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| | Charles-Marie Leconte de Lisle | |
| | Auteur | Message |
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didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: Charles-Marie Leconte de Lisle Dim 12 Avr - 6:13 | |
| Dernière Vision
Un long silence pend de l'immobile nue. La neige, bossuant ses plis amoncelés, Linceul rigide, étreint les océans gelés. La face de la terre est absolument nue.
Point de villes, dont l'âge a rompu les étais, Qui s'effondrent par blocs confus que mord le lierre. Des lieux où tournoyait l'active fourmilière Pas un débris qui parle et qui dise : J'étais !
Ni sonnantes forêts, ni mers des vents battues. Vraiment, la race humaine et tous les animaux Du sinistre anathème ont épuisé les maux. Les temps sont accomplis : les choses se sont tues.
Comme, du faîte plat d'un grand sépulcre ancien, La lampe dont blêmit la lueur vagabonde, Plein d'ennui, palpitant sur le désert du monde, Le soleil qui se meurt regarde et ne voit rien.
Un monstre insatiable a dévoré la vie. Astres resplendissants des cieux, soyez témoins ! C'est à vous de frémir, car ici-bas, du moins, L'affreux spectre, la goule horrible est assouvie.
Vertu, douleur, pensée, espérance, remords, Amour qui traversais l'univers d'un coup d'aile, Qu'êtes-vous devenus ? L'âme, qu'a-t-on fait d'elle ? Qu'a-t-on fait de l'esprit silencieux des morts ?
Tout ! tout a disparu, sans échos et sans traces, Avec le souvenir du monde jeune et beau. Les siècles ont scellé dans le même tombeau L'illusion divine et la rumeur des races.
Ô soleil ! vieil ami des antiques chanteurs, Père des bois, des blés, des fleurs et des rosées, Éteins donc brusquement tes flammes épuisées, Comme un feu de berger perdu sur les hauteurs.
Que tardes-tu ? La terre est desséchée et morte : Fais comme elle, va, meurs ! Pourquoi survivre encor ? Les globes détachés de ta ceinture d'or Volent, poussière éparse, au vent qui les emporte.
Et, d'heure en heure aussi, vous vous engloutirez, Ô tourbillonnements d'étoiles éperdues, Dans l'incommensurable effroi des étendues, Dans les gouffres muets et noirs des cieux sacrés !
Et ce sera la Nuit aveugle, la grande Ombre Informe, dans son vide et sa stérilité, L'abîme pacifique où gît la vanité De ce qui fut le temps et l'espace et le nombre.
(Recueil : Poèmes Barbares)
Dernière édition par didier meral le Dim 12 Avr - 6:15, édité 1 fois | |
|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: A un poète mort Dim 12 Avr - 6:15 | |
| A un poète mort Toi dont les yeux erraient, altérés de lumière, De la couleur divine au contour immortel Et de la chair vivante à la splendeur du ciel, Dors en paix dans la nuit qui scelle ta paupière.
Voir, entendre, sentir ? Vent, fumée et poussière. Aimer ? La coupe d'or ne contient que du fiel. Comme un Dieu plein d'ennui qui déserte l'autel, Rentre et disperse-toi dans l'immense matière.
Sur ton muet sépulcre et tes os consumés Qu'un autre verse ou non les pleurs accoutumés, Que ton siècle banal t'oublie ou te renomme ;
Moi, je t'envie, au fond du tombeau calme et noir, D'être affranchi de vivre et de ne plus savoir La honte de penser et l'horreur d'être un homme ! (Recueil : Poèmes Tragiques) | |
|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: L'astre rouge Dim 12 Avr - 6:41 | |
| L'astre rouge
Sur les continents morts, les houles léthargiques Où le dernier frisson d'un monde a palpité S'enflent dans le silence et dans l'immensité ; Et le rouge Sahil, du fond des nuits tragiques, Seul flambe, et darde aux flots son oeil ensanglanté. Par l'espace sans fin des solitudes nues, Ce gouffre inerte, sourd, vide, au néant pareil, Sahil, témoin suprême, et lugubre soleil Qui fait la mer plus morne et plus noires les nues, Couve d'un oeil sanglant l'universel sommeil. Génie, amour, douleur, désespoir, haine, envie, Ce qu'on rêve, ce qu'on adore et ce qui ment, Terre et ciel, rien n'est plus de l'antique moment. Sur le songe oublié de l'homme et de la vie L'oeil rouge de Sahil saigne éternellement.
