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| Lucie Delarue-Mardrus, poèmes | |
| | Auteur | Message |
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Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14622 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Lucie Delarue-Mardrus, poèmes Ven 17 Aoû - 10:23 | |
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| | | Guy Rancourt 100 messages
Nombre de messages : 750 Age : 76 Localisation : Le Bic (Québec) Date d'inscription : 28/12/2004
| Sujet: Re: Lucie Delarue-Mardrus, poèmes Mer 15 Aoû - 18:20 | |
| En relisant l'oeuvre de la poétesse Lucie Delarue-Mardrus, je vous offre trois autres beaux poèmes sensuels comme seule elle pouvait en connaître le secret :
Baiser
Renverse-toi que je prenne ta bouche, Calice ouvert, rouge possession, Et que ma langue où vit ma passion Entre tes dents s'insinue et te touche :
C'est une humide et molle profondeur, Douce à mourir, où je me perds et glisse ; C'est un abîme intime, clos et lisse, Où mon désir s'enfonce jusqu'au coeur...
- Ah ! puisse aussi t'atteindre au plus sensible, Dans son ampleur et son savant détail, Ce lent baiser, seule étreinte possible, Fait de silence et de tiède corail ;
Puissé-je voir enfin tomber ta tête Vaincue, à bout de sensualité, Et détournant mes lèvres, te quitter, Laissant au moins ta bouche satisfaite !...
Refus
De l'ombre ; des coussins ; la vitre où se dégrade Le jardin ; un repos incapable d'efforts. Ainsi semble dormir la femme « enfant malade » Qui souffre aux profondeurs fécondes de son corps.
Ainsi je songe... Un jour, un homme pourrait naître De ce corps mensuel, et vivre par delà Ma vie, et longuement recommencer mon être Que je sens tant de fois séculaire déjà ;
Je songe qu'il aurait mon visage sans doute, Mes yeux épouvantés, noirs et silencieux, Et que peut-être, errant et seul avec ces yeux, Nul ne prendrait sa main pour marcher sur la route.
Ayant trop écouté le hurlement humain, J'approuve dans mon cœur l'œuvre libératrice De ne pas m'ajouter moi-même un lendemain Pour l'orgueil et l'horreur d'être une génitrice... — Et parmi mes coussins pleins d'ombre, je m'enivre De ma stérilité qui saigne lentement.
SI TU VIENS
Si tu viens, je prendrai tes lèvres dès la porte, Nous irons sans parler dans l'ombre et les coussins, Je t'y ferai tomber, longue comme une morte, Et, passionnément, je chercherai tes seins.
À travers ton bouquet de corsage, ma bouche Prendra leur pointe nue et rose entre deux fleurs, Et t'écoutant gémir du baiser qui les touche, Je te désirerai, jusqu'aux pleurs, jusqu'aux pleurs !
- Or, les lèvres au sein, je veux que ma main droite Fasse vibrer ton corps - instrument sans défaut - Que tout l'art de l'Amour inspiré de Sapho Exalte cette chair sensible intime et moite.
Mais quand le difficile et terrible plaisir Te cambrera, livrée, éperdument ouverte, Puissé-je retenir l'élan fou du désir Qui crispera mes doigts contre ton col inerte !
PAS MAL, N'EST-CE PAS?! | |
| | | Guy Rancourt 100 messages
Nombre de messages : 750 Age : 76 Localisation : Le Bic (Québec) Date d'inscription : 28/12/2004
| Sujet: Re: Lucie Delarue-Mardrus, poèmes Jeu 19 Juil - 0:55 | |
| Oui, plus de cent ans , mais si actuelle encore la poésie de Lucie delarue-Mardrus! Mon vieux prof de littérature (hélas décédé depuis septembre 2000) nous rappelait sans cesse ceci : "Reste jeune ce qui vieillit bien!" Et comme il avait raison! Bonne soirée! | |
| | | Gi Rang: Administrateur
Nombre de messages : 14622 Localisation : Lévis secteur Charny, Québec, Canada Date d'inscription : 18/12/2004
| Sujet: Re: Lucie Delarue-Mardrus, poèmes Jeu 19 Juil - 0:12 | |
| Guy merci beaucoup pour ces poèmes qui ont plus de cent ans... Gi | |
| | | Guy Rancourt 100 messages
Nombre de messages : 750 Age : 76 Localisation : Le Bic (Québec) Date d'inscription : 28/12/2004
| Sujet: Lucie Delarue-Mardrus, poèmes Mer 18 Juil - 15:53 | |
| LITANIES FÉMININES
O Dame souveraine, O Vierge entre les vierges, Pudique aux bras croisés chastement sur les seins, Triomphante aux cheveux glorieusement ceints Vers qui montent l'encens et le frisson des cierges !
Puisque tant, les doigts joints et les genoux ployants, Viennent pleurer leur mal aux plis de votre robe, Moi je ne serai pas qui raille et se dérobe, Je lèverai vers vous mes regards incroyants,
Afin de vous prier, ô refuge des âmes, O source ! aube ! vesprée et mystère des nuits, - Pour que Dieu veille mieux le sexe dont je suis - D'avoir des oraisons spéciales aux femmes.
