Mots d'art & Scénarios
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 Impressions d'une québécoise à Paris

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Gi
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Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada
Date d'inscription : 18/12/2004

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MessageSujet: Impressions d'une québécoise à Paris   Impressions d'une québécoise à Paris EmptyMer 25 Aoû - 9:20

La crêpe
Crêpe, crêpe ou crêpe ? Vite fait bien fait. Une délicieuse crêpe salée très mince, aussi appelée galette, garnie de jambon et de fromage bien fondu à l'intérieur. Lointaine parente des crêpes sucrées de mon pays au goût d’érable. C’est l’amour dès la première bouchée. Sous le charme de ce délicieux mets, je ne peux faire autrement que de renouveler l’expérience dès le lendemain. S'avérant que le plat est assez typique ici, on peut choisir parmi un nombre incalculable de marchands de galettes. J'opte pour aller au plus près de chez moi, quartier des Abbesses, histoire de conserver toute la saveur de cet exotique gueuleton.
C'est un soir frisquet. Il est 20h. Bien enthousiaste, je commande donc la dite galette sans trop m'attarder, lorsque tout à coup, je réalise que le dit marchand a une goutte énorme qui lui pend au bout du nez. La plus grosse des gouttes de toute l'histoire des gouttes de d'sous de nez du monde. Celle-ci menaçant de faire, d'un instant à l'autre, l'ultime plongeon dans ce qui devait être, à la base, délectable, je me voyais dans l’obligation d’intervenir. Abasourdie devant la situation, et ne voulant pas insulter le brave homme, je fais la seule chose qui est en mon pouvoir: solliciter mon oeil de lynx pour suivre l’évolution de la perle maudite. Deux interminables minutes s'écoulent. Les plus longues de toute ma vie. Toute la scène se déroule dans un suspense complet; je retiens mon souffle jusqu'au moment de payer et enfin quitter.
Déambulant dans la rue, les galettes à la main, une question reste irrésolue : si goutte il y avait, a-t-il pu y en avoir d'autres avant ... et si oui ... où ont-elles atterries ? Horrifiée, je cherche le premier itinérant qui croisera mon passage pour lui offrir ce qui devait être mon dîner. Je rentre chez moi, le ventre vide, mais l'esprit en paix d'avoir donné un bon repas chaud à quelqu’un qui avait la chance d’ignorer toute l’histoire de cette galette. Comme on dit, ce qu’on ignore ne peut pas nous faire de mal.
La Baguette
Ce n'est pas par inadvertance si j'ai mis un B majuscule au mot Baguette. En France, la baguette n'est pas simplement une baguette: c'est un mode de vie. Baguette, ficelle, miche, à l'ancienne, au levain, plus de croûte, moins de mie ... Choisir une baguette, c'est dévoiler une petite partie de sa personnalité. Chaque jour, les gens se succèdent au comptoir; chacun exprimant ses caprices respectifs. La grande dame aux lunettes rouges demande une ficelle et surtout pas trop cuite. L'homme au manteau noir qui suit: une miche; mais seulement la demie et bien chaude. La dame au parfum trop prononcé exige, quant à elle, celle qui est derrière à droite, non, pas celle-ci, l'autre. Avec la certitude d'avoir fait une bonne affaire, ils paient, sortent de la boutique et déchirent le bout de la baguette encore chaude. Crac ! Satisfaction.
Comme on choisit sa baguette, on choisit son boulanger. De ma toute petite expérience en cette matière, j'ai vite compris qu'il fallait éviter les boulangeries situées sur des rues trop passantes, simplement parce que le service y est dépourvu de couleur et le pain, sec et dépourvu de goût puisqu'il est produit en trop grande quantité. Choisir son boulanger c'est comme chercher l'âme soeur, l'amour de sa vie. On ne sait pas exactement ce que l'on recherche. Le plus souvent, on sait mieux ce que l'on ne veut pas, que ce que l'on veut. Mais lorsqu'on trouve, il n'y a plus de questions qui se posent. On sait, c'est tout.
Le pigeon parisien
Chaque jour, sur la place du Sacré-Coeur, dès les petites heures du matin, un nombre incalculable de pigeons s'activent. Dans leurs petits costumes gris, ils font leur drôle de danse, épiant les touristes qui passent. L'oeil averti, ils sont à l’affût du premier imbécile qui, fasciné par la basilique du Sacré-Coeur, échappera son goûter à terre. Tout bêtes, ces volatiles font les quatre cents pas, l'air heureux et ne semblent pas se rendre compte que, depuis des mois, le soleil se fout de Paris. Parce qu'à Paris, en hiver, il fait toujours gris. Gris, gris, gris. Gris bitume, gris métal, gris comme le premier cheveu gris que l'on se précipite d’arracher ou mieux, de teindre. Gris comme les nuages, pas de ceux qui prennent la forme de lapin ou d'ours. Non. Ceux qui annoncent le mauvais temps: gros, incontournables, indélébiles. Gris comme la déprime. Sans lumière, sans contraste, pantone 430C, gris corporatif. Gris qui vous fait plisser les yeux, qui vous donne le teint blanchâtre.