(Recueil : Poèmes Tragiques) | |
|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: L'illusion suprême Dim 12 Avr - 6:50 | |
| L'illusion suprême Quand l'homme approche enfin des sommets où la vie Va plonger dans votre ombre inerte, ô mornes cieux ! Debout sur la hauteur aveuglément gravie, Les premiers jours vécus éblouissent ses yeux.
Tandis que la nuit monte et déborde les grèves, Il revoit, au delà de l'horizon lointain, Tourbillonner le vol des désirs et des rêves Dans la rose clarté de son heureux matin.
Monde lugubre, où nul ne voudrait redescendre Par le même chemin solitaire, âpre et lent, Vous, stériles soleils, qui n'êtes plus que cendre, Et vous, ô pleurs muets, tombés d'un coeur sanglant !
Celui qui va goûter le sommeil sans aurore Dont l'homme ni le Dieu n'ont pu rompre le sceau, Chair qui va disparaître, âme qui s'évapore, S'emplit des visions qui hantaient son berceau.
Rien du passé perdu qui soudain ne renaisse : La montagne natale et les vieux tamarins, Les chers morts qui l'aimaient au temps de sa jeunesse Et qui dorment là-bas dans les sables marins.
Sous les lilas géants où vibrent les abeilles, Voici le vert coteau, la tranquille maison, Les grappes de letchis et les mangues vermeilles Et l'oiseau bleu dans le maïs en floraison ;
Aux pentes des pitons, parmi les cannes grêles Dont la peau d'ambre mûr s'ouvre au jus attiédi, Le vol vif et strident des roses sauterelles Qui s'enivrent de la lumière de midi ;
Les cascades, en un brouillard de pierreries, Versant du haut des rocs leur neige en éventail ; Et la brise embaumée autour des sucreries, Et le fourmillement des Hindous au travail ;
Le café rouge, par monceaux, sur l'aire sèche ; Dans les mortiers massifs le son des calaous ; Les grands-parents assis sous la varangue fraîche Et les rires d'enfants à l'ombre des bambous ;
Le ciel vaste où le mont dentelé se profile, Lorsque ta pourpre, ô soir, le revêt tout entier ! Et le chant triste et doux des Bandes à la file Qui s'en viennent des hauts et s'en vont au quartier.
Voici les bassins clairs entre les blocs de lave ; Par les sentiers de la savane, vers l'enclos, Le beuglement des boeufs bossus de Tamatave Mêlé dans l'air sonore au murmure des flots,
Et sur la côte, au pied des dunes de Saint-Gilles, Le long de son corail merveilleux et changeant, Comme un essaim d'oiseaux les pirogues agiles Trempant leur aile aiguë aux écumes d'argent.
Puis, tout s'apaise et dort. La lune se balance, Perle éclatante, au fond des cieux d'astres emplis ; La mer soupire et semble accroître le silence Et berce le reflet des mondes dans ses plis.
Mille aromes légers émanent des feuillages Où la mouche d'or rôde, étincelle et bruit ; Et les feux des chasseurs, sur les mornes sauvages, Jaillissent dans le bleu splendide de la nuit.
Et tu renais aussi, fantôme diaphane, Qui fis battre son coeur pour la première fois, Et, fleur cueillie avant que le soleil te fane, Ne parfumas qu'un jour l'ombre calme des bois !
Ô chère Vision, toi qui répands encore, De la plage lointaine où tu dors à jamais, Comme un mélancolique et doux reflet d'aurore Au fond d'un coeur obscur et glacé désormais !
Les ans n'ont pas pesé sur ta grâce immortelle, La tombe bienheureuse a sauvé ta beauté : Il te revoit, avec tes yeux divins, et telle Que tu lui souriais en un monde enchanté !
Mais quand il s'en ira dans le muet mystère Où tout ce qui vécut demeure enseveli, Qui saura que ton âme a fleuri sur la terre, O doux rêve, promis à l'infaillible oubli ?
Et vous, joyeux soleils des naïves années, Vous, éclatantes nuits de l'infini béant, Qui versiez votre gloire aux mers illuminées, L'esprit qui vous songea vous entraîne au néant.
