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Sujet: Guillaume Apollinaire Lun 9 Mar - 5:54
Marie
Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère-grand C'est la maclotte qui sautille Toute les cloches sonneront Quand donc reviendrez-vous Marie
Les masques sont silencieux Et la musique est si lointaine Qu'elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine Et mon mal est délicieux
Les brebis s'en vont dans la neige Flocons de laine et ceux d'argent Des soldats passent et que n'ai-je Un cœur à moi ce cœur changeant Changeant et puis encor que sais-je
Sais-je où s'en iront tes cheveux Crépus comme mer qui moutonne Sais-je où s'en iront tes cheveux Et tes mains feuilles de l'automne Que jonchent aussi nos aveux
Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas Quand donc finira la semaine
(Recueil : Alcools)
didier meral 100 messages
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Sujet: Le pont Mirabeau Lun 23 Mar - 18:33
Le pont Mirabeau
Sous le pont Mirabeau coule la Seine Et nos amours Faut-il qu'il m'en souvienne La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
Les mains dans les mains restons face à face Tandis que sous Le pont de nos bras passe Des éternels regards l'onde si lasse
Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
L'amour s'en va comme cette eau courante L'amour s'en va Comme la vie est lente Et comme l'Espérance est violente
Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
Passent les jours et passent les semaines Ni temps passé Ni les amours reviennent Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Vienne la nuit sonne l'heure Les jours s'en vont je demeure
(Recueil : Alcools)
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Sujet: La Chanson du Mal-Aimé Lun 23 Mar - 18:37
La Chanson du Mal-Aimé
A Paul Léautaud Et je chantais cette romance En 1903 sans savoir Que mon amour à la semblance Du beau Phénix s'il meurt un soir Le matin voit sa renaissance
Un soir de demi-brume à Londres Un voyou qui ressemblait à Mon amour vint à ma rencontre Et le regard qu'il me jeta Me fit baisser les yeux de honte
Je suivis ce mauvais garçon Qui sifflotait mains dans les poches Nous semblions entre les maisons Onde ouverte de la Mer Rouge Lui les Hébreux moi Pharaon
Oue tombent ces vagues de briques Si tu ne fus pas bien aimée Je suis le souverain d'Égypte Sa soeur-épouse son armée Si tu n'es pas l'amour unique
Au tournant d'une rue brûlant De tous les feux de ses façades Plaies du brouillard sanguinolent Où se lamentaient les façades Une femme lui ressemblant
C'était son regard d'inhumaine La cicatrice à son cou nu Sortit saoule d'une taverne Au moment où je reconnus La fausseté de l'amour même
Lorsqu'il fut de retour enfin Dans sa patrie le sage Ulysse Son vieux chien de lui se souvint Près d'un tapis de haute lisse Sa femme attendait qu'il revînt
L'époux royal de Sacontale Las de vaincre se réjouit Quand il la retrouva plus pâle D'attente et d'amour yeux pâlis Caressant sa gazelle mâle
J'ai pensé à ces rois heureux Lorsque le faux amour et celle Dont je suis encore amoureux Heurtant leurs ombres infidèles Me rendirent si malheureux
Regrets sur quoi l'enfer se fonde Qu'un ciel d'oubli s'ouvre à mes voeux Pour son baiser les rois du monde Seraient morts les pauvres fameux Pour elle eussent vendu leur ombre
J'ai hiverné dans mon passé Revienne le soleil de Pâques Pour chauffer un coeur plus glacé Que les quarante de Sébaste Moins que ma vie martyrisés
Mon beau navire ô ma mémoire Avons-nous assez navigué Dans une onde mauvaise à boire Avons-nous assez divagué De la belle aube au triste soir
Adieu faux amour confondu Avec la femme qui s'éloigne Avec celle que j'ai perdue L'année dernière en Allemagne Et que je ne reverrai plus
Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons-nous d'ahan Ton cours vers d'autres nébuleuses
Je me souviens d'une autre année C'était l'aube d'un jour d'avril J'ai chanté ma joie bien-aimée Chanté l'amour à voix virile Au moment d'amour de l'année
(Recueil : Alcools)
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Sujet: Voie lactée (1) Lun 23 Mar - 18:41
Voie lactée
Voie lactée ô soeur lumineuse Des blancs ruisseaux de Chanaan Et des corps blancs des amoureuses Nageurs morts suivrons nous d'ahan Ton cours vers d'autres nébuleuses
Regret des yeux de la putain Et belle comme une panthère Amour vos baisers florentins Avaient une saveur amère Qui a rebuté nos destins
Ses regards laissaient une traîne D'étoiles dans les soirs tremblants Dans ses yeux nageaient les sirènes Et nos baisers mordus sanglants Faisaient pleurer nos fées marraines
Mais en vérité je l'attends Avec mon coeur avec mon âme Et sur le pont des Reviens-t'en Si jamais reviens cette femme Je lui dirai Je suis content
Mon coeur et ma tête se vident Tout le ciel s'écoule par eux O mes tonneaux des Danaïdes Comment faire pour être heureux Comme un petit enfant candide
