Il ne peut y avoir d'action que là où il y a volonté. Mais qu'est-ce qui détermine l'homme à vouloir telle chose plutôt que telle autre ? La plupart du temps, ce sont nos désirs qui nous suggèrent le contenu de ce que nous voulons. La volonté, c'est le désir plus + la raison. Il peut nous arriver de désirer une chose sans parvenir à la vouloir, c'est-à-dire sans approuver par notre raison ce que le désir nous suggère.
L'homme est libre de faire ce qu'il veut, mais est-ce libre de VOULOIR ce qu'il veut ? Non, selon, Schopenhauer. Nous ne voulons pas à volonté. Notre volonté est la voix en nous de l'espèce et de la société, plus que celle de l'individu. Si c'est l'espèce qui donne son contenu à notre volonté, alors l'homme est manipulé lors même qu'il croit vouloiir et faire ce qu'il veut. Vers quoi se tourner si notre volonté elle-même est déterminée par une instance qui nous dépsse (société ou espèce)?
La volonté ne peut cesser d'être la voix de l'espèce ou de l'instinct en nous qu'en devenant la faculté de se fixer des fins à soi-même. La raison est alors bien plus que la simple faculté d'arbitrer entre les désirs et de trouver le meilleur moyen pour les réaliser. Elle devient la faculté qu'a l'homme de se fixer une fin indépendamment de tout désir,
voire contre la totalité de ses désirs. Le devoir est le nom de ces fins que la raison nous dicte sans tenir compte ni de nos désirs, ni de nos intérêts. L'autonomie est le nom que Kant donne à cette capacité qu'a la raison de se donner à elle-même sa propre loi, c'est-à-dire de prescrire de par sa propre initiative ses propres fins à l'action humaine. (L'autonomie = le fait de n'être soumis à aucune autre loi qu'à celles qu'on se donne à soi-même).
Agie conformément au devoir, c'est agir "sans rien faire de mal", sans nuire à autrui, sans contrevenir à ce que nous comprenons par notre raison comme un comportement juste. La conformité de l'action au devoir est donc toute négative : elle ne consiste qu'à s'abstenir de toute conduite qui nuirait à autrui. C'est alors toujours le désir qui guide notre action, mais un désir qui n'entre pas en conflit avec notre raison,
un désir auquel notre volonté ne trouve rien à redire. La raison ne fait alors que suivre, elle se contente de ne pas faire obstacle à la réalisation de ses désirs.
Elle n'est pas encore la faculté de fins. Agir par devoir est bien différent : c'est agir indépendamment de tous nos désirs,
voire contre eux, simplement parce que nous comprenons par notrre raison que c'est ainsi que nous
devons agir. C'est alors la raison elle-même qui, se substituant aux désirs, fournit un contenu à notre action, en faisant taire la voix du désir. C'est à cette condition seule que l'homme peut être libre (selon Kant), dans la mesure où il oppose aux désirs (ou à l'instinct, dirait Schopenhauer), une fin que l'homme en tant qu'être rationnel se donne librement à lui-même.
L'idée de devoir envers soi peut sembler contradictoire : comment un même être peut-il être simultanément celui qui a des devoirs et celui qui a des droits ? Ne serait-ce pas aussi absurde que de se devoir de l'argent à soi-même ? Dans la perspective kantienne cependant, le devoir nous impose au fond qu'une seule chose : agir en prenant l'humanité, que ce soit en soi ou en l'autre, toujours comme une fin en soi et jamais simplement comme un moyen. Est une fin en soi ce que l'on peut -et doit- vouloir indépendamment de toute autre finalité ultérieure, non pas en tant que moyen pour réaliser ensuite autre chose, mais absolument et pour lui-même. Traiter autrui comme une fin en soi, c'est ne pas en faire un simple instrument (dans l'esclavage, dans l'exploitation de l'homme ou sa manipulation par exemple) au service de mes propres fins : c'est le respecter comme une personne.
Deuxième partie et fin demain.