Ah ! tout cela, jeunesse, amour, joie et pensée, Chants de la mer et des forêts, souffles du ciel Emportant à plein vol l'Espérance insensée, Qu'est-ce que tout cela, qui n'est pas éternel ?
Soit ! la poussière humaine, en proie au temps rapide, Ses voluptés, ses pleurs, ses combats, ses remords, Les Dieux qu'elle a conçus et l'univers stupide Ne valent pas la paix impassible des morts. (Recueil : Poèmes Tragiques)
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|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: La mort du soleil Dim 12 Avr - 6:55 | |
| La mort du soleil Le vent d'automne, aux bruits lointains des mers pareil, Plein d'adieux solennels, de plaintes inconnues, Balance tristement le long des avenues Les lourds massifs rougis de ton sang, ô soleil !
La feuille en tourbillons s'envole par les nues ; Et l'on voit osciller, dans un fleuve vermeil, Aux approches du soir inclinés au sommeil, De grands nids teints de pourpre au bout des branches nues.
Tombe, Astre glorieux, source et flambeau du jour ! Ta gloire en nappes d'or coule de ta blessure, Comme d'un sein puissant tombe un suprême amour.
Meurs donc, tu renaîtras ! L'espérance en est sûre. Mais qui rendra la vie et la flamme et la voix Au coeur qui s'est brisé pour la dernière fois ?
(Recueil : Poèmes Barbares) | |
|  | | didier meral 100 messages

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 | Sujet: Nox Dim 12 Avr - 6:58 | |
| Nox Sur la pente des monts les brises apaisées Inclinent au sommeil les arbres onduleux ; L'oiseau silencieux s'endort dans les rosées, Et l'étoile a doré l'écume des flots bleus.
Au contour des ravins, sur les hauteurs sauvages, Une molle vapeur efface les chemins ; La lune tristement baigne les noirs feuillages ; L'oreille n'entend plus les murmures humains.
Mais sur le sable au loin chante la Mer divine, Et des hautes forêts gémit la grande voix, Et l'air sonore, aux cieux que la nuit illumine, Porte le chant des mers et le soupir des bois.
Montez, saintes rumeurs, paroles surhumaines Entretien lent et doux de la Terre et du Ciel ! Montez, et demandez aux étoiles sereines S'il est pour les atteindre un chemin éternel.
O mers, ô bois songeurs, voix pieuses du monde, Vous m'avez répondu durant mes jours mauvais ; Vous avez apaisé ma tristesse inféconde, Et dans mon coeur aussi vous chantez à jamais ! (Recueil : Poèmes Antiques)
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Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: Solvet Seclum Dim 12 Avr - 7:02 | |
| Solvet Seclum Tu te tairas, ô voix sinistre des vivants !
Blasphèmes furieux qui roulez par les vents, Cris d'épouvante, cris de haine, cris de rage, Effroyables clameurs de l'éternel naufrage, Tourments, crimes, remords, sanglots désespérés, Esprit et chair de l'homme, un jour vous vous tairez ! Tout se taira, dieux, rois, forçats et foules viles, Le rauque grondement des bagnes et des villes, Les bêtes des forêts, des monts et de la mer, Ce qui vole et bondit et rampe en cet enfer.
Tout ce qui tremble et fuit, tout ce qui tue et mange Depuis le ver de terre écrasé dans la fange Jusqu'à la foudre errant dans l'épaisseur des nuits ! D'un seul coup la nature interrompra ses bruits, Et ce ne sera point, sous les cieux magnifiques, Le bonheur reconquis des paradis antiques, Ni l'entretien d'Adam et d'Ève sur les fleurs, Ni le divin sommeil après tant de douleurs ; Ce sera quand le Globe et tout ce qui l'habite, Bloc stérile arraché de son immense orbite, Stupide, aveugle, plein d'un dernier hurlement, Plus lourd, plus éperdu de moment en moment, Contre quelque univers immobile en sa force Défoncera sa vieille et misérable écorce, Et, laissant ruisseler, par mille trous béants, Sa flamme intérieure avec ses océans, Ira fertiliser de ses restes immondes Les sillons de l'espace où fermentent les mondes.
