De bien étranges étrangers

-

Sixième étage quartier Les Comptes
La nuit
En face de nous le complexe portuaire et industriel de Fos sur mer
Fosse aux lumières, flamme en l’air, plus loin la mer
On se partage le ciel, c’est la chasse aux mirages
Tu désignes du doigt les intrus satellites
Sur un air de mistral à plier peupliers
Je ne vois que tes mains alléger tout ce vide
Nos cafés ont un goût d’embruns salé sucré
Leur surface un air de méditerranée houleuse
On est là accoudé à découper dans le noir des tableaux
A nommer la grande ours à lier le chariot
Il semble que l’heure déjà entre nous creuse son sombre fossé
Ma rébellion d’adolescente au relent - trahison
Cette distance entre nous où loges ton impuissance sourde
Le balcon encombré
Tes affaires de pêcheur
Une bise, tu me quittes pour un gris brise-lames
Pour un port quelque part encombré de cargos
Ici le loup ne cri pas à la lune
Pas de dunes pour conforter les mères
Juste un corps à corps entre soi et le reste
Une étendue noire où dissoudre ses maux
Moi j’y voyais le froid le vent qui fait tomber
Je ne savais pas encore l’oubli ami face à l’immensité
Le frisson de la vague qui s’en va là mourir
Dans un va et vient rituel pour renaître plus loin
Ce balancement de l’infini qui enveloppe l’âme
Ces odeurs - châle de vie contre la mort qui rôde aussi
Et puis ce raccourci entre ici et là-bas
A la pointe de Gibraltar, et encore plus près dans le regard du Père
Le tien
Ces esprits frères sur les plages de Casablanca
Toutes celles qui ornent les marges côtières Marocaines
Non je ne savais rien de tout cela enchaînée à mon roc de sommeil
Pendant que tu veillais sur tes forces à aimer chaque jour
Pendant que tu faisais de ce temps là sans nous
Un pont à vivre le lendemain et plus loin des briques à construire une histoire
Tu ne voulais pas que je partage cela ou seulement par le biais du goût et de l’écoute
Parce que le danger est vrai et que ta mort l’atteste
A moi le petit large au-delà même de ton terre plein mouillé
Et la mer folle qui gondole sous le roulis la nuit
A moi un peu de ta force laisser là et le lien avec l’infini
Je t’ai désobéies, comme pris ta main pour un bout de chemin plus loin
J’ai pris tout ce que je pouvais prendre de ce que tu avais légué là
Là bas où dans les environs
Port-de-Bouc, Marseille et ses îles jusqu’à la pointe de la Franqui
En embarquant de Port la Nouvelle
Même la côte basque pour défier l’Atlantique
Te rêver de l’autre côté à pêcher sur la digue Moulay-Youssef
Confronter l’oubli ennemi
Pour ne pas que mourir t’efface
Fasse de nous père et fille
De bien étranges étrangers.

-

Je retrouve dans ton texte valérie, toute la puissance poètique de pier paolo Pasolini!
Très grand poète italien, trop tôt disparu. Un souffle émane de ce texte, et comme un raz de marée; emporte tout sur son passage. Mes félicitations. Et même si il lui manque , un peu de ponctuation, ton écrit valérie; mérite le détour. Bisous

Merci, à tous les deux

Poète, je partage ton avis sur Pasolini
C'est pour moi une rencontre phare

Amitiés

Valérie

Ouf !
Voilà un texte qui me fait croire encore à l’existence de plumes exceptionnelles, que les mots peuvent encore exprimer des choses profondes et sublimes. Je ne connais pas cette artiste de l’écriture, passée ici il y a quelque temps, mais je lui dis que j’ai grandement apprécié cette lecture.

Et je suis si d’accord avec Poète !

Merci !

Griffon

Bonsoir Griffon

Je prends connaissance de votre message et j'en suis très touchée
Tant qu'il ne me vient que merci à l'esprit..
Bien à vous
Valérie