Je ne veux jamais l'oublier Ma colombe ma blanche rade O marguerite exfoliée Mon île au loin ma Désirade Ma rose mon giroflier
Les satyres et les pyraustes Les égypans les feux follets Et les destins damnés ou faustes La corde au cou comme à Calais Sur ma douleur quel holocauste
Douleur qui doubles les destins La licorne et le capricorne Mon âme et mon corps incertains Te fuient ô bûcher divin qu'ornent Des astres des fleurs du matin
Malheur dieu pâle aux yeux d'ivoire Tes prêtres fous t'ont-ils paré Tes victimes en robe noire Ont-elles vainement pleuré Malheur dieu qu'il ne faut pas croire
Et toi qui me suis en rampant Dieu de mes dieux morts en automne Tu mesures combien d'empans J'ai droit que la terre me donne O mon ombre ô mon vieux serpent
Au soleil parce que tu l'aimes Je t'ai mené souviens-t'en bien Ténébreuse épouse que j'aime Tu es à moi en n'étant rien O mon ombre en deuil de moi-même
L'hiver est mort tout enneigé On a brûlé les ruches blanches Dans les jardins et les vergers Les oiseaux chantent sur les branches Le printemps clair l'Avril léger
Mort d'immortels argyraspides La neige aux boucliers d'argent Fuit les dendrophores livides Du printemps cher aux pauvres gens Qui resourient les yeux humides
Mais moi j'ai le coeur aussi gros Qu'un cul de dame damascène O mon amour je t'aimais trop Et maintenant j'ai trop de peine Les sept épées hors du fourreau
Sept épées de mélancolie Sans morfil ô claires douleurs Sont dans mon coeur et la folie Veux raisonner pour mon malheur Comment voulez-vous que j'oublie
(Recueil : Alcools)
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Sujet: Les sept épées Lun 23 Mar - 18:44
Les sept épées
La première est toute d'argent Et son nom tremblant c'est Pâline Sa lame un ciel d'hiver neigeant Son destin sanglant gibeline Vulcain mourut en la forgeant
La seconde nommée Noubosse Est un bel arc-en-ciel joyeux Les dieux s'en servent à leurs noces Elle a tué trente Bé-Rieux Et fut douée par Carabosse
La troisième bleu féminin N'en est pas moins un chibriape Appelé Lul de Faltenin Et que porte sur une nappe L'Hermès Ernest devenu nain
La quatrième Malourène Est un fleuve vert et doré C'est le soir quand les riveraines Y baignent leurs corps adorés Et des chants de rameurs s'y trainent
La cinquième Sainte-Fabeau C'est la plus belle des quenouilles C'est un cyprès sur un tombeau Où les quatre vents s'agenouillent Et chaque nuit c'est un flambeau
La Sixième métal de gloire C'est l'ami aux si douces mains Dont chaque matin nous sépare Adieu voilà votre chemin Les coqs s'épuisaient en fanfares
Et la septième s'exténue Une femme une rose morte Merci que le dernier venu Sur mon amour ferme la porte Je ne vous ai jamais connue
(Recueil : Alcools)
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Sujet: Crépuscule Lun 23 Mar - 18:48
Crépuscule
A Mademoiselle Marie Laurencin
Frôlée par les ombres des morts Sur l'herbe où le jour s'exténue L'arlequine s'est mise nue Et dans l'étang mire son corps
Un charlatan crépusculaire Vante les tours que l'on va faire Le ciel sans teinte est constellé D'astres pâles comme du lait
Sur les tréteaux l'arlequin blême Salue d'abord les spectateurs Des sorciers venus de Bohême Quelques fées et les enchanteurs
Ayant décroché une étoile Il la manie à bras tendu Tandis que des pieds un pendu Sonne en mesure les cymbales
L'aveugle berce un bel enfant La biche passe avec ses faons Le nain regarde d'un air triste Grandir l'arlequin trismégiste
(Recueil : Alcools)
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Sujet: Marizibill Lun 23 Mar - 18:51
Marizibill
Dans la Haute-Rue à Cologne Elle allait et venait le soir Offerte à tous en tout mignonne Puis buvait lasse des trottoirs Très tard dans les brasseries borgnes
Elle se mettait sur la paille Pour un maquereau roux et rose C'était un juif il sentait l'ail Et l'avait venant de Formose Tirée d'un bordel de Changaï
Je connais des gens de toutes sortes Ils n'égalent pas leurs destins Indécis comme feuilles mortes Leurs yeux sont des feux mal éteints Leurs coeurs bougent comme leurs portes
(Recueil : Alcools)
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Sujet: L'Adieu Lun 23 Mar - 18:53
L'Adieu
J'ai cueilli ce brin de bruyère L'automne est morte souviens-t'en Nous ne nous verrons plus sur terre Odeur du temps brin de bruyère Et souviens-toi que je t'attends
(Recueil : Alcools)
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Sujet: Automne Lun 23 Mar - 18:58
Automne
Dans le brouillard s'en vont un paysan cagneux Et son boeuf lentement dans le brouillard d'automne Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s'en allant là-bas le paysan chantonne Une chanson d'amour et d'infidélité Qui parle d'une bague et d'un coeur que l'on brise
Oh! l'automne l'automne a fait mourir l'été Dans le brouillard s'en vont deux silhouettes grises