(Recueil : Poèmes Barbares) | |
|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: Ultra Coelos Dim 12 Avr - 7:08 | |
| Ultra Coelos Autrefois, quand l'essaim fougueux des premiers rêves Sortait en tourbillons de mon coeur transporté ; Quand je restais couché sur le sable des grèves, La face vers le ciel et vers la liberté ;
Quand, chargé du parfum des hautes solitudes, Le vent frais de la nuit passait dans l'air dormant, Tandis qu'avec lenteur, versant ses flots moins rudes, La mer calme grondait mélancoliquement ;
Quand les astres muets, entrelaçant leurs flammes, Et toujours jaillissant de l'espace sans fin, Comme une grêle d'or pétillaient sur les lames Ou remontaient nager dans l'océan divin ;
Incliné sur le gouffre inconnu de la vie, Palpitant de terreur joyeuse et de désir, Quand j'embrassais dans une irrésistible envie L'ombre de tous les biens que je n'ai pu saisir ;
Ô nuits du ciel natal, parfums des vertes cimes, Noirs feuillages emplis d'un vague et long soupir, Et vous, mondes, brûlant dans vos steppes sublimes, Et vous, flots qui chantiez, près de vous assoupir !
Ravissements des sens, vertiges magnétiques Où l'on roule sans peur, sans pensée et sans voix ! Inertes voluptés des ascètes antiques Assis, les yeux ouverts, cent ans, au fond des bois !
Nature ! Immensité si tranquille et si belle, Majestueux abîme où dort l'oubli sacré, Que ne me plongeais-tu dans ta paix immortelle, Quand je n'avais encor ni souffert ni pleuré ?
Laissant ce corps d'une heure errer à l'aventure, Par le torrent banal de la foule emporté, Que n'en détachais-tu l'âme en fleur, ô Nature, Pour l'absorber dans ton impassible beauté ?
Je n'aurais pas senti le poids des ans funèbres ; Ni sombre, ni joyeux, ni vainqueur, ni vaincu, J'aurais passé par la lumière et les ténèbres, Aveugle comme un Dieu : je n'aurais pas vécu !
Mais, ô Nature, hélas ! ce n'est point toi qu'on aime ; Tu ne fais point couler nos pleurs et notre sang, Tu n'entends point nos cris d'amour ou d'anathème, Tu ne recules point en nous éblouissant !
Ta coupe toujours pleine est trop près de nos lèvres ; C'est le calice amer du désir qu'il nous faut ! C'est le clairon fatal qui sonne dans nos fièvres : Debout ! Marchez, courez, volez, plus loin, plus haut !
Ne vous arrêtez pas, ô larves vagabondes ! Tourbillonnez sans cesse, innombrables essaims ! Pieds sanglants ! gravissez les degrés d'or des mondes ! Ô coeurs pleins de sanglots, battez en d'autres seins !
Non ! Ce n'était point toi, solitude infinie, Dont j'écoutais jadis l'ineffable concert ; C'était lui qui fouettait de son âpre harmonie L'enfant songeur couché sur le sable désert.
C'est lui qui dans mon coeur éclate et vibre encore Comme un appel guerrier pour un combat nouveau. Va ! nous t'obéirons, voix profonde et sonore, Par qui l'âme, d'un bond, brise le noir tombeau !
À de lointains soleils allons montrer nos chaînes, Allons combattre encor, penser, aimer, souffrir ; Et, savourant l'horreur des tortures humaines, Vivons, puisqu'on ne peut oublier ni mourir ! (Recueil : Poèmes Barbares)
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|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: Christine Dim 12 Avr - 7:17 | |
| Christine Une étoile d'or là-bas illumine Le bleu de la nuit, derrière les monts. La lune blanchit la verte colline : - Pourquoi pleures-tu, petite Christine ? Il est tard, dormons.
- Mon fiancé dort sous la noire terre, Dans la froide tombe il rêve de nous. Laissez-moi pleurer, ma peine est amère Laissez-moi gémir et veiller, ma mère : Les pleurs me sont doux.
La mère repose, et Christine pleure, Immobile auprès de l'âtre noirci. Au long tintement de la douzième heure, Un doigt léger frappe à l'humble demeure : - Qui donc vient ici ?
