
Mots d'art & Scénarios Poésie, littérature, pensées, scripts d'art, oeuvres de Ginette Villeneuve |
| | Poètes d'Espagne | |
| | Auteur | Message |
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Stryx Messsager

Nombre de messages : 49 Localisation : Italie Date d'inscription : 22/06/2005
 | Sujet: Re: Poètes d'Espagne Mer 13 Sep - 13:42 | |
| PABLO NERUDA
CORPS DE FEMME
« Corps de femme, blanches collines, cuisses blanches, tu ressembles au monde dans ton attitude d'abandon. Mon corps de laboureur sauvage te creuse et fait jaillir le fils du fond de la terre.
Je fus seul comme un tunnel. Les oiseaux me fuyaient, et en moi la nuit pénétrait de son invasion puissante. Pour me survivre, je t'ai forgé comme une arme, comme une flèche à mon arc, comme une pierre à ma fronde.
Mais l'heure de la vengeance tombe à pic, et je t'aime. Corps de peau, de mousse, de lait avide et ferme. Ah les vases de la poitrine ! Ah les yeux de l'absence ! Ah les roses du pubis ! Ah ta voix lente et triste !
Corps de femme mienne, je persisterai en ta grâce. Ma soif, mon désir sans bornes, mon chemin indécis ! Lits de rivières obscurs où la soif éternelle continue, et la fatigue continue, et la douleur infinie. » | |
|  | | villaperla Messsager
Nombre de messages : 29 Localisation : France Date d'inscription : 21/07/2005
 | Sujet: Re: Poètes d'Espagne Sam 17 Sep - 14:18 | |
| Fin du vol de Juan Duch Gary
Faites-moi sous le sable des mers, un cloître tiède pour garder les rêves aux après-midis de pluie et de jasmins qui peuplent mes cheveux et mon front. Et à côté vous poserez l’huile qui nourrira la lampe ; sur un feutre subtil pour ramasser poussière et mystères un blanc morceau de nuage abattu et un habit empesé avec son long bâton de voyageur. Dans un jour de rafale et de lueur je rentrerai de mon vol itinérant et je trouverai réunies, dans mon aimable réduit solitaire, les ingrédients de la fantaisie réveillés et groupés. J’initierai leur mouvement sans attaches d’éllipse planétaire ; avec un souffle perpétuel. Je réduirai le chemin de mes pas à la quiétude admirable des astres. et je vivrai la vie sans tumultes sans peau, sans os et sans nerfs. Juan Duch Gary http://www.poesie.net/juan2.htm | |
|  | | Cécile Ange
Nombre de messages : 70 Date d'inscription : 27/12/2004
 | Sujet: Re: Poètes d'Espagne Mer 19 Jan - 14:52 | |
| BALANCE
La nuit toujours paisible. Le jour arrive.
La nuit morte et lointaine. Le jour n’a plus qu’une aile.
La nuit sur miroirs plans Et le jour sous le vent.
Federico Garcia Lorca dans Poésie II, éditions Gallimard, page 21. | |
|  | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
 | Sujet: Federico GARCIA LORCA Mar 18 Jan - 16:07 | |
| P L U I E
La pluie a comme un vague secret de tendresse, Plein de résignation, de somnolence aimable. Discrète, une musique avec elle s'éveille Qui fait vibrer l'âme lente du paysage.
C'est un baiser d'azur que la Terre reçoit, Le mythe primitif accompli de nouveau, Le contact d'une terre et d'un ciel déjà froids Dans la douceur d'un soir qui n'en finit jamais.
C'est l'aurore du fruit, la porteuse de fleurs, La purification du saint-esprit des mers. C'est elle qui répand la vie sur les semailles Et dans nos coeurs le sentiment de l'inconnu.
La nostalgie terrible d'une vie perdue, Le sentiment fatal d'être arrivé trop tard, L'espérance inquiète d'un futur impossible, Et l'inquiétude, soeur des douleurs de la chair.