Monsieur Pigeon, lui, ne se plaint pas, ne raconte jamais que cet hiver est pire que le précédent ou que l'autre d'avant, ou que ... , enfin. Il se complaît dans Paris, ville d'abondance. Il ne connaît pas la déprime hivernale. Il n'a pas besoin de vitamine A, B ou C, de zinc ni de fer pour être heureux. Car monsieur Pigeon sait. Il sait qu'il ne faut pas attendre que les beaux jours reviennent pour être heureux, qu'il faut vivre au jour le jour, ne sachant pas ce que demain apportera; crêpe, sandwich jambon beurre ou croissant. Beau temps, mauvais temps, Monsieur Pigeon danse et mange, digère et dort. Il roucoule. La vie est belle.
Le métro
Lundi. 8 h 30 du matin. Station Pigalle.
Comme chaque jour, dès la descente des premiers escaliers vers les quais du métro, avant même de franchir le tourniquet, signal de la ligne de départ de votre journée, une petite guerre se déclenche. Chaque combattant, convaincu d'être plus pressé que le voisin d'à côté.
Dans le métro, ce qui m'impressionne chaque jour, c'est la capacité physique d'un wagon. Il y a toujours de la place. Quand le métro semble plein à craquer et qu'enfin on se dit qu'il n'est plus possible que des gens entrent, il est certain qu'à la prochaine station, il y en a encore six qui, par je ne sais quelle manoeuvre de contorsion, se trouvent une place. Même s'il n'y a pas la quantité d'oxygène nécessaire pour tous, ce n'est pas grave, ce n'est que pour quelques stations après tout. Un truc, couramment utilisé, consiste à rester à l'extérieur du wagon jusqu'à se que l'alarme de la fermeture des portes retentisse. À ce moment précis, il suffit de sauter dans le wagon. Même s'il n'y a que la moitié de votre corps qui se trouve à l’intérieur, votre impact sur les gens ainsi que la pression des portes sur vous fourniront l'espace nécessaire pour que tout le monde entre. Ainsi, bien compressés, les gens n'auront même pas besoin de se trouver un point d'appui; on devient en quelque sorte, un point d'appui humain. N'est-ce pas merveilleux ?
Dans cette autoroute gérée par un système où les gens se fraient un chemin de façon apparemment instinctive, on repère assez rapidement le novice; le non Parisien. Même s'il n'arbore pas une carte de métro dépliée comme s'il allait à tout moment bâtir un chapiteau, ou encore qu'il ne revête pas un pull avec un imprimé de la tour Eiffel version miniature, on le reconnaît de loin par ses caractéristiques flagrantes : il sourit, fait preuve de politesse et laisse passer les gens devant lui. S’il ne s'adapte pas assez rapidement, il ne survivra pas. S'il y a une chose que les gens d'ici savent, c'est que dans le métro, c'est chacun pour soi. Il faut être extrêmement vigilant et ne pas se laisser distraire par quoi que ce soit. Chaque minute compte, un instant de trop à regarder une pub et hop, on se fait passer devant par le premier venu. Résultat, on se prend quinze minutes de retard.
Pour remporter la bataille, il ne suffit pas d'être fort : il faut être rusé. C'est pourquoi il est important d'élaborer une bonne stratégie. C'est ici que l'on distingue un bon usager du métro, d'un mauvais. L'expert sait optimiser son itinéraire. Il sait que la notion de temps est primordiale: partir deux minutes plus tard ou plus tôt de la maison fait toute la différence; il se tient très près des rails; il apprécie même la sensation de son nez qui effleure les parois du métro lorsque celui-ci arrive. Ainsi, il est le premier à monter. Il sait que chaque ligne a ses particularités et c'est pourquoi, il ne laisse jamais au hasard le choix de son wagon. Il sait choisir entre un wagon de tête ou de queue, en fonction de la prochaine sortie, mais surtout, il sait choisir son wagon en fonction des gens qui s'y trouvent déjà. D'un rapide coup d'œil, il scrute les gens, wagon par wagon, et arrête son choix sur celui qui lui semble le meilleur compromis. Il évite les personnes à l'hygiène douteuse, les dames avec des enfants qui se mettront à gueuler après le premier passant qui effleure leur enfant et surtout, les musiciens du métro, question de ne pas entendre, pour la centième fois, La bohème. Et tout cela, sans parler des pannes et des grèves.
Quand vous habitez à Paris, le métro est une grosse partie de votre quotidien. Même si vous l’avez intégré à votre routine, il ne faut jamais baisser la garde; un moment d'inattention et l’on se retrouve vite le nez pris directement sous le bras d'un ouvrier qui, clairement, a travaillé fort toute la journée. Et je vous le jure, on ne s’y fait prendre qu'une seule fois.
F.Lortie

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http://www.liensutiles.org/gvilleneuve.htm
 
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