- Tire le verrou, Christine, ouvre vite : C'est ton jeune ami, c'est ton fiancé. Un suaire étroit à peine m'abrite ; J'ai quitté pour toi, ma chère petite, Mon tombeau glacé.
Et coeur contre coeur tous deux ils s'unissent. Chaque baiser dure une éternité : Les baisers d'amour jamais ne finissent. Ils causent longtemps, mais les heures glissent, Le coq a chanté.
Le coq a chanté, voici l'aube claire L'étoile s'éteint, le ciel est d'argent. - Adieu, mon amour, souviens-toi, ma chère ! Les morts vont rentrer dans la noire terre, Jusqu'au jugement.
- Ô mon fiancé, souffres-tu, dit-elle, Quand le vent d'hiver gémit dans les bois, Quand la froide pluie aux tombeaux ruisselle ? Pauvre ami, couché dans l'ombre éternelle, Entends-tu ma voix ?
- Au rire joyeux de ta lèvre rose, Mieux qu'au soleil d'or le pré rougissant, Mon cercueil s'emplit de feuilles de rose ; Mais tes pleurs amers dans ma tombe close Font pleuvoir du sang.
Ne pleure jamais ! Ici-bas tout cesse, Mais le vrai bonheur nous attend au ciel. Si tu m'as aimé, garde ma promesse : Dieu nous rendra tout, amour et jeunesse, Au jour éternel.
- Non ! je t'ai donné ma foi virginale ; Pour me suivre aussi, ne mourrais-tu pas ? Non ! je veux dormir ma nuit nuptiale, Blanche, à tes côtés, sous la lune pâle, Morte entre tes bras !
Lui ne répond rien. Il marche et la guide. À l'horizon bleu le soleil paraît. Ils hâtent alors leur course rapide, Et vont, traversant sur la mousse humide La longue forêt.
Voici les pins noirs du vieux cimetière. - Adieu, quitte-moi, reprends ton chemin ; Mon unique amour, entends ma prière ! Mais elle au tombeau descend la première, Et lui tend la main.
Et, depuis ce jour, sous la croix de cuivre, Dans la même tombe ils dorment tous deux. Ô sommeil divin dont le charme enivre ! Ils aiment toujours. Heureux qui peut vivre Et mourir comme eux ! (Recueil : Poèmes Barbares)
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|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: Symphonie Dim 12 Avr - 7:21 | |
| Symphonie O chevrier ! ce bois est cher aux Piérides. Point de houx épineux ni de ronces arides ; A travers l'hyacinthe et le souchet épais Une source sacrée y germe et coule en paix. Midi brûle là-bas où, sur les herbes grêles, On voit au grand soleil bondir les sauterelles ; Mais, du hêtre au platane et du myrte au rosier, Ici, le merle vole et siffle à plein gosier. Au nom des Muses ! viens sous l'ombre fraîche et noire ! Voici ta double flûte et mon pektis d'ivoire. Daphnis fera sonner sa voix claire, et tous trois, Près du roc dont la mousse a verdi les parois, D'où Naïs nous écoute, un doigt blanc sur la lèvre, Empêchons de dormir Pan aux deux pieds de chèvre. (Recueil : Poèmes Antiques)
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|  | | didier meral 100 messages

Nombre de messages : 200 Age : 61 Localisation : La Chapelle Thouarault Date d'inscription : 10/05/2007
 | Sujet: Le sommeil de Leïlah Dim 12 Avr - 9:01 | |
| Le sommeil de Leïlah Ni bruits d'aile, ni sons d'eau vive, ni murmures ; La cendre du soleil nage sur l'herbe en fleur, Et de son bec furtif le bengali siffleur Boit, comme un sang doré, le jus des mangues mûres.
Dans le verger royal où rougissent les mûres, Sous le ciel clair qui brûle et n'a plus de couleur, Leïlah, languissante et rose de chaleur, Clôt ses yeux aux longs cils à l'ombre des ramures.
Son front ceint de rubis presse son bras charmant ; L'ambre de son pied nu colore doucement Le treillis emperlé de l'étroite babouche.
Elle rit et sommeille et songe au bien-aimé, Telle qu'un fruit de pourpre, ardent et parfumé, Qui rafraîchit le coeur en altérant la bouche.
(Recueil : Poèmes Barbares)
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