des animaux qui en ont une. Un million d’animaux ne feraient pas la moitié du trouble que fait un homme en mal de pouvoir. Puis, tout à coup silencieuse, elle simule un battement d’ailes, et presque de bonne humeur, ajoute : « Mon fils a une âme pis elle est belle. J’suis une vieille folle mais j’sais que mon fils sera toujours là, parce que je l’aime !

Extrait du roman Les carnets de l’étranger

de Gilles Jodoin

Salut Gi,

Très émouvante, cette page!
Bisous

José

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