Mots d'art & Scénarios
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 L'oiseau s'est envolé...

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AuteurMessage
Pascal9
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Pascal9


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Date d'inscription : 20/12/2004

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MessageSujet: L'oiseau s'est envolé...   L'oiseau s'est envolé... EmptyLun 27 Nov - 12:12

L’oiseau s’est envolé.



« C’est bon, dit Isaac Provencher en écrasant sa cigarette, c’est bien ce que je pensais : A droite au carrefour, direct sur Central Avenue et après Watts, il va stopper… Il est descendu au Dunbar !
- À droite au carrefour, direct sur le quartier noir de Watts reprit Otis en le singeant… Direct sur les embrouilles… Ouais… Il y a bien des endroits, mon pote, où l’on aimerait traîner ! Los Angeles est une ville plaisante, mais la 42ème rue à cette heure, faudrait éviter… Tu n’es jamais venu te perdre par ici, n’est-ce pas Pratte ?
- Jamais ! Dit le gros Pratte (l’équipier de Provencher). Depuis cinq ans Isaac vadrouille avec moi et nous n’avons jamais fait voile jusqu’ici. Arrête de nous chambrer et surveille, camarade! »
Isaac Provencher haussa les épaules et ralluma une Lucky Strike. Comme ils abordaient la 42ème, il dit à Otis qui, le premier, s’apprêtait à sortir.
« Fais gaffe, Derek ! C’est un bon gars, mais quand même…
- C’est tout bon ! Rigola Otis le Fureteur, tu peux toujours… Nom d’un chien ! Le voilà… Sur le trottoir d’en face… J’ai failli le manquer !
- Qu’est-ce qu’il fabrique ? demanda Pratte. Il attend quelqu’un, non ?
Les trois hommes épièrent en silence dans la chaleur moite de la camionnette Studebacker 1937 démodée à la couleur défraîchie ; là commençait Watts le cœur noir de L.A.
- Hôtel Dunbar, un temple, n’est-ce pas ? Interrogea Pratte en hochant la tête. Eh bien, ce sacré club n’a pas volé sa réputation ! Va donc entrer là-dedans : on n’y est pas les bienvenus…
- Qu’est-ce qu’on cherche au juste ? Demanda Derek Otis.
- Des renseignements, ses fournisseurs, ses contacts… Lui, on s’en fout, de toute façon, il est foutu…
- Tu crois que c’est le genre à balancer… Tu rêves Isaac !
- Il n’a plus le choix, s’il veut continuer à jouer… Il faut qu’il s’allonge… Rétorqua Provencher : prends la ruelle derrière et gare toi dans le fond, près de la lampe. Là… la petite porte qui donne sur les loges…
- Isaac, dit doucement Stan Pratte, on pourrait peut-être lui foutre la paix, tu ne crois pas ? C’est pousser un peu loin l’investigation…
- Sacré Stan, toujours ton esprit de midinette… Je ne te savais pas si féru de cette musique… Tu t’es trompé de couleur, mon frère…
- Pas de violences, pas de coups… C’est un mec connu, compris, même s’il n’est pas de la bonne teinte… Nous n’avons pas toute la nuit, et il repart demain par avion…
- Comme si j’avais l’habitude de cogner à tout va… Commença Otis, qui était très nerveux et serrait déjà les poings …
- Du sang-froid ! Du sang-froid !... Bon ! Après le concert, il va aller descendre des godets au bar, l’Alabama est un club aussi renommé pour sa musique que pour la qualité de son bourbon… Il doit parler à son vieux pote Dizzy Gillepsie… On le cueille à la sortie…
Mais notre spécialiste maison doit savoir tout cela, pas vrai Stan ? Ajouta-t-il en poussant du coude le gros Pratte qui se renfrogna de plus belle.
Isaac douta un instant, on l’entendit sifflotait « Embraceable you »
« Hé hé ! Je fais des émules. On a des remords, mon frère ? Fit le gros Stan d’une voix railleuse.