Elle éveille l'amour dans le gris de ses rythmes. Notre ciel intérieur s'empourpre de triomphe ; Mais bientôt nos espoirs en tristesses se changent A contempler sur les carreaux ses gouttes mortes.
Ses gouttes sont les yeux de l'infini qui voient Le blanc de l'infini qui leur donna naissance.
Chaque goutte de pluie en tremblant sur la vitre Y fait, divine, une blessure de diamant, Poétesse de l'eau qui a vu et médite Ce qu'ignore la foule des ruisseaux et des fleuves.
Sans orages ni vents, ô pluie silencieuse, Douceur sereine de sonnaille et de lumière, Pacifique bonté, la seule véritable, Qui, amoureuse et triste, sur toute chose tombes,
Ô pluie franciscaine où chaque goutte porte Une âme claire de fontaine et d'humble source, Quand lentement sur la campagne tu descends, Les roses de mon coeur à ta musique s'ouvrent.
Le psaume primitif que tu dis au silence, Le conte mélodieux que tu dis aux ramées, Mon coeur dans son désert le répète en pleurant Sur les cinq lignes noires d'une portée sans clé.
J'ai la tristesse en moi de la pluie sereine, Tristesse résignée de l'irréalisable Je vois à l'horizon mon étoile allumée Mais mon coeur m'interdit de courir pour la voir.
Tu mets sur le piano une douceur troublante, Ô pluie silencieuse, ô toi qu'aiment les arbres. Tu donnes à mon coeur les vagues résonances Qui vibrent dans l'âme lente du paysage !
Janvier 1918 - Grenade Livre de poèmes, 1921 Federico GARCIA LORCA (1898-1936) http://www.chez.com/poete/Postit_Lorca.htm | |
|  | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14616 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
 | Sujet: Poètes d'Espagne Mar 18 Jan - 16:05 | |
| Federico Garcia Lorca (1898-1936)
ELEGIE DU SILENCE
Silence, où mènes-tu Ton cristal imprégné De rires, de paroles Et des sanglots de l'arbre ? Comment effaces-tu La rosée des chansons Et les taches sonores Que les lointaines vagues Laissent sur la blancheur Sereine de ton voile ? Qui ferme tes blessures Lorsque dans les campagnes Une vieille noria Plante sa flèche lente Dans ton cristal immense ? Où vas-tu si, le soir, Te blesse l'angélus, Si troublent ton repos Des essaims de chansons Et la rumeur dorée Qui tombe sur les monts Bleutés en sanglotant ?
La bise de l'hiver Brise ton bleu céleste Et la plainte muette D'une froide fontaine Saccage tes bosquets. Où tu poses les mains, Tu rencontres l'épine Du rire ou la brûlante Hache de la passion. Si tu vas vers les astres, Le concert solennel Des oiseaux de l'éther Détruit tout l'équilibre De ton secret esprit.
A vouloir fuir le son, Tu deviens son toi-même, Spectre de l'harmonie, Fumée de cri et plainte. Tu viens pour nous apprendre, Le long des nuits obscures, La parole infinie Sans haleine et sans lèvres.
Percé de milliers d'astres Et gonflé de musique, Où mènes-tu, silence, Ta douleur surhumaine, Douleur d'être captif D'un tissu d'harmonie Qui aveugle à jamais Ta fontaine sacrée ?
Et tes ondes troublées De pensées, tu entraînes Aujourd'hui la poussière Des douleurs anciennes, L'écho de tous les cris A jamais effacés, Le tonnerre lointain De l'océan, figé.
Si Jéhovah* s'endort, Monte à son brillant trône, Brise-lui sur le front Le poids d'un astre mort Pour en finir vraiment Avec cette musique Eternelle et ce jour Sonore d'harmonie. Puis retourne à la source Où dans la nuit sans fin Tu t'écoulais paisible Avant que Dieu ne vînt.
Juillet 1920 Livre de poèmes Federico GARCIA LORCA (1898-1936)
* Symbole de l'ordre ancien, despotique et rigide http://www.chez.com/poete/Postit_Lorca.htm | |
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