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| | Jadis l'Océan | |
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Romane 100 messages
Nombre de messages : 294 Localisation : Pyrénées Atlantiques - France Date d'inscription : 19/12/2004
| Sujet: Jadis l'Océan Lun 20 Déc - 20:18 | |
| Jadis, l'océan
Grands fonds, avec rien au-dessus pour leur donner leur nom. Grands fonds, sans fond au-dessus de leur propre fond en dedans de leurs tréfonds. Longues étendues, nues, abandonnées, stériles et sans objet. Cratères puisables, épuisés, trop accessibles à la main de l’homme. Dénivellations hasardeuses. Vallons. Pics. Plaines. Livrées aux gémissements de l’air impudique et voleur.
Grands fonds sans raison d’être, sans volonté de vivre, ni de se mouvoir aux glissements absents des algues avortées. Cachettes dérobées aux accrocs, aux morsures, aux fuites silencieuses.
Grands fonds sans obscurité, sans l’ondoiement des voiles fluides, salées, froides et mourantes, renaissantes, infinies, inlassables, éperdument libres et déliées, de l’océan disparu.
Grands fonds livrés à l’agonie de leurs impossibles accueils, eux qui engloutissaient la déchirure des naufrages, l’âme des noyés, l’abandon des suicidés…
Grands fonds gardiens des bracelets tombés par-dessus bord, avaleurs de cercueils en lin blanc, tombeaux des trésors enfoncés dans leur vase mouvante, piqués dans leurs entrailles par des éclats d’amphores et par le poignard des pirates.
Grands fonds, profondeurs ténébreuses. Jadis.
Jadis. Au temps du temps des compléments. Au temps du parfait remplissage de leurs formes, de ce remplissage qui les baptisait.
Grands fonds, avec le S des pluriels arrogants, majestueux, insondables…
Au temps du poids de l’océan. De ce poids insistant, étouffant, écrasant, jusqu’à leur briser les reins. De ce poids dont on ne s’élève plus jamais pour atteindre le ciel.
Jadis. Avant l’absurdité d’un monde bouleversé, renversé, basculé dans la glisse de ses grandes morts. Trois mille ans d’agonie.
Il est parti comme ça, sournoisement, presque sans bruit, aux brumes matinales. Imperceptiblement, aux brûlures d’en haut. Aux vents des quatre points.
Il est parti, l’océan, emportant avec lui l’objet de son complément.
Les grands fonds ne sont plus que désert livré à l’émergence crue d’une écorce salée, d’une croûte craquelée de sécheresse, blanche, aussi blanche que leur amnésie…
Romane - Novembre 2004 | |
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