- Et bien, au moins, tu auras entendu çà… Isaac le juif de Westwood qui s’encanaille dans le Watts ! fit Provencher goguenard, comme s’il décidait qu’il était temps d’agir…
- Bon, il est comment ton client ?
- Il a l’air fatigué, si fatigué, ce mec, t’as l’impression que toutes les galères du monde lui ont servie de paquebots… Il est assis dans un coin de la scène, il n’est pas là physiquement… Ce type est un cas… Oui, un cas…
Quand ils poussèrent les portes de l’Alabama, ils ne surent pas d’abord ce qui les impressionnait le plus de la pénombre pourpre, de la foule ou de la musique ; mais quand
Madame Ella Fitzgerald s’approcha, ils comprirent que c’était un autre monde.
Ils commandèrent un bourbon à l’eau et burent lentement à la santé de la police de L.A. et à la jubilation perverse d’être honorable. L’orchestre attaqua « Scrapple From The Apple » ; Stan Pratte devint livide.
« -Qu’est-ce qui t’arrive, mon gars ?
- Eh ! Murmura-t-il, cet orchestre…
- Tu picoles trop, Stan, ce n’est pas bon pour toi, tu vas finir par ressembler à ces mecs…
Otis lui versa un second bourbon. A ce moment, Ella prit place à côté d’eux, juchée sur un haut tabouret, elle but d’un trait le verre de Stan, et dit en souriant :
« - Alors, mes petits poulets, on s’encanaille dans la 42ème ?
- Bonsoir, Madame Fitzgerald » fit Crappe en se levant.
Mais Isaac s’était déjà interposé…
« Oh ! Stan, t’es pas là pour faire des mondanités, d’accord ! Pas avec elle…
- Ecoute, Isaac, tu ne devrais pas, je pense…
- Tu la fermes, le copain des nègres, c’est compris, éructa Otis
- Tu n’es pas galant, l’ami… Tu devrais être plus poli avec les dames, mon garçon… À moins que tu n’aimes pas les ladys… La police de L.A. évolue à ce que je vois …
Dans le fond de la salle, le quintet jouait « Crazeology » dans une version un peu édulcorée…
- Arrivez ! Vous autres !
Isaac venait de comprendre… Un peu trop tard… Se ruant dans la petite rue derrière, ils assistèrent impuissants au démarrage d’un taxi grondant… Bizarre carrosse citron d’une soirée singulière… Bientôt les feux rouges s’estompèrent dans le velours de la pénombre, un point d’orgue… Une résonance légère et redoutable, une fugue jazzy pour un oiseau libre et sans cage…
Dans la Chevy poisseuse… Charlie s’adossa confortablement, il avait mal au dos, depuis quelques semaines, il avait mal partout... D’ailleurs… Il était si fatigué, tellement fatigué… Il allait rentrer demain… Il irait chez sa vieille amie… Celle de toujours… Il avait envie de repos, regarder la télévision, simplement dans l’instant, sans plus penser à demain…
Sur un trottoir de Bunker Hill, une mamma sans âge était assise sur une très vieille chaise et dans la chaleur de la nuit, elle chantait cette étrange mélopée :
Sous l’écharpe bleue de la nuit
April in Paris
L’oiseau de feu s’est endormi
Sur Manhattan la brume danse
320 pulsations minutes…
À quoi penses-tu quand tu joues ?

Sous les néons Harlem ondule
La poudre blanche agresse le cuivre
Casse les accords du vieux guerrier
Cherokee…
Sous l’écharpe bleue de la nuit.
April in Paris
320 pulsations minutes…
Plus loin
Dans les brouillards, l’oiseau s’endort
Be-bop, be-bop…
Rayons cosmiques, astéroïdes…
Les grues de métal saluent ton envol
Oiseau de feu
As-tu trouvé le bon tempo ?
As-tu trouvé le vrai repos ?
Par vagues, le saxo s’évapore
Comme dans un rêve déjà fini…
Cherokee…
Il tombe une poudre blanche
Tu as gardé les clés du royaume
Envole-toi… Bird… Envole-toi…
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