O Dame !regardez tout ce monde si cher, Cette féminité dont vous fîtes partie Et voyez son enfance honteuse et pervertie Déjà frôlée aux sens et pêchant en sa chair ;
O Dame ! regardez la prime adolescence, Les vierges aux pensers troubles, aux cils menteurs, Chastement abaissés sur de fausses pudeurs, Et qui savent déjà la presque jouissance ;
O Dame ! regardez celle qui tournent mal Les épouses en qui la chair ne peut se taire, Qui trahissent sans honte et pour qui l'adultère Finit par n'être plus qu'un passe-temps normal ;
O Dame ! regardez ces reines captieuses Qui dans leurs manteaux d'or emportent les raisons, Les courtisanes dont absorbent les poisons Tous ceux qu'ont prix aux nerfs leurs lèvres vicieuses ;
O Dame ! regardez au fond des lupanars Ces rebuts de pavé dites filles de joie Marchandant au passant que le hasard envoie Leur peau triste et fanée où luisent tous les fards ;
O Dame ! regardez enfin ces raffinées, Celles qui vont fuyant les baisers masculins Pour entre elles unir par des gestes câlins, Leurs féminines chairs de l'homme détournées...
Regardez ! Et qu'un peu de votre chasteté Tombe de front étoilé de couronnes Sur ce monde d'enfants, de femmes, de matrones Qui vivent dans le mal et l'impureté !
O Dame souveraine, O Vierge entre les vierges, Pudique aux bras croisés chastement sur les seins, Triomphante aux cheveux glorieusement ceints Vers qui montent l'encens et le frisson des cierges !
Occident, poèmes, Éd. de la Revue Blanche, 1901, p. 96.
L'ÉTREINTE MARINE
Une voix sous-marine enfle l'inflexion De ta bouche et la mer est glauque tout entière De rouler ta chair pâle en son remous profond.
Et la queue enroulée à ta stature altière Fait rouer sa splendeur au ciel plein de couchant, Et, parmi les varechs où tu fais ta litière,
Moi qui passe le long des eaux, j'ouïs ton chant Toujours, et, sans te voir jamais, je te suppose Dans ton hybride grâce et ton geste alléchant.
Je sais l'eau qui ruisselle à ta nudité rose, Visqueuse et te salant journellement ta chair Où une flore étrange et vivante est éclose ;
Tes dix doigts dont chacun pèse du chaton clair Que vint y incruster l'algue ou le coquillage Et ta tête coiffée au hasard de la mer ;
La blanche bave dont bouillonne ton sillage, L'astérie à ton front et tes flancs gras d'oursins Et la perle que prit ton oreille au passage ;
Et comment est plaquée en rond entre tes seins La méduse ou le poulpe aux grêles tentacules, Et tes colliers d'écume humides et succincts.
Je te sais, ô sirène occulte qui circules Dans le flux et le relux que hante mon loisir Triste et grave, les soirs, parmi les crépuscules,
Jumelle de mon âme austère et sans plaisir, Sirène de ma mer natale et quotidienne, O sirène de mon perpétuel désir !
O chevelure ! Ô hanche enflée avec la mienne, Seins arrondis avec mes seins au va-et-vient De la mer, ô fards clairs, ô toi, chair neustrienne !
Quand pourrais-je sentir ton cœur contre le mien Battre sous ta poitrine humide de marée Et fermer mon manteau lourd sur ton corps païen,
Pour t'avoir nue ainsi qu'une aiguille effarée A moi, dans le frisson mouillé des goëmons, Et posséder enfin ta bouche désirée ?
Ou quel soir, descendue en silence des monts Et des forêts vers toi, dans tes bras maritimes Viendras-tu m'emporter pour, d'avals en amonts,
Balancer notre étreinte au remous des abîmes ?...
Occident, poèmes, Éd. de la Revue Blanche, 1901, p.63.
À QUELQU'UNE
Si vous aimez encore une petite âme Que vous avez eue en mains au temps passé, Qui n'était alors qu’un embryon de femme Mais dont le regard était déjà lassé, Si vous aimez encore une petite âme,
Laissez-la quelquefois revenir encor A vous, que charmaient ses yeux mélancoliques. Vous vouliez, songeant déjà sa bonne mort, La refaçonner dans vos doigts catholiques, Laissez-la quelquefois revenir encor.
Elle n'est pas devenue une chrétienne, Elle est même à présent, comme qui dirait, Sans foi, sans loi, ni joie, une âme païenne Des temps de décadence où tout s'effondrait. Elle n'est pas devenue une chrétienne.
Sa fantaisie a la bride sur le cou. C'est un bel hippogriffe qu'elle chevauche, Qui de terre en ciel la promène partout Sans plus s'arrêter au bien qu'à la débauche. Sa fantaisie a la bride sur le cou.
Elle a l'œil triste et la bouche taciturne Et quoique parfois ses essors soient très beaux, Comme elle a bu le temps présent à pleine urne, Elle se meurt de spleen, lambeaux par lambeaux. Elle a l'œil triste et la bouche taciturne.
Son dos jeune a le poids du siècle à porter Comme une mauvaise croix, sans coeur d'apôtre Et sans assomption future à monter. Voilà ce qu'elle est devenue et rien d'autre. Son dos jeune a le poids du siècle à porter.
Mais le souvenir parmi d'autres lui reste De vos mains qui la soignaient comme une fleur ; Et si vous vouliez lui rendre votre geste, Elle pleurerait son mal sur votre cœur, Car le souvenir parmi d'autres lui reste.
Laissez-la quelquefois revenir encor A vous, que charmaient ses yeux mélancoliques. Vous vouliez, songeant déjà sa bonne mort, La refaçonner dans vos doigts catholiques, Laissez-la quelquefois revenir encor.
Occident, poèmes, Éd. de la Revue Blanche, 1901, p. 121. | |
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